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Cinéma

Dans ce beau film de Zoljargal Purevdash, projeté à Cannes et pour lequel la réalisatrice a travaillé avec un breton de Montreuil sur Ille, spécialiste de la musique diphonique, on découvre, loin des clichés, l'histoire d'une famille pauvre des faubourgs d'Oulan Bator.


SI SEULEMENT JE POUVAIS HIBERNER de Zoljargal Purevdash

22/01/2024


PAR MOINS TRENTE
Beau titre : Si seulement je pouvais hiberner.
Tellement exact.
Les yourtes fument et ce n’est pas si poétique ! Les images d’Epinal devraient
elles aussi hiberner, voire s’effacer comme la vapeur qui sort des bouches par
moins trente.
Le film de cette auteure mongole, Zoljargal Purevdash, est son premier long
métrage. Remarqué à Cannes car remarquable.
Le musicien qui signe la belle bande son est professeur à Rennes 2,
ethnomusicologue et vit à Montreuil sur Ille. Oui c’est possible entre un Breton,
Johanni Curtet, spécialiste mondial des musiques diphoniques et une cinéaste
Mongole de signer un beau voyage jusque l’enfer des pauvres.
Les pauvres vivent au bord de la ville, c’est l’hiver. Parmi eux, dans ce no mans-
land de la capitale Oulan-Bator, il y a cette yourte où vivent les quatre enfants
et leur mère. Le père nomade est mort. La mère picole, brûle son malheur, se
fait aimer et haïr. Le fils aîné tient son rôle, prend sa place. Il est beau, il veut
comprendre la physique, a besoin de diplômes, remplit son contrat au lycée
jusqu’à ce que son rôle d’aîné soit écrasé.
Coupes de bois, petits trafics, séchage de cours, il faut remplir les ventres.
Chercher le charbon. Acheter les sacs, sac par sac. Nourrir sa fratrie. Travailler
l’été pour se payer des belles baskets. Vendre ses baskets pour acheter du
charbon. La misère est noire alors que tout est glacé, blanc.
Le ciel est lourd de pollution. En aidant à livrer dans la ville des demi-moutons
congelés dans la benne ouverte, on croise une manifestation contre la pollution
de l’air.
Les Assistantes Sociales viennent porter dans la yourte un filtre à brancher. Le
fils aîné signe le reçu. Le filtre est posé à la base du tuyau, il est à brancher pour
une meilleure combustion. L’électricité est coupée. Les assistantes sociales ont
fait signer le reçu.

Pays de corruption. Pays de jeunesse qui s’émancipe, de modernisation
anarchique, la Mongolie est ici au cœur d’un beau premier film, sans outrance
ni démagogie.
Juste au bord d’un néo-réalisme tout sauf exotique.
Exact. Au plus près.
Où les yourtes ne réchauffent pas la misère. Le fils aîné rudoie sa mère, l’aime,
la déteste.
Son beau visage tient tout le film, il fait froid. Le petit frère rêverait d’hiberner.

Gilles Cervera

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