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Cinéma

Nina et Djoul, copines inséparables, sont expulsées de leur squat. Elles reprennent alors la route à bord de leur vieux camion avec une soif de liberté et une seule obsession : faire la fête.


Fainéant·es, de Karim Dridi

05/06/2024


Filles, gasoil et solidarité
Elles sont deux et vous vous en souviendrez !

Vous vous souviendrez de ces deux Bonnie and Clyde d’ici et d’aujourd’hui. Ce film de surcroit est recommandé à tous ceux que les punks à chiens, disons, pour ne pas dire plus, soucient !

Insupportent, énervent, effraient, dégoutent ! Au choix ! Liste non exhaustive !

Quand vous aurez vu Fainéant.es, et vous devez aller voir Fainéant.es, vous aurez été transformé ! Une vie nouvelle s’ouvrira à vous ! Fainéant.es certes mais courageuses, velléitaires, libres, surtout libres !

Le film de Karim Dridi est une fiction documentée. Un film social avant tout. Un film qui va à toutes les limites, notamment celles qui en général provoquent, dérangent, bousculent, bref s’écartent de la norme.

Vous aimerez Nina, c’est sûr (Bonnie) et .JU. (Djoul) son amie en Clyde tête à claque et tellement attachante.

Le film est assez classiquement un road-movie. Au départ, on assiste à une sorte d’enlèvement au sein d’un ehpad. Tellement réjouissant de retrouver la vieille dame dans le camion déglingue, le Merco à tête de mort qui bringuebale, elle ronfle c’est l’inconvénient ! Il se pourrait même que la vieille devienne insupportable, un peu folle, par moment fuguant sur la plage finistérienne où elle crie face aux vents et aux vagues, pathétiquement, douloureusement, elle appelle Jean-Michel.

Pas d’inquiétude, les filles la retrouvent et ce qui n’a pas été encore dit, c’est que la vieille est notre aimée comédienne bretonne, la belle et donc éternelle Odette Simoneau de Melesse* et de partout, du théâtre et de la poésie libre. Rappelons-nous qu’elle jouait à la CDO, avec Guy Parigot pour les plus vieux d’entre nous ! Un bonheur de la retrouver, qu’on lui masse les pieds le cul dans la carlingue et le regard enjoué et puis, pfuitt, on la rend comme elles est venue ! On ne la revoit plus !

C’est ça la vie des rouliers !

Ils sont là, plus là ! Ils filent, reviennent, se posent, pas longtemps I

Ça a toujours été ça, à travers les siècles, les vagabonds, les cheminots sauf qu’ici se dessine une communauté des rouliers d’aujourd’hui, un gang de SDF modernes, un relais de punks, de marginaux qui vont de lieux en liesse, d’élaboratoire* en squats, bref, ça crache le feu, ça provoque et ça insulte, fuck la société mais c’est tellement éternel malgré la sono et les lasers.

Petits boulots dans les vignes.

Séparation, grosse engueulade entre les filles. Leurs corps se séparent mais on est sûr que ce n’est pas pour la vie.

Camion en panne. Nina se fout sous les carters, s’huile, pas grave, ses ongles courts, bouffés de l’intérieur, rongés d’extrême sont noirs de toute façon.

Enterrement de la mère, c’est chaud d’être à l’heure, en plus il pleut car c’est un enterrement. Rapprochement de famille, biture de père sur mère morte et sœur inquiète, et pfuitt. Au lendemain ou au surlendemain, elle repart, l’appel de la route est plus fort que tout !

On dirait du Varda de Sans toit ni loi, mais en moins âpre, à plusieurs ou à deux, dans les squats glauques ou les caves de Marseille.

Allez-y voir !

Bain de minuit sur fond de ND de la Garde !

Beau comme une teuf !

Beau comme un flash dont on se remet.

Beau comme une démocratie foireuse dans un collectif hasardeux et cette décision la plus belle d’allier la mort et la fête, de conduire le vieux pote tox à bout jusqu’au bout, le cercueil à fond et les baffles au max juste avant intervention police !

Film à voir !

Humain, frères humains, fraternité de ceux qui, pas besoin de le redire, n’ont que le déplacement pour identité, la sensibilité à fleur et la fête pour haute valeur morale.

Trop de sons ? Trop de solitude ? Trop de route ? La vie est trop de toute façon et pas si fainéants ceux qui s’y confrontent à la marge, sans contrat, sans lien, sans rien qui ne lie à l’autre que le choix de l’instant et l’amitié durable.

Ninna et .JU. forment pour longtemps un couple de cinéma qui vient de la route et y restera.

Karim Driddi, le réalisateur, nous fait un portrait brut et beau de deux filles courages et de tous les autres, des figurants dont le panache est la déglingue ou vice versa!

Film à saisir quand il va passer car sa diffusion sera rare. Profitez du voyage !

Gilles Cervera

    • Odette Simoneau a donné de son vivant, c’est rare, son nom à la salle de spectacle de Melesse (35), Val d’Ille.
    • L’Élaboratoire est un célèbre collectif rennais où Nina et .JU. sont les bienvenues ! Il vient de migrer de Baud-Chardonnet, quartier en cours de construction, au site de Tournebride, Boulevard di Gl Leclerc, face au campus Rennes 1.

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