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14/06/2025

Là-bas, dans la petite librairie

Reportage de Rémi Mer


Lampaul-Guimiliau, une ville moyenne de 2 000 habitants du Nord-Finistère. Au pied des enclos, se cache une librairie originale, bien insérée dans son milieu. Rencontre avec Maela, la libraire, elle aussi bien installée dans son métier de passion.


Un lien de rencontre autour des livres pour les personnes qui vivent ou passent dans la région
Un lien de rencontre autour des livres pour les personnes qui vivent ou passent dans la région
Imaginez une maison de famille pleine de recoins propices à de multiples propositions de livres en tous genres. A l'entrée, près de la cheminée. la table des livres plus récents en fonction des sorties littéraires du moment. Là, au fond de la pièce attenante, plusieurs coins pour les livres jeunesse ; ici, le rayon BD et mangas, plus loin, celui des livres sur la Bretagne, et à coté des livres en breton. Et dans une extension, un coin lecture. Faire le tour de la maison, c'est faire le tour des rayons de la librairie, comme autant de sollicitations à la lecture.  

Engagée au service de la culture
Engagée au service de la culture
Maela, la jeune libraire, elle-même brittophone, a installé de toutes pièces sa librairie au cœur du bourg : "Je travaille essentiellement avec les gens du pays, et en saison, je profite des visiteurs des enclos". Passé la quarantaine, elle revient sur son expérience de près de treize ans de libraire et sur sa formation. Deux ans en alternance à l'Institut National de Formation de Libraires à Montreuil, devenue l'Ecole de la librairie. Une référence pour découvrir les différents types de littérature par pays ou par thème, en fonction des publics. Au programme, le livre-monde et le monde des livres et des libraires. Avec à la clé, pour Maela et ses collègues, des stages et des emplois de salariée dans les librairies locales, comme l'Espace culturel de Carhaix ou Livres in room à Saint-Pol-de-Léon. 

Car rien de tout cela ne se serait fait sans son goût bien ancré pour la lecture dans une ambiance familiale encourageante et éclectique. Lors de sa scolarité à Diwan à Landerneau, puis à Carhaix au lycée, elle ne choisit pourtant pas la section littéraire. Mais à l'Université à Brest, elle rêve déjà de devenir libraire. L'objectif : créer un lieu de rencontres "sympa“ et attirer les gens autour du livre... ou des livres ! Encore faut-il trouver un lieu d'atterrissage. Ce sera Lampaul-Guimiliau. Là, tout reste à faire. « Dans la librairie, on trouve un peu de tout, à la fois pour la clientèle locale ou les gens de passage. » Au total, près de 6 000 références ! Son rayonnement sur la région, de Morlaix aux Monts d'Arrée, fait désormais de ce lieu atypique un point d'ancrage ou de passage. A preuve, l'engouement des lecteurs du coin et même de plus loin, qui n'hésitent pas à faire des kilomètres pour retrouver « leur » librairie. Car l'ivresse des mots est avant tout un bonheur qui se partage. Sans modération, cette fois. 

Au pied de l'enclos
Au pied de l'enclos

Magie des rencontres autour des livres

Pour Maela, le but est de s'adapter aux goûts des lecteurs, les suivre... et même les précéder ! Pour cela, Maela privilégie l'intervention auprès des publics jeunes, en partenariat avec la bibliothèque municipale ou les écoles. Avec Juliette, sa complice salariée à temps partiel, elle n'hésite pas à faire sa propre sélection des rentrées littéraires, entre juin et octobre de chaque année, pour les présenter au grand public. Pas facile de faire son choix, et si possible un choix éclairé, dans la profusion de titres annoncés à chaque rentrée, soit, plusieurs centaines de romans ou essais. 

Le départ n'a pas été facile. “C'est le bouche à oreille qui a fonctionné, c'est un peu plus long, mais c'est plus efficace sur le long terme", déclare Maela. Cela ne l'empêche pas d'être présente autant que nécessaire sur les réseaux sociaux, dans la presse ou directement auprès des clients. Elle participe aussi activement au Comité de lecture de la bibliothèque de la commune, preuve de son engagement au service de la culture et de son développement. C'est bien connu, la Bretagne est réputée pour son nombre d'éditeurs, sa densité de librairies et l'appétance des lecteurs. Bref, un climat favorable qui aura permis à Maela de “faire son trou". “Je ne crains pas la concurrence“, avoue-t-elle. Il faut dire que l'épisode du Covid a suscité plusieurs créations de librairie, un peu partout en France, et souvent à l'initiative de femmes. Maela aura fait figure de précurseur en la matière. Même si le marché est parfois chahuté par les nouvelles technologies, tant dans les commandes, la gestion ou la communication, que dans les pratiques de lecture, sur tablettes électroniques par exemple. Tout cela nécessite une adaptation permanente, pas nécessairement visible au premier abord.

Un point d'ancrage et de passage
Un point d'ancrage et de passage

Un lieu d'animation culturelle

Au bilan, l'attachement au lieu comme à la personne va croissant. Et elle peut désormais penser à profiter un peu de son investissement passé sans compter en temps et en énergie pour souffler et se consacrer à sa propre famille. Le café est un "plus" pour les clients peu pressés. Maela aurait bien imaginé d'autres services, mais pour l'heure, il faut faire avec la configuration du lieu.

"Avec d'autres librairies voisines, je participe activement à un événement annuel, La Baie des livres, le Salon du livre jeunesse du pays de Morlaix", déclare Maela. On en est déjà à la 13ème édition. Tout comme l'anniversaire de la librairie, finalement. Hasard ? Pas tout à fait ! Maela fait partie des partenaires fidèles du Salon qui propose des ateliers jeunesse, des rencontres-signatures avec des auteurs, des lectures et même des spectacles ! De temps à autre, elle organise elle-même des rencontres plus confidentielles, voire intimistes, avec des auteurs locaux, comme la toute dernière  en avril dernier avec Rozenn Milin autour de son livre,  La honte et le châtiment. Et Maela pense aux petites graines de lecteurs et de lectrices ; après les avoir initiés aux plaisirs de la lecture, elle les imagine revenir d'eux-mêmes franchir la porte de la librairie. 

L'ivresse des mots est également adhérente à la Fédération des cafés-librairies de la Bretagne historique (voir ci-dessous) qui compte une vingtaine d'adhérents, dont 9 pour le Finistère. Plusieurs animations et événements sont organisés dans ce cadre, comme le Printemps de la poésie, une animation Livres en Scène avec ateliers et spectacles et une autre sur l'actualité littéraire.
            
Avant de partir, on parle des coups de cœur, des recommandations pour les lecteurs. Pour Juliette, ce sera L'arbre-monde de Richard Powers. Quant à Maela, elle suggère Amanda Skenandore, Pour l'honneur de tous les miens, un roman bouleversant sur les Indiens d'Amérique au début du XXè siècle, et Le lac de nulle part, de Pete Fromm, une aventure familiale dans le froid des lacs du Canada.  

Voilà, si vous passez par Lampaul Guimiliau, laissez-vous enivrer. Juste pour le plaisir de lire.

Rémi Mer

Coin lecture comme à la maison et conférences (ici Rozenn Milin)
Coin lecture comme à la maison et conférences (ici Rozenn Milin)



 

Un guide des vingt cafés-librairies existant en Bretagne en 2025



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