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26/10/2012

Kim Tan, le breton-cambodgien


Né au Cambodge il y a 63 ans, Kim Tan a fait sa vie en France. Ses parents n'ont pas survécu au régime khmer rouge. Mais il n'a pas oublié son pays natal. À l'âge de la retraite, il y séjourne plusieurs mois par an. Tout en s'investissant pour autrui, en France.


Kim Tan, le breton-cambodgien
Restaurateur à Rennes et spécialisé dans la cuisine asiatique, Kim Tan vient de raccrocher pour de bon son tablier. Il éprouve le besoin de souffler et de faire le tri dans ses multiples activités bénévoles. Le moment est venu de retourner à l'essentiel : le pays qui l'a vu naître. Plus de 30 ans après le génocide, le Cambodge est encore loin de retrouver la quiétude d'une société apaisée, même si des procès ont tenté de rendre un peu de justice aux victimes. Kim a lui-même perdu ses parents et une partie de sa famille, durant les cinq années qui ont vu déferler une horde barbare, adepte elle aussi d'un ordre nouveau. 

Arrivé en France comme étudiant boursier, Kim a attendu plus de 30 ans avant de remettre les pieds dans son pays. « Mon retour n'a pu se faire qu'en 1991, après l'occupation vietnamienne, et juste avant l'organisation d'élections. À l'époque, le Cambodge était sous tutelle de l'ONU. J'ai retrouvé un pays sale, encore ravagé par la guerre. Je me suis demandé comment j'allais pouvoir apporter ma pierre à la reconstruction. » C'est devant son poste de télévision qu'il obtient la réponse quelques années plus tard. Un reportage d'Arte était consacré à un couple de Français qui avaient créé une structure d'aide aux enfants, au bord de la décharge de Pnom-Penh.
 

La décharge de Pnom-Penh: le choc pour un couple de Français

Quand il découvre le travail accompli par ces deux retraités, Kim est admiratif. Il y a de quoi. C'est en 1994 que Christian et Marie-France des Pallières sont interloqués par le spectacle d'enfants en loques remuant les immondices dans une odeur à vomir, jour et nuit, au milieu des pelleteuses. Ils apprennent qu'ils sont envoyés par leurs parents pour gagner quelques sous. Certains sont battus par leur père, d'anciens soldats, parce qu'ils n'ont pas ramené assez d'argent. Les plus petits sont volés par les plus grands. Les deux Français auraient pu rentrer chez eux couler des jours tranquilles. 
 
Sous le choc, ils décident de demeurer sur place. Impossible de se résigner à abandonner les petits chiffonniers à leur enfer. Ils commencent par apporter des bols de riz. Puis ils installent un dispensaire pour soigner les blessures. Les accidents sont fréquents dans ce dépotoir, où il n'est pas rare que les enfants se fassent écraser par les bulldozers. Au fil du temps, la structure prend de l'ampleur. Une classe est construite, puis une autre. Mais il ne suffit pas d'apprendre à lire, à écrire, à compter. Alors des filières à l'apprentissage d'un métier sont mises en place.
 

En Bretagne un réseau de 250 parrains à 49 euros chacun

Pour financer leur association "Pour un sourire d'enfant" (PSE), Christian et Marie-France des Pallières organisent chaque année une tournée de 70 villes en France, animée par un réseau de bénévoles. Ils ont aussi déniché de solides parrains, telle la fameuse école hôtelière de Lausanne qui apporte sa pierre à la filière "cuisine".

Aujourd'hui, la décharge a disparu, transférée dans un autre secteur de la capitale. Mais le centre créé par les retraités français, qui ont pris entre temps la nationalité cambodgienne, est devenu une véritable institution. Plus de 6 000 enfants y sont pris en charge. L'équipe d'encadrement compte 450 personnes, dont des médecins et des assistants sociaux. Pas moins de sept écoles composent l'ensemble éducatif, qui débouche sur 21 filières professionnelles. 

Chaque semaine, le centre consomme seize tonnes de riz. Toujours accompagnés d'enfants sortis de la décharge, les des Pallières ont effectué en 2012 leur dernière tournée en France. À plus de 70 ans, le couple se prépare à passer la main. « Notre récompense, c'est de voir ce que deviennent les anciens », ont-ils souligné lors de la dernière rencontre organisée en juin à Rennes. Une ville où l'affluence est toujours importante. Grâce à qui ? À Kim bien sûr et son épouse, correspondants de PSE pour la Bretagne. Le réseau de soutien compte 250 parrains qui adressent chaque mois un don de 49 euros.
 

Une thèse et puis 35 ans dans la cuisine asiatique

Quand Kim a posé le pied en France à l'époque de Sihanouk, c'était deux ans avant mai 68. Il venait apprendre le français et décrocher un diplôme universitaire. Contrat rempli. En 1974, l'obtention d'une thèse en microbiologie lui permet de décrocher un poste dans un labo de recherches en cancérologie à Paris. Deux ans plus tard, il fait son retour à Rennes, la ville où il a connu sa femme Marie-Noëlle.  « Elle a demandé sa mutation, j'ai suivi. » 

Mais il faut bien vivre. Alors Kim achète une crêperie pour monter son premier resto chinois. Puis il investit dans un atelier de plats cuisinés. Avant de revendre ses parts au milieu des années 90 pour ouvrir un second resto de spécialistés asiatiques, puis un troisième. Au total, 35 ans de cuisine sans beaucoup de vacances.
 

La culture de la jacinthes d'eau pour donner un emploi aux femmes

Malgré une vie professionnelle bien remplie, Kim a toujours trouvé assez de temps pour s'intéresser aux autres. « J'ai toujours voulu rendre service, surtout pour créer de l'emploi.» Il y a des gens comme ça. Ils croient qu'ils eu ont beaucoup de chance, alors ils veulent en rendre une partie aux autres.
 
Kim, on le retrouve un peu partout. Chez les cigaliers, un mouvement d'investissement solidaire. « On apporte un coup de pouce à un créateur, juste pour faire un effet de levier. » Au sein de la profession, Kim est l'un des créateurs de Réseau 35, un groupement d'employeurs dans les métiers de la restauration, à l'activité saisonnière. 
 
Pour ses prochaines vacances, le jeune retraité va choisir... le Cambodge. Là aussi, des chantiers l'attendent. Il va y retrouver quelques amis, des architectes bretons de l'association Aster (Architectes sans territoire). Ils ont déjà démonté un temple sur une île du Mékong, pour le reconstruire à l'abri des inondations. Cette fois, ils réalisent une plateforme flottante sur le lac Tonle Sap, où un projet d'écotourisme prend forme. Il s'agit de cultiver des jacinthes d'eau, une plante qui prolifère dans les lacs, en vue de la fabrication de sacs et autres objets artisanaux. Une nouvelle activité qui pourra donner un emploi aux femmes d'un village.

Alain Thomas
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN
 

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Un jour, soudain, une nuée d'enfants dans une décharge...

Christian et Marie-France des Pallières résument dans ce film  de 6 mn l'histoire de leur aventure avec les enfants cambodgiens. Leur découverte, un jour, des bambins fouillant une immense décharge de Phnom Penh,  leur émotion et leur décision d'agir. Aujourd'hui, l'association « Pour un sourire d'enfant » nourrit, instruit, soigne, forme à un métier des milliers de jeunes.
 
 

Kim Tan, le breton-cambodgien
Retour sur le génocide cambodgien

Pour la mémoire… C'était en janvier 1979. Quelques jours après la chute du gouvernement de Pol Pot, des Cambodgiens témoignaient, dans ce reportage  pour la télévision française, des horreurs vécu sous le régime Khmer Rouge.
 





1.Posté par CANAPLE le 14/01/2015 15:36
Bonjour

Mon mari étant cambodgien (venu en France avant les évènements, né le 10.5.1950 à Phnom Pen)
nous avons vécu à Paris, dans Les Landes (Mt de Marsan) Toulon, Saint Lô,
Nous sommes à Arles actuellement
Il a perdu sa famille restée au Cambodge, une autre partie de sa famille vit en Amérique (Pennsylvannie)
J'aimerais retrouver des amis, ses copains cambodgiens que j'ai connus à Paris

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