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23/01/2014

Une halte nécessaire : Trémargat, la commune solidaire


Jamais histoire racontée ici n'aura été plus collective ! Elle rapporte l'aventure exemplaire d'une commune. Ce mot si banal, si commun, prend à Trémargat un sens communautaire. Isolés au cœur de la Bretagne, les quelque 180 habitants se sont toujours serré les coudes. Et ce n'est pas près de finir.


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À moins d’y habiter ou d’y connaitre quelqu’un, on ne va pas à Trémargat. Ou alors par hasard, égaré entre Saint Nicodème et Lanrivain, tout près des gorges de Toul Goulig. Trémargat est comme une île sans l'océan, une île perdue dans les terres rocaileuses de la Bretagne centrale. 
 
L'île, à chaque élection, émerge dans l'actualité régionale. Depuis des lustres, les Trémargatois penchent en effet très nettement à gauche, versant écologie. À la dernière élection présidentielle, c'est la verte Eva Joly qui est arrivée en tête au premier tour devant Jean-Luc Mélenchon puis François Hollande. Mais ceci ne rend que partiellement compte du tempérament des citoyens de Trémargat. 
 
Vivent ici, parmi les landes, le bocage et les chaos rocheux, les héritiers des valeurs du parti communiste. Nous sommes dans les « campagnes rouges » de jadis. Aujourd'hui, la plupart des Trémargatois sont originaires d’ailleurs mais les valeurs de coopération demeurent sur ces terres que les paysans de l’époque refusèrent de remembrer. 
 

Aurélie travaille au Tremargad Kafe : "Il y a une envie commune de travailler tous ensemble."
Aurélie travaille au Tremargad Kafe : "Il y a une envie commune de travailler tous ensemble."

« Il faut faire ensemble »

Grâce à cela,Trémargat, après avoir été saignée par l'exode rural, a d'ailleurs commencé à revivre un mise un jour. Dans les années 70, des agriculteurs d'une nouvelle génération sont arrivées sur les terres abandonnées. L’idée d’une agriculture plus autonome s'est mise à germer. 
 
Une quinzaine d’exploitations existent aujourd’hui sur la commune. Il y a même davantage de demandes d'installation que de terres disponibles, c'est dire l’attrait, maintenant, de ce petit coin de campagne. Tombée à 152 habitants en 1990, Trémargat était remontée à 184 en 2011.
 
La recette, au fond, est assez simple. « Avec douze habitants au kilomètre carré, il faut se serrer les coudes », explique Éric Bréhin, enseignant de métier et maire depuis 2008. « Coopération et participation sont les deux maitre-mots », insiste-t-il. Toutes les personnes que vous croisez le disent à leur manière :  « Il faut faire ensemble ».

Une halte nécessaire : Trémargat, la commune solidaire

Un café associatif, « le Tremargad Kafe »

Très tôt le conseil municipal a accompagné ce que propose et entreprend la population. Il faut dire que depuis plusieurs décennies une bonne partie des habitants a été élue dans les différents conseils... C’est un atout de taille pour assurer la continuité d’un développement fondé sur la participation citoyenne. 
 
Il n’y a pas d’école à Trémargat et cependant il y a des enfants. C’est un  choix réfléchi de la municipalité qui a préféré organiser le déplacement des petits trémargatois scolarisés vers Lanrivain : « La commune d’à côté risquait une fermeture de classe, mettant en péril son école à cause d’un nombre d’élèves insuffisant, comme cela on a pu maintenir ce service public », poursuit le maire. Bel exemple de solidarité intercommunale dans une zone à l’écart des grands projets.
 
S’il n’y a pas d’école, il y a un café, « le Tremargad Kafe » que des difficultés d’organisation avaient il y a quelques années mis à mal. Il est maintenant géré par une association locale. Elle a su relancer cette initiative de ce qui est devenu à l’instar des cafés d’antan un centre vivant d’échanges en tout genre.

Le plafond du café : un espace de libre expression…
Le plafond du café : un espace de libre expression…

Des chantiers toujours participatifs

En face de la petite église, juste de l’autre côté de la route qui traverse rapidement le bourg, l’estaminet ne manque pas de charme. Il se prolonge depuis la fin de l’année 2012 par une épicerie qui fonctionne avec le concours des habitants volontaires qui viennent tenir à tour à tour ce commerce  plébiscité  par la population locale et celle des alentours. 
 
Il s’agit, comme pour l’épicerie morbihannaise « Les Champs communs » de Augan, de proposer des produits de qualité provenant le plus possible de producteurs locaux tout en redonnant au commerce rural son côté populaire, sa fonction d’échanges conviviaux. Tout à côté il y a le restaurant pour lequel la réputation de sa « cuisine  bio » n’est plus à faire.
 
Au centre du bourg, la place témoigne aussi de l'esprit de coopération des Trémargatois. Après avoir mûrement réfléchi et s’être entouré de conseils techniques avisés, le conseil municipal a lancé, comme il se doit à Trémargat, « un chantier  participatif » : l'aménagement a été ainsi voulu, conçu et réalisé par la population. Comme l'a été en partie la création des locaux de la base nautique sur la retenue d’eau en contrebas du bourg.
 

Une halte nécessaire : Trémargat, la commune solidaire

Une terre pauvre… mais une électricité 100 % renouvelable

À Trémargat, nous ne sommes pas pour autant chez les « ruraux-bohèmes » ! Ici, comme partout ailleurs, la vie est branchée sur le monde. Mais ce n'est pas grâce à EDF. Depuis janvier 2012, Trémargat est alimentée en électricité 100 % renouvelable  fournie par la coopérative Enercoop : elle a été la première commune de France ainsi autonome. Le côté « écolo » n'est pas cependant brandi au coin de chaque haie. Non, simplement, à Trémargat, on mouille sa chemise pour faire et obtenir ce que l’on veut.

Peut-être que la chance de Trémargat est d’avoir été et d’être encore une commune pauvre. Pauvre au sens où, par exemple, les terres agricoles ne sont pas les meilleures de Bretagne, pauvre aussi parce que les gens qui y ont vécu n’y ont pas fait fortune et que chacun est resté  un peu  l’autre . Cette pauvreté qui n’a rien à voir avec la misère est sans doute un des moteurs de cette solidarité active pas si courante que cela et qui ne s’est jamais démentie.  
 
Lorsque l’on quitte Trémargat c’est la même impression que celle que l’on peut ressentir en quittant une île. Une île au milieu des bois, des champs et des landes comme un  monde perdu avec un petit  quelque chose de différent dans la vie des gens. 
 
Texte : Alain Lessir                     
Photos : Christophe Lemoine






1.Posté par Rémi Begouen le 17/01/2014 08:41
Il se trouve que je connais bien Trémargat : l'un de ses hardis habitants, l'artiste multi-formes Daniel Geoffre, m'est un très cher ami de très longue date ! J'allais souvent chez lui, du temps où j'avais une auto. Notamment à l'occasion d'évènements locaux ou régionaux : fêtes originales et même de solidarité internationale. Il me souvient par exemple du jour où Trémargat reçut des adolescents palestiniens d'un courageux groupe théâtral en tournée en France. Jour grandiose avec baignade dans un lac du coin, représentation, puis le soir pic-nic dans le pré communal, avec feu de joie, musiciens locaux, artistes acrobates: deux femmes évoluant avec grâce dans une chorégraphie aérienne, via cordes et tissus suspendus à un grand arbre !!

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