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08/03/2021

A Saint-Senoux les habitants ont voulu le "Baranoux"


Portrait de groupe : derrière Flavie, Chloé, Margot, Martine, plus d'une centaine d'habitants de Saint-Senoux ou de communes proches en Ille-et-Vilaine se sont mobilisés et regroupés en coopérative (SCIC) pour maintenir le bar épicerie du centre bourg et développer autour un ensemble d'activités culturelles et de services aux habitants. Leur objectif : contribuer à l'animation de la vie locale et au lien social tout en créant un emploi.


Chloé, Flavie, Margot, Martine et les sociétaires du Baranoux
Chloé, Flavie, Margot, Martine et les sociétaires du Baranoux
sans_nom___12_03_2021_17_26.m4a Sans Nom - 12:03:2021 17.26.m4a  (25.55 Mo)

  A Flavie, présidente de la SCIC gestionnaire, de faire les présentations :
Au départ nous étions un petit groupe de clients et soutiens de Siléac et Claire-Marie, le jeune couple qui depuis plusieurs années exploitait le bar-épicerie sous l'enseigne des Assois-fées. Ils en avaient fait un lieu convivial devenu, en centre bourg, un point de rencontre pour celles et ceux qui avaient une activité culturelle dans les environs.
 
Depuis 20 ans, la maison qui abrite le bar-épicerie est propriété de la commune. Le commerce fait l'objet d'un bail commercial et dispose d'une licence IV attachée au bâtiment. Mais le turn-over des exploitants est grand. Tous les trois à cinq ans le fond de commerce change de main et l'on craint à chaque fois de le voir disparaître.
 
La rentabilité d'une telle entreprise n'est pas évidente, précise Chloé, la coordonnatrice du projet. Assurer l'ouverture toute la semaine demande de nombreuses heures de travail pour des revenus qui ne suivent pas. C'est la raison pour laquelle Siléac et Claire-Marie, fatigués, ont décidé d'arrêter leur activité.
 
En juillet 2019, le couple quitte la maison où il logeait dans l'appartement du premier étage et met en vente le fonds de commerce. La commune doit donc rechercher des repreneurs sérieux. Pas évident ! Et c'est là que l'idée de reprise par les habitants a germé dans le petit groupe initiateur du projet.
 
Au départ, précise Flavie, on ne pensait pas à une coopérative. On est allé voir des épiceries/bars, lieux d'animation fonctionnant à l'initiative d'habitants : Le Bardac à Saint-Aubin-du-Cormier, Le Champ Commun à Augan, Le Trémargat café, Le Guibra à Saint-Sulpice-la-Forêt, enfin le Café des possibles à Guipel dont nous nous sommes inspirés pour nos statuts.
 
Il fallait aussi valider l'idée auprès de la population. En octobre 2019 une réunion publique réunit plus de soixante dix personnes, enthousiastes venant de Saint-Senoux et des environs. La municipalité qui veut une reprise rapide et solide, s'inquiète un peu de cette mobilisation hors-norme. Mais les repreneurs qui se présentent ne sont pas nombreux ni très sérieux. A l'exception d'un couple de jeunes venant de Lille qui  arrive avec un projet de société coopérative. Le collectif les accueille et s'associe à leur réflexion mais la distance ne favorise pas le travail en commun.
 
"Et puis, remarque Chloé, même en coopérative cela resterait leur projet d'entreprise, à leur image, pas vraiment un projet porté par une volonté collective locale."
 
Mais le pli coopératif est pris, un comité de pilotage d'une vingtaine de personnes se constitue et procède à un étude de marché dont l'objectif est de vérifier les attentes de la population et surtout le nombre de personnes prêtes à acquérir des parts sociales pour devenir sociétaires et/ou bénévoles d'une SCIC (société coopérative d'intérêt collectif). Résultat : 80 et 50 personnes se prononcent pour ce type d'engagement.

Un lieu multi-couleur accueillant tous les habitant.e.s

La petite équipe de pilotage avait désormais les éléments pour passer de l'idée au projet et affiner le "business plan" comme allaient le demander le bailleur municipal, les banques et de potentiels investisseurs au delà des coopérateurs individuels. C'est une étape importante où se précise le cahier des charges des réalisations de la coopérative.
Il s'agissait d'abord de rouvrir et d'exploiter, en professionnel, l'épicerie bar, avec petite restauration. Les Assois-fées, remarque Flavie,  avaient peut-être un peu négligé cet aspect et surtout ne voulaient vendre que des produits bios. Mais l'étude de marché nous montrait que les habitants demandaient aussi des produits conventionnels répondant à des besoins de dépannage et surtout une large amplitude d'ouverture.

Le groupe de pilotage a donc opté pour un concept d'épicerie de proximité avec une offre mixte conventionnelle/bio dans lequel chacun pourra se retrouver, tout en valorisant un rayon bien fourni de produits en vrac. Le bar et la petite restauration équilibreront les recettes.
 
Pour la dimension culturelle et le développement d'autres services utiles à la population (une permanence postale par exemple, un point d'accueil touristique...) l'idée n'est pas d'organiser soi-même les activités. L'expérience des Assois-fées a montré que cela ne se rentabilisait pas et demandait beaucoup de travail. En revanche le lieu sera mis à disposition pour que les habitants l'animent, y organisent des activités. Pour cela l'appartement de 150 m2 au premier étage va être transformé en salle de réunion et en espace de coworking.

Les Estivales, trois mois de préfiguration des animations

Chloé résume le sens du projet :
On veut créer un lieu et une activité multi-couleur, où tous les habitants pourront se retrouver, anciens et nouveaux arrivés, jeunes ou vieux...

Cela justifie d'autant mieux l'engagement de la municipalité. Propriétaire des locaux elle finance (avec d'autres subventions publiques) les gros travaux de rénovation et d'isolation, dont une grande terrasse en jardin. La précédente équipe municipale avait déjà décidé de soutenir le projet mais cela avait été un peu laborieux. La nouvelle municipalité issue des élections de 2020 s'est d'emblée montrée plus ouverte. Son premier acte a été de désigner un maître d'œuvre pour les travaux... "Tout va plus vite désormais" reconnaissent les quatre sociétaires.
Pour le programme d'animation nous sommes très confiants. Nous réunissons plein de bénévoles dans les commissions, souligne Margot, référente communication. Ils veulent s'investir, faire des choses ensemble.
L'organisation chaque week-end cet été des "Estivales" démontre la capacité de mobilisation d'un bon groupe d'habitants et préfigure le sens donné à l'animation.
Les gens ont pu rencontrer l'équipe, souligne Margot et ceux qui s'inquiétaient ont vu qu'on n'était pas là que pour faire du bruit, même si on a eu pas mal de concerts... mais aussi des jeux, une friperie, un atelier d'écriture... énumère Martine.  On a pu tester différentes "couleurs d'animation" et on a demandé aux gens de dire ce qu'ils préféraient et ce qu'ils voulaient prendre en charge.

Embaucher le futur salarié, la clé du succès.

On l'a compris, le carburant essentiel de ce projet sera le maintien à long terme de la mobilisation bénévole à la fois pour gérer et administrer le "commun" et aussi pour donner au lieu sa dimension de centre d'animation. Mais l'autre facteur clé est le salarié qui travaillera à l'épicerie et au bar/restaurant. Une des ambitions du projet est de créer un emploi de qualité, voire d'autres à suivre. Aucun des coopérateurs n'est candidat au poste alors il faudra procéder à un recrutement externe.
La personne salariée sera aussi sociétaire (le collège du personnel dispose de 10 % des voix au conseil coopératif). On lui demande donc d'adhérer au projet et il aura voix au chapitre, précise Chloé la coordinatrice...  On recherche quelqu'un  à la fois très sociable et organisé... Porteur d'une dynamique, ce sera la figure du bar... 

Le bar, l'épicerie, la terrasse, bientôt.
Le bar, l'épicerie, la terrasse, bientôt.

Le temps perdu à cause de la Covid est un temps gagné !

Ensemble les sociétaires de la coopérative du Baranoux ont su méthodiquement passer de l'idée au projet en mobilisant des ressources et en construisant un compétence collective. Tout est prêt pour passer à la phase active mais un dernier obstacle reste à franchir, la crise sanitaire. Il faut une certaine audace pour se lancer dans une telle aventure dans un contexte si incertain ? Toutes les quatre paraissent presque étonnées de la question.
On a su gérer les Estivales en mettant en œuvre scrupuleusement les mesures barrières. Pas de problème, on est prêts... affirme Chloé.

Bien sûr, concède Flavie, le projet a pris du retard, mais moins à cause de la crise sanitaire que des élections municipales. Rien n'était bouclé avec la précédente équipe et il fallait laisser le temps à la nouvelle de s'installer. En juin, les décisions étaient prises et depuis ça avance vite. Mais il faut tenir compte des délais nécessaires à la réalisation des travaux. Pour la SCIC il n'y a pas de conséquences financières puisque les loyers sont suspendus jusqu'à l'ouverture... En fait tout cela nous a donné du temps, de la respiration pour bien avancer et mieux réfléchir le projet.
 
 
Reportage, Alain Jaunault
Photos fournies par l'équipe du "Baranoux".


 

90 sociétaires à l'Assemblée Générale, en Janvier 2020
90 sociétaires à l'Assemblée Générale, en Janvier 2020

Comprendre la SCIC du Baranoux

L'épicerie bar, centre d'animation le Baranoux est géré par une SCIC, Société Coopérative d'Intérêt Collectif, sous la forme d'une SAS (Société par Action Simplifiée) à capital variable.

Ce modèle d'organisation permet de réunir des sociétaires engagés pour des raisons et de manières différentes dans le projet et d'organiser (selon le principe un homme une voix) leur participation aux décisions dans le cadre de commissions. Chacune des commission a un poids différent à l'AG. Les Veilleurs (sociétaires du groupe d'initiateurs et ceux qui participent concrètement à la vie des commissions depuis au moins un an) portent 42 % des pouvoirs, les salariés 10 % , les bénévoles engagés dans les actions d'animation 18 %. Ainsi les contributeurs directes à l'activité disposent-t-il de 70 % des pouvoirs en AG. Les sociétaires bénéficiaires et les partenaires (financiers, institutionnels...) ont respectivement 15 % des pouvoirs. 

Autour de la présidente, le "Conseil Coopératif " de 16 personnes assure la responsabilité de gestion, dont les référents animateurs des 7 commissions et, quand il sera embauché, le salarié.

L'actionnariat de la SAS est composé actuellement de 138 sociétaires pour un capital de 38 000 Euros, dont 27800 € apportés par des sociétaires individuels. La fondation Raoul Follereau a pris des parts et a fait, sous forme de don, un apport en trésorerie. Cinq clubs Cigales se sont mobilisés pour prendre des participations.

La société a bénéficié de prêts bancaires pour l'aménagement du bar, de l'épicerie et de la terrasse.

Retrouvez sur le site internet du Baranoux un dossier explicatif de l'intérêt et du fonctionnement de la SCIC et les statuts de la SAS.

Pour en savoir plus, d'autres cafés citoyens,


Saint-Senoux, en Vallons de Vilaine, un contexte socio culturel très favorable.

Saint-Senoux, est une petite commune rurale au cœur de la belle vallée de la Vilaine. Bien située dans la zone d'influence de la métropole rennaise, la commune a connu en vingt ans une forte expansion en doublant presque sa population (de 1000 à 1900 h). Ces nouveaux habitants, d'origine ou culture plus urbaine, sont venus hybrider, sans heurt, la population locale. Dans ce bassin de la Vilaine les habitants ont trouvé une vraie qualité de vie et ils la défendent. C'est aussi un territoire ouvert, poumon vert de la Métropole, dont les chemins de randonnées sont très fréquentés le week end ou lors des vacances. La vie culturelle est intense sur ce territoire. Ainsi, depuis plusieurs années, l'association et le Festival les P'tits lézards "agitent la culture" en Pays de Vilaine, à partir de Saint-Senoux.

C'est dans ce contexte très favorable que nait le projet du Baranoux.

 




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