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Le parlement des voisins

L’Assemblée a chaud les jours de 49-3. Drôle d’assemblée, l’époque peut virer bistre. Bien plus convaincante est la discussion entre voisins, les voisins de la rue.


Corinne et Sébastien

06/05/2023


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Qui avait-il avant eux ? Nous chercherons, nous passerons de maison en maison. Eugène est là depuis longtemps. Il saura nous dire, avec Léonne ou avec Pierre. Qui est Léonne ? Suspense et poule à Saint-Sulpice !

Pierre, l’enfant du sable en rue et des cahots de cailloux, sera cette Encyclopaedia-Universalis, ce Rey de la rue. D’ici, il dira lorsqu’il reviendra de Dax ou Eugène de Saint-Gildas où il est allé tondre, couper, sécater, enrôler la pomme de terre ou sarcler les nuages. Sébastien et Corinne sont beaucoup plus neuve génération !

Mais dans les nuages, tout autant. C’est leur rue aussi, de volumes boursoufflés, de traces qui trissent ou de paréidolie inventive et douce !

Artistes. C’est ça qui peut être dit de Corinne et de Sébastien. Deux artistes en fait qui font œuvre alimentaire dans la fonction publique. Deux profs. Corinne de dessin. L’art graphique est ce qui la tient, donne sens, transcende au jour le jour. Elle peint, colle et transporte, elle a des paysages en tête et de temps en temps, ici ou là, pas loin d’un des collèges où elle enseigne ou dans quelque maison de quartier, expose. Un prof de dessin, c’est spécial. Dit-on encore prof de dessin ou d’arts plastiques ? Tous les collégiens du collège l’ont, comme on dit d’un verbe avoir abusif. Ils l’ont une heure, pas beaucoup plus, et dans un collège de cinq cents la prof connaît les cinq cents, les côtoient, les écoute et les guide vers l’art. Les connaît-elle ? Le peut-elle ?

Prof de dessin, artiste pour tous !

Bizarre enseignement. Bizarre hiérarchie pédagogique où le nombre ou l’équation sont en haut et la main de Picasso, la brosse de Garouste ou le cri de Basquiat tout en bas ! Bon, tout le monde n’est pas non plus l’un des trois. Corinne est là, le cul entre deux chevalets, elle y va chaque jour tandis que Sébastien moins. Le joueur de flûte de Hamelin de la rue !
Sébastien avance sur le trottoir. Son chien loin devant ou loin derrière. Il cavale vers le campus où le chien batifole, il y va tel un trouvère, un troubadour : Sébastien, catogan profond qui descend bas, la harpe en avant.

C’est le jour de la harpe.

Ou la flûte. C’est le jour de la flûte. Sébastien est le poète à son, l’ouvreur d’horizon, le charmeur de serpents. Il passe et on l’entend. De loin par moment si c’est biniou au campus. Ode ! Hymne ! L’aède passe et on ne l’entend que de moins en moins, les notes s’estompant dans le couloir entre les maisons. S’il neige, l’aède sonne ! Penn-Sonneur en pleine ville, débusquant écureuil, faisant crisser les grenouilles ou atrabiler les atrabilaires !

S’il neige, et il neige peu, Sébastien sonne aux portes, que la nuit soit tombée depuis longtemps ou à peine, le peu de neige voltigeant sous le halo des lampes. Le réverbère est si beau soudain. Les voitures garées des collines minuscules, non, ne pas y mettre les mains sur les capots immaculés, attendre que les enfants voient ça ! Sauf que Sébastien est plus jeune que tous les enfants qui naissent ou à naître dans la rue. Il sonne aux portes ce soir car il neige un peu, dru quand même, c’est beau, l’excitation du grand échalas, à part ça, prof de langue en classe prépa !

Il a opté pour les migrants qui arrivent, la trans-culture, l’humanisme d’accueil, thermostat tolérance au max. Sauf, on y revient, c’est exceptionnel, donc il neige Rue du Joueur de flûte de Hamelin !

Sébastien sonne et invite à une bataille de boules de neige. C’est ce soir ou jamais. Maintenant ou pas ! Il crie, il court, c’est la souris, c’est le rat qui saute sous les flûtiaux blancs ! Plus de musique ce soir, à part le froissement discret sous les jambes à leur cou, l’épais chuintement qui sera, il a raison Sébastien, sans doute évanoui demain matin.

Flûte, pipeau, hautbois, biniou, harpe celtique ! Toutes les cordes à son arc ou les vocales ! Si l’aède chante, c’est qu’aujourd’hui, c’est chanson. Vocalise au jardin. Concert et soprano, ténor et pommiers en fleurs !

Chaque jour est différent, mais toujours un poème !

Sébastien donc a un chien. Sûr que le maître vole plus haut que son chien quoique son chien ait des ailes aussi. Loin devant lui, sans laisse, un chien cerf-volant en fait. Ou loin derrière, le chien de Sébastien, par moment, on s’en doute, s’éloigne des ondes sonores, protège ses oreilles qu’il a pourtant pointues, il jappe, il crie, il voudrait se faire entendre, se met des coussinets dans les oreilles qu’il a pointues ! Non, mais dis donc, mon maître, je peux siffler autant que toi ! Alors le chien entre et sort, court devant, joue de tous ses instruments, aboie ! Enfin, content, le chien de Corinne et Sébastien, aboie !

Non mais ! Je suis un chien ou quoi ?

Plus tard ou en même temps, Sébastien dit que des inconvénients d’être prof, il pourrait en avoir vite soupé. Et surtout des inconvénients majeurs liés à une administration gna-gna, imaginez le refrain, il sert de coda le plus souvent et pas qu’au syndicat !

Pour s’extirper de la nasse, Sébastien tente des formations en thérapeute de sensations, en agriculteur du corps, en agroforestier de l’âme. Bon, il y aura d’autres lendemains et pour l’heure, si on entend l’aspirateur, c’est normal, Sébastien est hyper précis pour nettoyer à fond, laver le chrome et ne laisser aucun poil de chien sur les tapis de son grand break !


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