Émilie Etienne dans le quartier populaire de Manchay près de Lima
Un jour, lors d’une fête traditionnelle à Ayacucho, dans les Andes, Émilie Etienne entendit une danseuse s’écrier en Quechua : « Kayhinam llaqtay ! » (Ainsi est ma terre). Cette expression de fierté de l’artiste pour ses racines contrastait avec le constat souvent fait par Émilie dans les quartiers populaires péruviens où elle a travaillé à trois reprises pour des associations : « Les enfants des migrants andins que je rencontrais avaient honte de la culture de leurs ancêtres. Comment peuvent-ils grandir et trouver l’énergie pour aller de l’avant en ignorant, pire en reniant leurs bases culturelles ? ».
Cette conviction, elle n’aura pas de mal à la faire partager à ses amis Gargamel et Anne-Alice, bientôt rejoints par Cécile. Ensemble, ils organisent la promotion d'un projet où les jeunes pourraient travailler sur leur identité, leur histoire, leur lieu de vie. Une recherche de fonds est lancée. Un site internet est créé. Des ventes de produits artisanaux sont effectuées. Deux "dîners solidaires" au restaurant associatif La Rôtisserie à Paris rassemblent chaque fois une cinquantaine de généreux gourmands qui découvrent la cuisine péruvienne. Les demandes de subventions ou de bourses sont par trois fois couronnées de succès. En quelques mois, le groupe réunit suffisamment de fonds pour donner vie à Kayhinam Llaqtay.
Cette conviction, elle n’aura pas de mal à la faire partager à ses amis Gargamel et Anne-Alice, bientôt rejoints par Cécile. Ensemble, ils organisent la promotion d'un projet où les jeunes pourraient travailler sur leur identité, leur histoire, leur lieu de vie. Une recherche de fonds est lancée. Un site internet est créé. Des ventes de produits artisanaux sont effectuées. Deux "dîners solidaires" au restaurant associatif La Rôtisserie à Paris rassemblent chaque fois une cinquantaine de généreux gourmands qui découvrent la cuisine péruvienne. Les demandes de subventions ou de bourses sont par trois fois couronnées de succès. En quelques mois, le groupe réunit suffisamment de fonds pour donner vie à Kayhinam Llaqtay.
Un quartier d'habitat précaire
Un "pueblo joven" en bordure de Lima
Émilie est au Pérou depuis janvier dernier pour mettre en place le projet dans le quartier de Manchay à Lima. En avril, elle a été rejointe par Anne-Alice qui est venue l’appuyer pendant une douzaine de jours. « « La prise de contact avec les adolescents s’est faite par le biais de la section péruvienne de l’ONG Vision Mondiale, qui apporte un soutien technique et a permis de rencontrer les membres de la communauté de Manchay dans laquelle l’ONG est implantée depuis plusieurs années ».
L’histoire de Manchay est intimement liée à celle des conflits péruviens de la fin du XX° siècle. Ce quartier d’habitat précaire se développe de manière informelle depuis une quinzaine d’années à flanc de collines rocailleuses et peu hospitalières. C’est ce que l’on appelle au Pérou un « pueblo joven ».
Pour concevoir et définir la méthode d’animation culturelle, Emilie s’est appuyée sur les conseils d’Angelit Guzman Chavez, une psychologue communautaire péruvienne. « Nous nous adressons à une vingtaine d’adolescents. La plupart sont issus de familles indiennes ayant migré à la ville pour des raisons économiques ou pour fuir les violences engendrées par le conflit entre le Sentier Lumineux et les forces étatiques qui a déchiré le Pérou à partir des années 80.
L’histoire de Manchay est intimement liée à celle des conflits péruviens de la fin du XX° siècle. Ce quartier d’habitat précaire se développe de manière informelle depuis une quinzaine d’années à flanc de collines rocailleuses et peu hospitalières. C’est ce que l’on appelle au Pérou un « pueblo joven ».
Pour concevoir et définir la méthode d’animation culturelle, Emilie s’est appuyée sur les conseils d’Angelit Guzman Chavez, une psychologue communautaire péruvienne. « Nous nous adressons à une vingtaine d’adolescents. La plupart sont issus de familles indiennes ayant migré à la ville pour des raisons économiques ou pour fuir les violences engendrées par le conflit entre le Sentier Lumineux et les forces étatiques qui a déchiré le Pérou à partir des années 80.
Sur une base volontaire, poursuit-elle, nous les formons comme "chercheurs sociaux". En les associant à un travail d’enquête, nous voulons développer leur réflexion sur leur identité, leur quartier, leurs ressources, leurs moyens d’expression et la manière dont ils peuvent résoudre les problèmes qui se posent à eux. L’objectif est que ces adolescents développent leurs compétences, revendiquent fièrement leur identité et deviennent des moteurs de changement dans leur communauté. »
Les jeunes animent un blog où ils présentent la vie à Manchay
Du théâtre, un blog, des jeux...
Intéressant mais un peu théorique, non ? Anne-Alice insiste au contraire sur l’aspect pragmatique de la démarche en évoquant les activités en cours.
« Jusqu’à fin juin, les adolescents participent à deux ateliers hebdomadaires. Sous forme de débats, de scénettes de théâtre ou encore de jeux, ils travaillent sur des thèmes tels que l’identité, l’histoire et le fonctionnement de leur quartier, la pollution, les gangs, la bonne gouvernance. L’idée est de les amener progressivement à agir pour améliorer leur lieu de vie. »
« Ils ont créé et animent un blog (Manchaynos ) sur lequel ils présentent leurs visions de la vie à Manchay sous forme de textes et de photographies. Équipés d’appareils photo, explique-t-elle, ils sont entrés dans la peau de journalistes d’investigation et ont appris à se servir d’internet, à mener des entretiens...»
Mi-avril, un groupe de vingt-quatre personnes associant péruviens et étrangers a pu découvrir Manchay à travers les yeux des adolescents qui ont fièrement animé une visite guidée de leur quartier. Voilà ce qu’en disent sur leur blog Yessenia, Thalia et Ana : « Lorsque les touristes sont arrivés à Manchay, nous étions super nerveux... jusqu'à ce qu’arrive le moment d’être guides. Certains touristes semblaient étonnés et d’autres plutôt curieux. Au final, les touristes ont eu l’air contents de la visite de Manchay et nous nous sommes sentis libérés et satisfaits. » En écho, Carlos, un des visiteurs, commente : « C’est formidable de voir la connaissance que les adolescents ont de leur communauté et l’énergie qu’ils ressentent concernant leur futur. »
Un spectacle est actuellement en préparation pour pouvoir diffuser le résultat de leurs enquêtes au sein de Manchay et à Lima. Un voyage dans la région d’Ayacucho, d’où viennent la plupart des familles des adolescents, est également planifié. «Tout en approfondissant le thème de l’identité, les enquêteurs/acteurs pourront présenter leur spectacle aux adolescents de là-bas », conclut Anne Alice.
« Jusqu’à fin juin, les adolescents participent à deux ateliers hebdomadaires. Sous forme de débats, de scénettes de théâtre ou encore de jeux, ils travaillent sur des thèmes tels que l’identité, l’histoire et le fonctionnement de leur quartier, la pollution, les gangs, la bonne gouvernance. L’idée est de les amener progressivement à agir pour améliorer leur lieu de vie. »
« Ils ont créé et animent un blog (Manchaynos ) sur lequel ils présentent leurs visions de la vie à Manchay sous forme de textes et de photographies. Équipés d’appareils photo, explique-t-elle, ils sont entrés dans la peau de journalistes d’investigation et ont appris à se servir d’internet, à mener des entretiens...»
Mi-avril, un groupe de vingt-quatre personnes associant péruviens et étrangers a pu découvrir Manchay à travers les yeux des adolescents qui ont fièrement animé une visite guidée de leur quartier. Voilà ce qu’en disent sur leur blog Yessenia, Thalia et Ana : « Lorsque les touristes sont arrivés à Manchay, nous étions super nerveux... jusqu'à ce qu’arrive le moment d’être guides. Certains touristes semblaient étonnés et d’autres plutôt curieux. Au final, les touristes ont eu l’air contents de la visite de Manchay et nous nous sommes sentis libérés et satisfaits. » En écho, Carlos, un des visiteurs, commente : « C’est formidable de voir la connaissance que les adolescents ont de leur communauté et l’énergie qu’ils ressentent concernant leur futur. »
Un spectacle est actuellement en préparation pour pouvoir diffuser le résultat de leurs enquêtes au sein de Manchay et à Lima. Un voyage dans la région d’Ayacucho, d’où viennent la plupart des familles des adolescents, est également planifié. «Tout en approfondissant le thème de l’identité, les enquêteurs/acteurs pourront présenter leur spectacle aux adolescents de là-bas », conclut Anne Alice.
Un arbre racontant le parcours de la famille
Une démarche d'éducation populaire
La lecture du Blog sur le projet, tenu par Émilie, permet de bien comprendre la dimension "éducation populaire" de la démarche. Ainsi, elle l’illustre bien dans son plus récent billet : « Samedi dernier, les adolescents ont élu deux représentants, qui auront la lourde tâche de parler au nom de leur groupe. Une élection qui s'est déroulée dans les règles de l'art, avec des discours politiques, un vote à bulletin secret et un dépouillement des votes hautement surveillé. Cette élection nous a permis de parler de thèmes d'actualité, dans le contexte des élections présidentielles péruviennes dont le second tour se tiendra le 5 juin : des thèmes comme la parité homme-femme, les fraudes électorales, les manipulations politiques ont ainsi été évoqués. »
Elle poursuit : « La semaine passée, nous avons aussi abordé la question de l'identité culturelle : d'où viennent mes parents ? Pourquoi ont-ils décidé de migrer à Manchay ? Qui suis-je aujourd'hui ? Chaque adolescent a dessiné un arbre, représentant cette évolution et cette identité d'enfant de migrant. L'atelier s'est conclu par la chanson « Soy Muchacho Provinciano » - « Je suis un jeune provincial », de Chacalon, chanteur populaire péruvien. Il y relate la lutte des migrants pour s'intégrer à la vie citadine. »
Pas de meilleure conclusion que lire et écouter la chanson de Chacalon.
D’après le récit de voyage d’Anne-Alice Pereira-Baltazar
et les informations transmises par Emilie Etienne
Elle poursuit : « La semaine passée, nous avons aussi abordé la question de l'identité culturelle : d'où viennent mes parents ? Pourquoi ont-ils décidé de migrer à Manchay ? Qui suis-je aujourd'hui ? Chaque adolescent a dessiné un arbre, représentant cette évolution et cette identité d'enfant de migrant. L'atelier s'est conclu par la chanson « Soy Muchacho Provinciano » - « Je suis un jeune provincial », de Chacalon, chanteur populaire péruvien. Il y relate la lutte des migrants pour s'intégrer à la vie citadine. »
Pas de meilleure conclusion que lire et écouter la chanson de Chacalon.
La rédaction d’Histoires Ordinaires
D’après le récit de voyage d’Anne-Alice Pereira-Baltazar
et les informations transmises par Emilie Etienne