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07/05/2025

Avec Samuel Le Port, Treebal met de l’éthique dans nos clics

Texte : Tugdual Ruellan


600 nouveaux téléchargements par jour ! C’est le succès que remporte la messagerie Treebal, née en région rennaise, d’une équipe de passionnés du numérique, soucieux de mettre de l’éthique dans le monde de la communication numérique. Rencontre avec Samuel Le Port, l’un des trois co-fondateurs de cette messagerie d’un nouveau genre, bretonne et ouverte au monde.


Samuel Le Port (à droite), aux côtés de Laurent Fromy, directeur technique Treebal (photo Treebal).
Samuel Le Port (à droite), aux côtés de Laurent Fromy, directeur technique Treebal (photo Treebal).
treebal.mp3 Treebal.mp3  (9.23 Mo)

Treebal. Le mot claque comme une intention guerrière. Celle de fonder une messagerie numérique basée non pas sur le business planétaire et le vol de données numériques mais bien sur des principes éthiques et écoresponsables. Comme une intention de partager une même culture à travers la toile et de réunir la tribu. Surprenant.  

Une atteinte à la démocratie

Samuel, 48 ans, est originaire de Carnac dans le Morbihan. Après des études à Vannes puis à Rennes, il devient ingénieur et « data scientist », scientifique des données, spécialisé dans les modèles d’intelligence artificielle. Pendant vingt ans, il travaille dans le secteur du numérique, de la transformation digitale et de la performance des organisations et devient à Rennes, responsable des équipes du Grand Ouest de l’entreprise Sopra Steria, l’un des leaders européens du conseil, des services numériques et de l’édition de logiciels. Très attaché au bénévolat, il est aussi président d’une association sportive depuis 2019 et s’engage en faveur du développement durable, de la relocalisation et de la souveraineté numérique.
« J’y ai découvert mon attachement au collectif. J’ai toujours été sensible au développement local même si je me sens être un citoyen du monde. Je déployais du numérique pour de grandes entreprises regrettant que le monde associatif ne puisse pas disposer d’un numérique sécurisé et éthique. »
  Les solutions qu’il développe au sein de son entreprise, bien que sécurisées et efficaces, peinent à se déployer dans les entreprises françaises. Les dirigeants, constate-t-il amèrement, préfèrent s’engouffrer dans les messageries proposées par les entreprises de la Silicon Valley et autres WhatsApp, Discord, Telegram ou Slack, qui envahissent peu à peu notre quotidien.
« Nous étions de plus en plus noyés sous les communications et pour autant, il était toujours aussi difficile de se comprendre, d’échanger, de débattre et d’engager des équipes à distance. Et il en était de même dans les associations et les collectivités publiques. J’y voyais une atteinte à la démocratie. »

Samuel Le Port, cofondateur de Treebal (photo Treebal)
Samuel Le Port, cofondateur de Treebal (photo Treebal)

Faire société dans l’entreprise

Samuel Le Port va alors développer une messagerie permettant de connecter l’ensemble des collaborateurs d’une organisation, qu’ils soient au bureau ou sur le terrain. Le test est concluant, c'est une première ! En 2021, avec Sophie Leclercq et David Godest, il fonde à Rennes, Treebal, une messagerie instantanée professionnelle et responsable qui compte aujourd’hui dix collaborateurs. Dans sa version destinée aux professionnels, la messagerie d’un nouveau genre permet de connecter les collaborateurs et toutes les parties prenantes d’une organisation, du bureau à la chaine de production, y compris les sous-traitants, les prestataires, les agriculteurs, les pêcheurs, les artisans… selon le type de production.
« Nous évitons ainsi toute fracture dans la démarche de communication interne. Combien d’agents dans une collectivité ou de collaborateurs dans une entreprise sont totalement déconnectés de l’organisation ? Il s’agit de donner collectivement du sens à ce que l’on produit ou à ce que l’on fabrique, il s’agit de faire société dans l’entreprise ou dans l’organisation. »
Des messageries conçues pour voler les données
 
Treebal fonctionne de manière totalement sécurisée, sans qu’aucune donnée personnelle ni numéro de téléphone ne soit échangé. Le dialogue s’organise prenant en compte le point de vue de l’ensemble des participants. Et ce, sans qu’il soit nécessaire d’équiper les salariés de téléphones professionnels ou de matériel spécifique.
 
« Aucune des messageries instantanées disponibles actuellement n’a été pensée pour un usage professionnel. Toutes sont conçues pour collecter et voler les données échangées. Contrairement à toutes les solutions qui existent, nous ne bâtissons aucun modèle économique sur l’échange et le commerce de données. »
 
L’équipe rennaise propose aux entreprises diverses formules d’abonnement adaptées aux besoins de chacune. Le modèle économique permet ainsi d’auto-financer une version de Treebal grand public et de la proposer gratuitement en ligne. Les associations peuvent aussi y accéder sur le principe d’une contribution libre. Facilement accessible depuis un téléphone mobile ou un ordinateur, développée en Bretagne, la messagerie est disponible dans les pays de l’Union européenne et le sera progressivement dans plusieurs pays du monde.

Un message quinze fois moins impactant qu’un courriel

Avec le soutien de l’Ademe, Agence de la transition écologique, l’équipe imagine une démarche d’écoconception et d’analyse du cycle de vie de la messagerie. Comme il n’y a aucune captation sauvage de données, il n’y a pas non plus d’algorithmes nourris avec les données captées, dévoreurs insatiables d’énergie.
 
« Toutes les solutions disponibles captent nos données, alimentent des data centers, gigantesques centres de données. Elles sont exploitées puis revendues à des structures économiques qui nous assaillent ensuite pour nous inciter à acheter des produits de consommation tout aussi nocifs d’un point de vue environnemental. »
 
La messagerie ne comporte aucune fonctionnalité addictive ni jeux. L’entreprise favorise le droit à la déconnexion, préserve la santé mentale et prend soin des liens humains. Un comité technique expert certifie, dans le rapport numérique responsable de l’entreprise, qu’un message sur Treebal est quinze fois moins impactant qu’un courriel que l’on a choisi de recevoir. Pour lutter contre l’obsolescence programmée des téléphones, la messagerie est disponible sur d’anciennes versions d’appareils. Dans la version grand public, les messages sont automatiquement supprimés au bout d’un mois. Enfin, Treebal reverse 10 % de son chiffre d’affaires à des projets sociaux et environnementaux locaux comme ceux de l’entreprise brestoise Ecotree qui crée et préserve des forêts durables.

Sensibiliser plutôt que culpabiliser l’utilisateur

Pas question de culpabiliser l’utilisateur. L’entreprise fait plutôt le pari de l’initier à un numérique différent. Treebal, devenue entreprise à mission, modèle unique en son genre, est aujourd’hui une référence dans le secteur du numérique. Samuel Le Port aime à se déplacer dans les écoles pour initier les élèves au numérique responsable.
 
Ce sont aujourd’hui plus de 100.000 utilisateurs grand public qui ont choisi Treebal avec une moyenne actuelle de six cents nouveaux téléchargements chaque jour. La messagerie est disponible en anglais mais aussi en langue bretonne. Comme un clin d’œil à la singularité, on y trouve l’émoji du Gwenn ha du, drapeau breton, refusé en 2017, par le Consortium Unicode, organisation en charge de la standardisation des icones.  
 
En parallèle, Samuel poursuit sa formation à l’école de commerce de Rennes orientant son mémoire sur les enjeux connexes de souveraineté de l’industrie numérique et de transition environnementale. Son maître-mot ? La coopétition. Ou comment coopérer entre entreprises concurrentes en formant une alliance stratégique destinée à s’aider mutuellement ? 
« Un grand nombre d’entreprises est intéressé par notre solution, surtout depuis le bouleversement causé par l’arrivée de Trump au pouvoir. Le public est aussi demandeur, de plus en plus conscient des méfaits et de la perversité du numérique. Mais les habitudes sont prises. Notre difficulté est de persuader les utilisateurs que nous pouvons leur proposer une solution plus satisfaisante que celle répandue par les monopoles et les gafam, ces géants du web américains. »
 




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