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02/06/2025

Jardiner ensemble, pour le plaisir

Texte : Jean-François Bourblanc. Photos : Philippe Malardé.


Chaque jeudi matin, une quinzaine de jardiniers participent aux travaux de ce jardin collectif. Au Gaec du Canal Saint-Martin à Rennes, nous avons rencontré Michel, l'un des fondateurs, Nigèle, spécialiste des plantes sauvages, Philippe, l'un des co-présidents et apiculteur, Louis, le pro des aménagements.


Inauguration du jardin, le 16 novembre 2021 (photo Gaec du canal Saint-Martin )...
Inauguration du jardin, le 16 novembre 2021 (photo Gaec du canal Saint-Martin )...
voix_019.mp3 Voix 019.mp3  (16.82 Mo)

« En arrivant, on fait un tour de jardin. On regarde ce qui est prévu. Il peut y avoir des modifications, des urgences. » Tous viennent jardiner le temps qu'ils veulent. Parmi ceux qui ont un emploi, certains prennent une demi-journée. C'est beaucoup pour le plaisir de se rencontrer, de travailler ensemble. « Ça discute mais ça bosse »,  souligne Michel qui ajoute :
« La matinée se termine par boire un coup : si on arrose les plantes, il faut aussi arroser les jardiniers ! »

Sur un tableau, sont inscrites les tâches de la semaine. Ainsi chacun ou chacune peut choisir sa tâche.
Sur un tableau, sont inscrites les tâches de la semaine. Ainsi chacun ou chacune peut choisir sa tâche.

A chacun selon ses besoins

Le jardin est divisé en parcelles. Sur un tableau sont inscrites les tâches de la semaine. Ainsi chacun peut choisir la sienne. Ce matin-là du mois de mai : nettoyer et pailler les parcelles,  repiquer cosmos, salades et  semis de carottes,  ou planter le reste des pieds de tomates. Les productions sont à la disposition des adhérents :
« A chacun selon ses besoins, mais  beaucoup n'osent pas se servir », note Michel. « On n'a pas la prétention de produire pour se nourrir », ajoute-t-il.

Le jardin permet de cultiver et de goûter des légumes pas classiques : pannais, oca du Pérou. Amateurs, ils vont aussi voir d'autres jardins des environs pour apprendre, tels celui de Denis Pépin à Cesson-Sévigné et Rocambole à Corps-Nuds. Avec d'autres jardiniers, ils pratiquent des échanges de plantes. Le dernier dimanche du mois, le jardin est ouvert au public « pour remercier les Rennais qui ont voté pour notre projet » (voir encadré).
 
Pas de compétences particulières
 
Il n'est pas nécessaire d'avoir des compétences particulières, mais juste l'envie de participer : chacun apprend avec les autres.  Louis, le pro des aménagements, a notamment conçu le circuit de l'eau : la récupération du toit de l'abri vers les réservoirs (quatre  fois 1 000 litres) puis la distribution vers la mare ou les parcelles. Entre autres travaux, l'automatisme des ouvrants de la serre est fait maison. La récupération est une règle, à chaque fois que possible : ainsi tout l'aménagement intérieur de l'abri. Louis insiste : 
« On fait avec ce que l'on a sous la main . On adapte la solution au matériau disponible. »

Un observatoire percé de vitres permet d'observer les abeilles tout en étant protégé.
Un observatoire percé de vitres permet d'observer les abeilles tout en étant protégé.

Quatre ruches dont une pédagogique

L'activité rucher réunit six adhérents autour de Philippe. Quatre ruches ont été installées dont une ruche pédagogique qui peut s'ouvrir sur les côtés : on voit alors les cadres et les abeilles. Ils entretiennent les ruches, récoltent le miel, nettoient les abords, accueillent les enfants des écoles et de la Maison Bleue pendant les vacances d'été : 
« On les habille pour les protéger », souligne Philippe. « En 2024, on a dû déplacer les ruches à la campagne à cause de trop nombreux frelons asiatiques qui attaquent les reines. »

Des mauvaises herbes aussi
 
Le jardin sauvage est créé depuis deux ans en coopération avec l'association  l'Autre regard  au sein d'un espace de 800 m². Il est animé par Nigèle, spécialiste des "mauvaises herbes". Elle coordonne les plantations dans des parcelles  à quelques mètres du jardin principal (1) : l'ail des ours, la pulmonaire, le chénopode borori, les mauves, des variétés différentes de cassis  pour les fruits ou pour les feuilles en tisanes, la tanaisie qui repousse les insectes. « Je parfume la mousse au chocolat avec cette plante. ». Nigèle veille :
« Il ne faut pas laisser lever les graminées, sinon, il va y en avoir partout ! »

L'un des tas de compost du jardin.
L'un des tas de compost du jardin.

Produire toute l'année

L'association s'est donné des objectifs ambitieux dès l'origine et s'y tient. Elle  tente d'améliorer l'activité vivrière du jardin : produire tout au long de l'année et à titre gratuit fruits, légumes, fleurs... Elle veut préserver les graines et variétés anciennes et expérimenter de nouvelles pratiques jardinières. Mais elle souhaite aussi valoriser la mémoire des lieux, mémoire ouvrière et vie sociale. Au XIXe siècle, des tanneries étaient implantées dans cette zone d'activités.

Après le Covid, les habitants ont eu tendance à se replier sur eux-mêmes pour se protéger. Se rencontrer ici permet de mettre les mains dans la terre, voir d'autres gens « et de ne pas discuter des petits bobos. » L'association accueille de nouveaux jardiniers.
« Ils viennent voir une ou deux fois comment on travaille . Si ça leur convient, ils restent. »
 
Des compétences différentes
 
L'association compte une centaine d'adhérents à peu près à égalité, hommes et femmes (en majorité retraités), la moitié actifs au jardin, au rucher, ou au jardin sauvage, la moitié bienfaiteurs (2). Elle mutualise des compétences différentes.

Le président est élu pour trois ans, non renouvelable. Le budget annuel tourne autour de 3500 €. Les recettes sont constituées des cotisations, des adhésions d'associations, des interventions dans des associations et des écoles... Ce sont aussi les participations à un atelier (agri thérapie, confection de baume de consoude, cuisine aux plantes sauvages...) entre 5 et 8 €, la vente de pots de miel pour les adhérents (selon les années entre 30 et 80 kg).
« Ça nous sert à payer l'assurance, les plants pour le jardin, et le rucher. »
Le rucher demande beaucoup d'attention et quelques dépenses comme la construction d'une harpe électrique pour bloquer les frelons asiatiques. Un panneau solaire devrait permettre de l'alimenter en électricité.

 

Les fleurs, plantes médicinales et alimentaires cohabitent.
Les fleurs, plantes médicinales et alimentaires cohabitent.

Un séchoir à plantes

Le Gaec du Canal Saint-Martin prépare deux projets, l'un avec l'association L'autre regard, l'autre avec 40mcube, centre d'art contemporain et des élèves de l'Institut Agro. Ce serait une œuvre d'art reproduisant une coupe de sol avec le cheminement des vers de terre. Elle serait installée sur le jardin à côté du jardin principal.

Un projet de séchoir à plantes est aussi à l'étude : il faut une construction légère, aérée  pour les abriter du soleil et de la poussière. Un troc plantes pourrait l'accompagner pour utiliser les productions en trop. Avec d'autres jardins collectifs locaux, l'association veut développer les échanges d'informations et de plantes : le jardin d'Armorique, le jardin Plaisance, le jardin du Bout du Monde dans le quartier de Villejean. Le projet serait imaginé par des élèves de l’École d'architecture. Un groupe du  lycée technique Mendès-France pourrait réaliser un chantier d'application en utilisant de la terre. 
« Nous prévoyons de présenter ce projet au budget participatif, fin 2025. »
 
Des discussions
 
Le jardin est conduit selon les règles de l'agriculture biologique, conformément à la convention avec la Ville de Rennes, propriétaire. Elles s'inspirent de la permaculture, avec une rotation des cultures : « On a encore des progrès à faire... » Ce travail dans la bonne humeur n'empêche pas les discussions sur la gestion au quotidien : il y a des points de vue différents à propos des traitements, des paillages, des arrosages. Faut- il mettre des filets pour protéger les fraises ? Tout le jardin est exempt de produits phytosanitaires comme l'ensemble (30 hectares) du Parc naturel des prairies Saint-Martin.  Un principe dans l'association, souligne Michel :
« Il faut accepter les différences. »

(1) L'Autre regard,  2, square de la Rance 35000 Rennes. Association de loisirs pour personnes adultes en fragilité psychologique. L'Autre Regard vise à favoriser l'ouverture culturelle, le lien social, l'épanouissement et la réadaptation sociale des personnes en situation de mal-être et/ou d'isolement, ayant ou ayant eu des troubles psychiques. L'association s'organise en deux entités : un service d'accueil de jour (SAJ) et un groupe d'entraide mutuelle (GEM).

(2) la cotisation : 10 € par an, 5 € pour les étudiants et chercheurs d'emploi et jusqu'à 100 € pour une association, une maison de quartier....

Contact :  Gaec du Canal Saint Martin
Pour en savoir davantage : Gaec du Canal Saint Martin

La mosaïque illustre les activités du jardin.
La mosaïque illustre les activités du jardin.
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Grâce au budget participatif

Michel et un ami avaient un jardin dans les prairies Saint-Martin : la Ville de Rennes a acheté ces terres. « On a voulu garder ce petit collectif. On a demandé à la Ville un terrain dans le Parc naturel urbain. Il a fallu manifester un peu ! » L'accord est obtenu pour le jardin collectif (au 106, Canal Saint-Martin) mais pas pour les jardins familiaux.
Le Gaec du Canal Saint-Martin s'inspire de ces exploitations collectives en agriculture : le même sigle a été détourné :  Groupement d’Amis-es et d’Entraide Circulaire (et non groupement agricole d'exploitation en commun). Le projet a été proposé et accepté par le  budget participatif de la Ville de Rennes en 2018 . Dès l'origine ce jardin est « un espace cultivé, partagé et vivrier, convivial et solidaire, biologique et pédagogique, mémoriel et intergénérationnel ». Il n'y a pas de parcelles individuelles à la différence des jardins familiaux. Les gros aménagements ont été réalisés par la Ville (1). Les jardiniers ont ensuite décidé des plantations et retroussé leurs manches.

(1) Les investissements ont été réalisés par la Ville de Rennes dans le cadre des budgets participatifs : 40000 € au départ pour l'abri, la serre et des aménagements (2018) ; 6000 € pour le rucher et l'observatoire des ruches (2022).

Le jardin permet de cultiver et de goûter des légumes peu classiques
Le jardin permet de cultiver et de goûter des légumes peu classiques



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