Petit à petit, ils construisent leur projet d'habitat partagé . Ceci nécessite de nombreuses rencontres pour définir très précisément leurs souhaits. Pourquoi vouloir habiter un immeuble avec des espaces partagés ? De quel type d'appartement j'ai besoin ? Un T4, un T2 ou ...? Quel montant d'investissement je prévois pour ce logement ?
Depuis juin 2018 le premier noyau d'habitants de la résidence a commencé à préciser le projet.
Les membres du groupe partagent une forte sensibilité aux enjeux environnementaux et sociaux. Ils souhaitent intégrer des réponses pratiques à cet objectif : le choix du quartier de Villejean est un premier acte. Ce mode de vie respecte l'intimité permet de vivre chez soi tout en facilitant l'entraide et les liens entre voisins. Le groupe accueille tous les âges. Aujourd'hui ils vont de 4 à 69 ans. Parmi leurs souhaits, ils veulent prendre en compte les liens entre générations et le vieillissement des résidents.
« L'habitat participatif, c'est d'abord pour l'humain »
La copropriété est composée de quatre bâtiments construits par le promoteur Coop Habitat : deux sont une copropriété classique. Deux autres constituent le projet d'habitat participatif. Le nombre de logements du projet a donné lieu à discussion au sein du groupe. A ce jour, les premiers plans prévoient quinze appartements : treize foyers sont déjà partie prenante. Le groupe peut donc encore intégrer deux nouveaux foyers. Les futurs habitants actuels regroupent cinq familles avec enfants (six enfants au total) et huit personnes seules.
Maela, rencontrée sur le site du projet : « L'habitat participatif, c'est d'abord pour l'humain, pour les gens qui s'y trouvent pour l'entraide et la solidarité face au vieillissement. Il y a une majorité de gens seuls sur le projet, seuls avec enfants, seuls d'un certain âge : ce sont des questions qui se posent. Autres arguments: pouvoir choisir l'intérieur du logement, modifier les plans, les personnaliser...et, bien sûr le prix au m2 ! »
Un espace commun de 64m²
L'originalité d'un immeuble en habitat participatif réside dans la volonté de vivre des échanges avec les voisins en particulier dans des espaces partagés. A ce jour, un espace de 64m² est prévu incluant une salle commune , une kitchenette et une chambre d'amis. Reste à définir un éventuel espace de stockage, un cellier … Tout espace partagé représente un avantage et entraîne un coût pour le résident : il faut financer ces m² ! Les espaces partagés sont constitués par le transfert de quelques m² de chaque appartement. Par exemple, 5% d'un T4 apporte 4,40m² aux communs.
« Les décisions se prennent selon les règles de la sociocratie avec vote au consentement. Il diffère de la majorité ou du consensus, notamment pour éviter le consensus mou » explique Véronique. Véronique est l'un des moteurs du groupe qu'elle a intégré dès l'origine. Face aux propositions chacun peut s'exprimer. « Le grand principe est l'expression des objections, de différents niveaux. On essaie de tenir compte des avis minoritaires. Si c'est une objection majeure, on va chercher ensemble une nouvelle formulation avec laquelle tout le monde peut vivre. Elle diffère des souhaits de départ mais chacun a fait un bout de chemin : le nombre de membres du groupe final, par exemple. Si la décision est urgente ils peuvent la prendre à la majorité.
Jean-Félix est l'un des plus récents membres du groupe. « Je souhaite rester à Rennes. Je recherche un projet participatif, un esprit de communauté.. Avec à la fois des espaces en commun et un espace personnel qui n'empiète pas sur les autres. Que l'investissement soit dans mes prix.. En plus je suis en situation de handicap et je suis pour les approches d'inclusion. Pour moi, il est important de bien connaître ses voisins, bien s'entourer et créer nous tous l'immeuble de nos rêves. »
Thérèse : Toute petite, déjà...
Les espaces communs se distinguent des espaces partagés. Hall, d'entrée, ascenseur, local vélos sont, comme dans toute copropriété, communs aux quarante cinq logements et pas seulement au projet participatif. Les espaces partagés sont définis par les membres du projet avec des règles de fonctionnement. « Ces règles ne sont pas simples à préciser : on ne connaît pas nos propres besoins, et il faut se mettre d'accord à plusieurs ». Véronique raconte comment ils ont dû rapidement hiérarchiser les priorités d'espaces partagés. « Nous avons fait un sondage. J'ai calculé une moyenne mathématique. Le résultat ne nous paraît pas satisfaisant. Par exemple la chambre d'amis n'apparaît pas prioritaire, alors que certains ont opté pour un plus petit logement compte tenu de cette chambre ». C'est une base à partir de laquelle, ils vont retravailler.
Thérèse pour qui l'âge de la retraite approche : « Toute petite, j'habitais déjà dans un système d'habitat participatif : une cour commune et deux longères. On jouait avec des enfants des deux maisons. J'ai toujours voulu être dans cette formule d'habitat mais ça fait dix ans que je me plonge dans ce projet. J'ai rencontré des personnes d'autres groupes de Rennes. J'ai opté pour celui de Villejean. Ce qui m'importe : créer du lien avec les différents habitants. Je me sens bien portée par la dynamique du groupe. »
« Il est temps que je pense à mon logement pour mon vieillissement »
Les architectes conduisent deux séries d'entretiens individuels avec les membres de chaque foyer : « Il s'agit d'un travail de co-conception sur l'intérieur du logement », précise Julien Guénégues, l'un des architectes. « Comment je mets la cuisine, une fenêtre au sud ou à l'ouest, une baignoire ou une douche... ? » Les entretiens individuels permettent de mener la réflexion commune le plus loin possible pour aboutir à localiser chaque appartement dans les immeubles.
Pierre-Yves, pionnier de l'habitat autogéré. « J'habite, aujourd'hui, dans un ensemble de quatre logements, construits en 1987. Ça s'appelait habitat autogéré, mais ce sont les mêmes principes. Mes enfants sont partis : il est temps que je pense à mon logement pour mon vieillissement. Les principes de l'habitat participatif me conviennent toujours : solidarité, entraide, attention les uns aux autres, chacun chez soi aussi. Quand on parle de buanderie, c'est une pratique éco-responsable pour ne pas accumuler du suréquipement. Dans le groupe du Poitou, on va sans doute réfléchir à la mobilité, à se prêter des voitures. Avec l'objectif d'être très pratique pour un climat d'entraide : les parents de jeunes enfants auront sans doute besoin d'un coup de pouce et ils peuvent en rendre... »
Primauté à l'efficacité et au confort
Lors des neuf ateliers, chaque participant a exprimé ses souhaits. Un atelier réunit les futurs résidents, le promoteur, les architectes, l'accompagnateur de l'association Epok. A partir de photos, ils sont invités à se prononcer sur les choix architecturaux, la place de la nature, les circulations... Le groupe donne la « primauté à l’efficacité, notamment écologique, et au confort ». Par contre, ils ne sont pas très motivés par la recherche esthétique.
A été évoquée la possibilité de chambre ré-attribuable : elle est, au départ, rattachée à un appartement. Mais, selon l'évolution des besoins, elle pourrait ultérieurement être rachetée par le voisin. Beaucoup sont intéressés par «un espace extérieur sécurisé pour les enfants, sur lequel on peut avoir vue depuis les logements». Des articulations existent entre les logements de la copropriété classique et les appartements participatifs : les ascenseurs et coursives, les locaux communs sont mutualisés.
« Pourquoi pas un atelier de bricolage pour les 45 logements, avec si besoin, intervention périodique de compétences extérieures du type Compagnon bâtisseur ? » évoque un futur habitant. Lors des discussions, ils envisagent d'ouvrir la salle commune qui deviendrait un espace «semi-public semi-privé». Cette hypothèse nécessite, au préalable, de recenser les salles disponibles sur le quartier.
Par ailleurs, les groupes de travail se réunissent entre les réunions d'atelier et celles de l'ensemble des participants au projet. Le groupe « parents » souhaite pouvoir utiliser un espace polyvalent en salle de jeu, bibliothèque avec coin lecture, et pourquoi pas inviter d'autres enfants pour une projection de film ou un atelier créatif... L'intégration dans le quartier est l'un de leurs objectifs.
Jean-François Bourblanc
POUR ALLER PLUS LOIN :
Sur le projet « Square du Poitou », hp.squarepoitou@laposte.net
Sur l'habitat participatif en Ille et Vilaine : Parasol 35 contact@parasol35.org
Voir aussi sur Histoires Ordinaires « les pionniers de l'habitat partagé » :
https://www.histoiresordinaires.fr/Visite-chez-des-pionniers-de-l-habitat-partage_a2157.html
"Le vieux castor et son éco-héritier" :
https://www.histoiresordinaires.fr/Le-vieux-castor-et-son-eco-heritier_a139.html
Il existe des réalisations ailleurs, comme celle-ci à Vaux en Velin près de Lyon .
Une aventure sur quatre ans
Dès le début de la ZAC Normandie-Saumurois, l'urbaniste a proposé à la Ville de Rennes d'y réserver un terrain pour un habitat participatif
.Début 2018, la Ville sélectionne un promoteur, Coop Habitat, pour construire près du jardin public square du Poitou une opération intégrant une douzaine d'appartements en habitat participatif dans un ensemble d'une quarantaine d'appartements.
Mai 2018 : la Ville ouvre un appel public à candidatures.
L'association Parasol (qui permet l'entraide entre les groupes-projets en Ille-et-Vilaine) lance la communication pour ce projet et réalise, notamment, des permanences dans les équipements du quartier.
L' Epok est accompagnateur du groupe-projet, missionné par Coop Habitat
Juillet 2018 première définition des espaces partagés du projet d'habitat participatif "Square du Poitou".
10 novembre 2018 : journée d'information organisée par Parasol avec un rendez-vous sur le site pour les personnes intéressées.
27 novembre 2018 : rencontre entre les premiers habitants intéressés.
Janvier 2019 : petit à petit se constitue le groupe noyau, qui présente à la Ville ses aspirations et sa candidature, validée
De février à mai 2019 : quatre ateliers animés par les accompagnateurs professionnels de l' Epok, pour la structuration du groupe des futur.es habitant.es, et participation du groupe au choix de l'agence d'architectes
Mars 2019 : choix de l'architecte par la Ville de Rennes, le promoteur et le groupe : l'agence Rhizome a été choisie. Deux architectes suivent le projet : Julien Guénégues et Alexia Giboire.
17 mai 2019 : le groupe rédige ses intentions : projet de voisinage, définition du nombre d'appartements (15), des espaces communs et partagés, des règles avec un fonctionnement associatif.
Les cinq ateliers suivants réunissent en plus le promoteur et les architectes : construction du projet immobilier... Il s'agit de réunions d'informations : « on ne prend pas de décision »
Septembre et octobre 2019 : deux entretiens individuels avec les architectes
Entre chacun des Ateliers, le groupe se réunit pour réagir aux propositions et esquisses et pour décider ses priorités. Les foyers participants se répartissent dans des groupes de travail : parents, juridique et financement, espaces partagés, vieillissement.
4 décembre 2019 : L'Atelier 10 sert de base pour le permis de construire
2020 : dépôt du permis de construire, puis marchés avec les entreprises du bâtiment, puis début de la construction. En parallèle, les foyers finalisent leur financement (emprunts, etc)
2021 : poursuite du chantier. En parallèle, implication des futur.es habitant.es dans la vie du quartier.
Mai 2022, soit 4 ans après l'appel public, est prévue la livraison de l'immeuble et l'installation des foyers