Dominique Williams, vit en Centre-Bretagne, en amont de la rivière Ellé. Elle est à l’époque, secrétaire de l’association Nature et Patrimoine Centre Bretagne (NPCB) et engagée au sein de l’association Eau et Rivières de Bretagne pour défendre l’environnement de ce territoire. Elle sait que le Massif armoricain, riche de son sous-sol géologique, est une cible de choix pour les prospecteurs miniers. Et c’est avec une grande inquiétude qu’elle observe la politique de relance minière du gouvernement à partir de 2010, ses velléités de réforme du code minier, et le projet d’Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, de créer une Compagnie nationale des mines de France (CMF) pour exploiter le sous-sol national !
« Je me trouvais dans l’un des territoires sollicités pour la prospection, se souvient-elle. Les demandes de permis d’exploration se multipliaient. Il fallait vite sensibiliser les élus et la population, s’organiser pour stopper les prospections. »
Emmanuel Macron signe les premiers permis en 2012
Plusieurs collectifs et associations rassemblant scientifiques, agriculteurs, élus, entrepreneurs, associations et citoyens se forment à la hâte dont le collectif Douar didoull, « La terre sans trou » en breton, Attention Mines, Mines de Rien, Vigil’Oust, avec qui Dominique Williams et son association NPCB collaborent étroitement. Il y a urgence : la procédure est déjà bien engagée et les autorisations ont été signées en catimini par le ministre de l’Economie de l’époque… Emmanuel Macron. Dominique, anglophone et familiarisée avec les documents techniques, épluche les publications mondiales concernant la prospection et l’extraction minière. Elle ne tarde pas à devenir, au sein d’Eau et Rivières de Bretagne, la référente des projets miniers, la qualité de l’eau étant directement menacée par ce type d’exploitation.
C’est Variscan Mines France qui obtient les permis en 2012. La société de prospection minière a été créée deux ans plus tôt par Jack Testard et Michel Bonnemaison, deux anciens cadres du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), organisme public. Cette société s’avère être une filiale de l’entreprise australienne Variscan. Trois des permis sont en Bretagne : la zone de Belle-Isle-en-Terre, une autre entre Plélauff et Bubry dans les Côtes d’Armor jusqu’aux confins du Morbihan au Sud et une troisième entre Merléac et Le Quessoy. Au programme, recherche de tungstène, molybdène, cuivre, zinc, plomb, étain, or, argent et autres « substances connexes », nécessaires entre autres pour la construction de véhicules et de téléphones portables.
C’est Variscan Mines France qui obtient les permis en 2012. La société de prospection minière a été créée deux ans plus tôt par Jack Testard et Michel Bonnemaison, deux anciens cadres du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), organisme public. Cette société s’avère être une filiale de l’entreprise australienne Variscan. Trois des permis sont en Bretagne : la zone de Belle-Isle-en-Terre, une autre entre Plélauff et Bubry dans les Côtes d’Armor jusqu’aux confins du Morbihan au Sud et une troisième entre Merléac et Le Quessoy. Au programme, recherche de tungstène, molybdène, cuivre, zinc, plomb, étain, or, argent et autres « substances connexes », nécessaires entre autres pour la construction de véhicules et de téléphones portables.
« Tous les collectifs ont décidé d’agir ensemble pour s’opposer aux prospections. A force d’exploiter toutes les failles législatives et de mobiliser les populations, nous avons obtenu gain de cause. Les prospections n’ont pas eu lieu. Ce qui était intéressant, c’est que les arrêtés ministériels octroyant les permis miniers ayant été signés, il y avait de ce fait, un acte administratif posé, permettant d’ouvrir un contentieux en justice. C’est ce qui a été fait avec succès pour tous les permis Variscan. »

2024 : trois nouvelles demandes de permis de prospection !
Personne n’imagine alors que de tels projets puissent resurgir. Et pourtant, début 2024, douze ans après, nouvelle frayeur ! Dominique vient de découvrir dans le Journal officiel, que trois nouvelles demandes de permis miniers ont été déposées dans le Grand Ouest. Consternée, elle alerte l’ensemble des collectifs et la lutte s’organise à nouveau.
La première demande, qui a pour nom Epona concerne quatre communes du pays de Lorient (50,98 km²), bordées par la rade de Lorient, la ria d’Etel et la petite mer de Gâvres, zones dans lesquelles se jettent tous les cours d’eau de la zone convoitée, riches bien sûr, pour la biodiversité, la pêche et l’élevage conchylicole. Quelques élus et associations locales, déjà sensibilisés par le projet de Variscan, s’engagent immédiatement pour empêcher les prospections. La recherche concerne 39 métaux.
La deuxième, qui a pour nom, Taranis concerne vingt communes situées à l’est du Morbihan, au sud de l’Ille-et-Vilaine et au nord-ouest de la Loire-Atlantique (359,5 km²). D’emblée, un collectif se constitue, « Stop Taranis » et se révèle rapidement très efficace, en lien étroit avec Eau et Rivières ! Déjà, seize communes ont voté contre le principe du permis d’exploitation. La recherche concerne 42 métaux.
La troisième, Belenos, concerne dix-huit communes de Loire-Atlantique et du Maine-et-Loire (440,88 km²). Seule une commune a voté contre à ce jour tandis qu’une communauté de communes est en réflexion. La recherche concerne 42 métaux.
Une procédure complexe qui se joue au niveau mondial
La procédure est complexe et le jeu s’organise au niveau mondial. Dominique Williams l’a décryptée. Dans un premier temps, une société envoie au gouvernement une demande d’octroi de permis minier. Un projet est défini en fonction des réalités du terrain convoité et d’un cadrage réglementaire. Le gouvernement publie alors un avis de mise en concurrence à destination des acteurs économiques et techniques de la prospection minière. En règle générale, note Dominique, il n’y a jamais de réponse concurrente ! Les consultations publiques sont lancées. A la suite de la consultation publique, le ministère de l’Economie et des Finances, avec le ministère de l’Environnement, produit une synthèse soumise à divers conseils internes. Si l’avis est positif (on n’en connaît pas de négatif !), un arrêté ministériel est alors produit autorisant pour cinq ans maximum (renouvelables deux fois), le permis minier pour la prospection.
La première demande, qui a pour nom Epona concerne quatre communes du pays de Lorient (50,98 km²), bordées par la rade de Lorient, la ria d’Etel et la petite mer de Gâvres, zones dans lesquelles se jettent tous les cours d’eau de la zone convoitée, riches bien sûr, pour la biodiversité, la pêche et l’élevage conchylicole. Quelques élus et associations locales, déjà sensibilisés par le projet de Variscan, s’engagent immédiatement pour empêcher les prospections. La recherche concerne 39 métaux.
La deuxième, qui a pour nom, Taranis concerne vingt communes situées à l’est du Morbihan, au sud de l’Ille-et-Vilaine et au nord-ouest de la Loire-Atlantique (359,5 km²). D’emblée, un collectif se constitue, « Stop Taranis » et se révèle rapidement très efficace, en lien étroit avec Eau et Rivières ! Déjà, seize communes ont voté contre le principe du permis d’exploitation. La recherche concerne 42 métaux.
La troisième, Belenos, concerne dix-huit communes de Loire-Atlantique et du Maine-et-Loire (440,88 km²). Seule une commune a voté contre à ce jour tandis qu’une communauté de communes est en réflexion. La recherche concerne 42 métaux.
Une procédure complexe qui se joue au niveau mondial
La procédure est complexe et le jeu s’organise au niveau mondial. Dominique Williams l’a décryptée. Dans un premier temps, une société envoie au gouvernement une demande d’octroi de permis minier. Un projet est défini en fonction des réalités du terrain convoité et d’un cadrage réglementaire. Le gouvernement publie alors un avis de mise en concurrence à destination des acteurs économiques et techniques de la prospection minière. En règle générale, note Dominique, il n’y a jamais de réponse concurrente ! Les consultations publiques sont lancées. A la suite de la consultation publique, le ministère de l’Economie et des Finances, avec le ministère de l’Environnement, produit une synthèse soumise à divers conseils internes. Si l’avis est positif (on n’en connaît pas de négatif !), un arrêté ministériel est alors produit autorisant pour cinq ans maximum (renouvelables deux fois), le permis minier pour la prospection.
La prospection s’opère en deux ou trois phases sur une période pouvant s’échelonner sur 10 à 15 ans avec une première étape de diagnostic, une seconde de vérification grâce à une technologie plus poussée puis une autre avec des forages plus profonds, des tranchées d’exploration et, avec des moyens techniques aéroportés produisant des ondes électro-magnétiques, une définition affinée du sous-sol afin d’identifier les métaux présents et leur quantité.
Lorsque les prospections identifient un ou des gisements économiquement exploitables, le prospecteur, qui n’a pas les moyens techniques et financiers pour exploiter, vend alors le projet, généralement trois à quatre cents fois la mise de fonds initiale à un ou plusieurs opérateurs de mines qui déposera une demande de concession d’exploitation. Certes, le taux de succès des campagnes d’exploration est faible, certes, les différentes autorisations sont conditionnées par des évaluations environnementales, études d’impact et autres enquêtes publiques, mais c’est pendant la phase de prospection qu’il importe de se mobiliser avant l’octroi de la concession.
Lorsque les prospections identifient un ou des gisements économiquement exploitables, le prospecteur, qui n’a pas les moyens techniques et financiers pour exploiter, vend alors le projet, généralement trois à quatre cents fois la mise de fonds initiale à un ou plusieurs opérateurs de mines qui déposera une demande de concession d’exploitation. Certes, le taux de succès des campagnes d’exploration est faible, certes, les différentes autorisations sont conditionnées par des évaluations environnementales, études d’impact et autres enquêtes publiques, mais c’est pendant la phase de prospection qu’il importe de se mobiliser avant l’octroi de la concession.
« On peut vivre heureux sans savoir exactement la composition géologique du sol de son territoire, c’est beaucoup plus difficile quand on a une mine pour voisin ! »
Des conséquences irrémédiables sur l’environnement
Le métal est présent dans le minerai dans des quantités infinitésimales, 10 à 200 grammes pour une tonne de minerai dans le meilleur des cas, généralement moins d’un gramme pour une tonne, de l’ordre du dixième ou du centième de gramme ! Pour l’obtenir, il faut d’abord fouiller le sous-sol à coup d’explosifs, transporter la matière par dumper pour la fracasser dans un brise-roche avec des boulets de métal. L’eau est utilisée en quantités astronomiques. Parfois, le métal n’est présent que sous forme d’atomes. Des traitements chimiques très agressifs sont alors nécessaires pour le concentrer.
Les déchets sont entassés, constituant des terrils qui modifient le paysage. Parmi ces déchets, il y a les « stériles », ces métaux délaissés car jugés non rentables. Sous l’action de la pluie et de l’air, les matières s’oxydent, produisent de l’acide sulfurique qui modifie le PH du sol et se déverse lentement dans la rivière.
Les déchets sont entassés, constituant des terrils qui modifient le paysage. Parmi ces déchets, il y a les « stériles », ces métaux délaissés car jugés non rentables. Sous l’action de la pluie et de l’air, les matières s’oxydent, produisent de l’acide sulfurique qui modifie le PH du sol et se déverse lentement dans la rivière.
« Certes, une règlementation existe mais les traitements exigés ne s’attachent qu’à faire abaisser l’acidité. Et pour cela, il suffit de déverser de la chaux ! Les boues qui sont alors produites augmentent le volume de déchets et polluent à leur tour le sol et ce, pour des années, cadeau empoisonné pour les générations futures. »C’est tout le réseau hydrographique souterrain qui se trouve ainsi perturbé avec pour conséquence, l’assèchement de sources, des zones humides, voire des forages profonds pour l’eau potable, mais aussi l’altération du débit des cours d’eau et l’appauvrissement en nutriments des zones littorales. L’ensemble de la chaîne naturelle est perturbé par l’activité de la mine ainsi que toutes les activités humaines du territoire. Sans compter qu’avec le temps, le vent emporte la poussière des terrils, chargée en métaux plus ou moins toxiques qui contaminent terres agricoles et environnement… On sait désormais que des sites, exploités il y a plus de 4500 ans depuis la fin de la période néolithique, continuent aujourd’hui de polluer !
« Un permis minier est accordé pour cinq ans, il peut être renouvelé deux fois cinq autres années. La concession est accordée pour 50 ans, renouvelable deux fois 25 ans ! Rien n’empêche l’acidification et la lixiviation, la libération des particules métalliques dans l’atmosphère. Tout cela pour alimenter le cercle vicieux d’une transition énergétique qui n’est en rien une transition tant que l’on n’aura pas de filières de recyclage dignes de ce nom. Tout cela au nom de la sacrosainte croissance économique qui doit être soutenue… »
2025, nouvelles demandes de prospection !
Fin juin 2024, les trois consultations du public ont lieu. Coup de théâtre ! Quelques jours après, le Conseil d’Etat retoque le code minier, document en mutation constante, et exige que les demandes de permis miniers soient désormais accompagnées d’un avis de l’autorité environnementale, organisme lié au ministère de l’Environnement. Les procédures en cours sont fragilisées juridiquement. Mais en mai 2025, de nouvelles consultations sont lancées pour les trois territoires convoités. Elles prendront fin au 18 juin 2025.
Comment agir ? Pour Dominique Williams, la meilleure arme que peuvent utiliser les citoyens est le refus d’accès à la propriété privée.
Comment agir ? Pour Dominique Williams, la meilleure arme que peuvent utiliser les citoyens est le refus d’accès à la propriété privée.
« Tout propriétaire a le droit de refuser l’accès à son bien mais dès lors qu’il a laissé faire une prospection et qu’un métal a été trouvé dans le sous-sol, celui-ci bascule dans l’escarcelle de l’Etat et peut à terme être exploité. Nous incitons donc tous les propriétaires des territoires concernés à signer des formulaires, disponibles sur internet, interdisant l’accès des prospecteurs à leur propriété. »
Pas de mines propres, ni d'après mines heureux !
C’est la SAS, société par actions simplifiée, Breizh Ressources, basée à Lorient, qui a initié les trois projets Epona, Taranis et Belenos. Créée en septembre 2023 et dirigée par le breton Jan-Pol Pallier, elle est une filiale de la société Aurania Resources, basée à Toronto et fiscalement immatriculée aux Bermudes ! A sa tête, Keith Barron, un géologue britannico-canadien qui a fait fortune en 2006 en découvrant dans la jungle équatorienne, l’une des plus grosses mines d’or du monde, la Fruta del Norte. Deux ans plus tard, lui et ses associés, la revendait à la multinationale Kinross pour 1,2 milliard de dollars canadiens. L’homme, domicilié en Suisse, arpente la planète, en quête de nouvelles découvertes. Propriétaire de mines de saphir et d’or aux Etats-Unis, il poursuit ses prospections en Equateur.
« Les projets français entrent dans une stratégie de diversification de ses activités. Les prospecteurs ont aussi créé une société jumelle, Corsica Ressources, qui retraiterait les déchets d’une ancienne mine de nickel dans le cap Corse. Mais les associations et certains élus sont mobilisés contre le projet. »Eau et Rivières de Bretagne entend donc récolter un maximum de refus d’accès aux terres des propriétaires individuels, des collectivités et des organisations comme les syndicats d’eau, les associations de pêche et autres sur les périmètres sollicités. La carte ainsi réalisée sera adressée aux préfets concernés.
« Avec le projet Variscan, nous avions obtenu plus de 80 % de refus. Nous pourrons continuer à engranger les formulaires de refus d’accès à la propriété après le 18 juin, tant que les travaux d’exploration n’ont pas commencé. Ce qui nous inquiète, c’est cette « loi sur les matières premières critiques » adoptée en avril 2024, qui « vise à garantir l'accès de l'Union européenne à un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques pour les secteurs stratégiques ».La lutte est donc loin de s’achever…
POUR ALLER PLUS LOIN
Projets miniers breizh ressources | Eau et Rivières de Bretagne
https://www.systext.org/publications-apres-mine
L’hydrographie concernée par les trois projets de prospection
Pour le périmètre Epona, il s'agit de petits ruisseaux qui se jettent dans la Rade de Lorient, la Petite Mer de Gâvres ou la Ria d'Etel. Pour Taranis, le périmètre touche le bassin de la Vilaine, le fleuve lui-même en amont de Redon ainsi que ses affluents (Canut, Oust canalisé, l'Aff...) Pour Belenos, il s'agit de plusieurs affluents du Don (lui-même affluent de la Vilaine), de plusieurs affluents de la Maine, affluent de la Loire (Le Brionneau, Romme), l'Erdre (ruisseau de Moiron, ruisseau du Grand Gué) et de la partie amont de l'Erdre (le Don, ruisseau de Leuzenais, ruisseau de la Briais, ruisseau des Bois, ruisseau des Rivières, Petit Don (premier du nom), ruisseau de Favier, ruisseau de la Mare, Petit Don (deuxième du nom), ruisseau de Gravotel).
https://www.systext.org/publications-apres-mine
L’hydrographie concernée par les trois projets de prospection
Pour le périmètre Epona, il s'agit de petits ruisseaux qui se jettent dans la Rade de Lorient, la Petite Mer de Gâvres ou la Ria d'Etel. Pour Taranis, le périmètre touche le bassin de la Vilaine, le fleuve lui-même en amont de Redon ainsi que ses affluents (Canut, Oust canalisé, l'Aff...) Pour Belenos, il s'agit de plusieurs affluents du Don (lui-même affluent de la Vilaine), de plusieurs affluents de la Maine, affluent de la Loire (Le Brionneau, Romme), l'Erdre (ruisseau de Moiron, ruisseau du Grand Gué) et de la partie amont de l'Erdre (le Don, ruisseau de Leuzenais, ruisseau de la Briais, ruisseau des Bois, ruisseau des Rivières, Petit Don (premier du nom), ruisseau de Favier, ruisseau de la Mare, Petit Don (deuxième du nom), ruisseau de Gravotel).