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20/03/2013

Cyprien et les artistes, activistes, utopistes de Bruxelles


Cyprien Lepoivre est le fondateur du collectif bruxellois Artivist. Cette bande d'utopistes mélange l'art et l'humour pour partager ses idéaux anti-libéraux. Le but des activistes urbains n'est pas de changer le monde mais de mettre en avant ses défaillances et incohérences.


Cyprien et les artistes, activistes, utopistes de Bruxelles
Mardi soir, un groupe de personnes de tout âges et d'horizons divers se concertent dans le sous-sol de la Maison de la paix à Bruxelles. Il s'agit d'un sous groupe du collectif Artivist, le groupe homostibiens. Ils trament une action contre le réseau de transports en commun bruxellois. Le but n'est pas de déranger mais d'interpeller  en organisant des « jeux olympiques »  dans le métro. Tout le monde est excité et apporte de nouvelles idées. 
 
Dans le fond de la salle, Cyprien Lepoivre est clair : « Il faut inciter les participants à acheter un titre de transport. Le but n'est pas de pousser les gens à frauder mais de leur faire prendre conscience que c'est trop cher et que nous voulons une autre politique. » Cyprien, la  trentaine, ne dirige pas la réunion, pourtant, c'est à son initiative que ces activistes sont réunis. 
 
Le collectif Artivist a été créé en 2009 à la veille du sommet de Copenhague sur le climat qui a fait émerger de nombreux mouvements radicaux. Cyprien a fondé un groupe basé sur ses idéaux : « Je n'ai jamais eu envie que l'on se cloisonne dans un thème particulier, même si nous avons une ligne de conduite implicite. Nous sommes toujours dans une idée de décroissance économique et d'un changement profond du système. Nous en sommes conscients, c'est une utopie, nous ne sommes pas du tout en phase avec le système néo-libéral, le capitalisme, la pollution et tous ces trucs. »

« Faire réfléchir sans afficher de couleur politique »

Il attache beaucoup d'importance à l'approche artiviste : un mélange d'art et d'activisme. C'est ce qui rend le message positif : « L'humour c'est une super arme. Il s'oppose un peu aux formes traditionnelles d'activisme qui se contentent juste de bloquer  de montrer leur refus sans proposer de solution. » Le collectif, lui, défend la relocalisation de l'industrie, les agricultures locales, et globalement « plus de liens moins de biens ».
 
Cyprien a toujours été sensible aux problèmes écologiques et sociologiques. Cycliste, il est révolté, un beau jour, de voir le peu, ou l'absence de pistes cyclables à Bruxelles. Il rejoint donc « La Masse Critique », un groupe de cyclistes bruxellois qui ralentissent le trafic, « de la désobéissance civile mais gentille » glisse-t-il. Lors de ces manifestations, il rencontre un homme du parti de la décroissance économique « Vélorution ».

Cyprien s'engage dans le parti mais ressent très vite un malaise : « Au sein même du groupe, existait une hiérarchie. La structure politique ne me convenait pas. Je voulais lancer quelque chose de complètement indépendant, qui fasse des actions positives et symboliques, qui fasse réfléchir sans afficher de couleur politique. »

Une vie rythmée par l'appel de l'activisme

Cyprien se met à recruter mais rencontre beaucoup de difficultés à trouver des personnes prêtes à agir. Il part en vacances dans un camp « climat » d'une semaine entièrement autogéré, donc sans hiérarchie. « J'ai été très séduit, je trouvais ça efficace. J'étais un grand timide, j'ai été guéri grâce à ces systèmes internes de sous-groupes. J'ai donc commencé à recruter là-bas. » 

Le collectif organise sa première action au salon de l'auto en janvier 2010 où le greenwashing (la propagande verte) est omniprésent. Il présente la voiture la plus écologique de tous les temps, quatre personnes avec un volant : « Le but était de vanter les vertus de la marche à pied. Le plus écolo, c'est toujours pas de voiture. » 
 
L'action est un succès et tout un noyau de visiteurs se forme autour du groupe. Depuis, les actions s'enchaînent. Le collectif s'organise en sous-groupes, le pouvoir est horizontal : pas de hiérarchie, pas de droit de véto sur les actions. Cyprien est très fier de ça : « C'était un de mes objectifs principaux. Il faut laisser les gens penser eux-mêmes leurs actions et qu'ils apprennent pourquoi une action est réussie ou non.» 

Cyprien a toujours eu un attrait pour l'art, il a l'équivalent d'un bac artistique. Il a ensuite obtenu une licence de communication. Après avoir travaillé bénévolement de nombreuses fois pour l'association Agir pour la paix, il a décroché un mi-temps. 

L'activisme : une manière de vivre

« Je rêve d'une vie plus saine, souligne-t-il.Je veux qu'on arrête de détruire la nature et de se polluer la vie avec la télévision et la promo commerciale. Je rêve de construire quelque chose basé sur le rapport humain et l'échange. Je veux dire "stop" à cette course au profit, à cette violence. C'est le rêve de tous les utopistes pacifistes. » 
 
« Nous voulons propager des graines qui à terme grandiront », dit-il aussi. Il critique vivement le manque de vision globale du monde, on veut résoudre les problèmes séparément sans rechercher le lien entre eux : « On ne sait pas où l'humanité va ! Est-ce qu'on continue à se reproduire comme ça et à polluer ? Il faut arrêter d'être dans ces organisations pyramidales. Je suis pour une allocation universelle et pour limiter les profits. Je ne veux pas être dans le communisme strict mais qu'il y ait une fourchette : tu peux être riche, pas au point de rendre quelqu'un pauvre de l'autre côté de la planète. »
 
Son rêve, Cyprien le partage avec le reste du collectif. Il avoue qu'ils sont peu à y croire. mais pour lui ce n'est pas un problème : « L'objectif c'est d'être en accord avec ses convictions et avec soi-même, de ne pas culpabiliser de ne rien faire. L'utopie a un sens si elle est appliquée à un groupe. On arrive à la mettre en place au sein de notre petit groupe. On s'amuse, on se réalise artistiquement, on s'enrichit dans nos réflexions. La vie manque de bonne fantaisie. L'art a des vertus politiques que la politique n'a pas. C'est porteur de rêve et il n'y a pas de censure. Ça fait réfléchir, ça pose des questions et ça ne blesse pas. » 
 
Marie-Axelle Richard




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