23/04/2021

Dans un livre, ​Jonathan porte la voix du foisonnant théâtre palestinien

Texte : Michel Rouger - Photos : Marie-Anne Divet


26 théâtres, pas moins, sur un territoire plus petit que le département de La Manche, mité en outre de colonies israéliennes… Justement, c’est pour ça que le théâtre palestinien est si vivant. Libérateur. L’infatigable américain, français et juif ashkénaze Jonathan Daitch, 79 ans, en a fait sa passion. Il s’apprête à publier un livre collaboratif avec "50 co-auteurs" palestiniens et 220 photos. Vous pouvez en être : le soutien financier vient de débuter.



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La solidarité entre les peuples se niche partout, jusque dans les longères bretonnes. Celle par exemple qu’ont joliment aménagée, dans la bourgade de Saint-Lormel, en Côtes d’Armor, Jonathan Daitch et Marie-Renée Bourget -79 ans tous les deux aujourd'hui - toujours prompts à se soucier des destins brisés d'ici et d'ailleurs.

Un prof en liberté

Etonnant destin au demeurant que celui de Jonathan Daitch, venu au monde durant la Seconde Guerre mondiale au sein de la communauté juive ashkénaze de Boston, le "berceau de la liberté"américaine contre les Anglais. Un bon signe : un rebelle est né. Sa liberté, il va la conquérir rapidement, confronté à des  conditions de vie familiale qui dévissent soudain avec la  faillite du père chef d’entreprise piégé par les nouvelles techniques. 

Jonathan bosse ado dans divers petits boulots. Puis il devient éducateur de jeunes de quartiers pauvres avant de trouver l'université qui lui convient : la plus radicale, celle où les étudiants s’auto-évaluent. Il se retrouve ensuite prof dans un établissement tout aussi radical (Ithaca au nord de l’État de New-York). Nous sommes alors dans les recherches bouillonnantes de 1968...

Pédagogue né, doctorat en poche, Jonathan Daitch devient ensuite professeur d'université. Pendant toute sa carrière, il enseigne à ses étudiants toutes les couleurs de la liberté créatrice en gardant une "bible" sous le bras : le célèbre Libres enfants de Summerhill. Mais laissons là le premier Jonathan Daitch : ce serait un autre portrait, celui d'un pédagogue agitateur.

La photo, du Texas à Paris

Il a maintenant 42 ans, et pendant tout ce temps, l'enfant de Boston a gardé au fond de lui-même une France mythifiée, celle de La Fayette et d'un certain mode de vie. Il traverse l'Atlantique et se retrouve à Paris. Par un ami commun, il rencontre Marie-Renée puis s'en va gagner sa nouvelle vie  en entrant à l'International School of Paris, près du Trocadéro : il y restera dix-huit ans, à différents postes, avant d'atteindre la retraite et d'assouvir pour de bon  une autre de ses passions : la photo. 
« J'ai découvert la photo en partant faire mon service militaire. J'ai été versé dans un corps médical stationné au Texas : j'ai fait des photos du Texas, aménagé une chambre noire...  Je n'ai jamais sauté le pas de la photo professionnelle : avec ma seconde femme, j'ai connu les angoisses de la difficulté à vendre. Paris est extraordinaire pour les photographes. J'ai installé une petite chambre noire dans notre maison du 11e puis à Saint-Lormel avant de passer au numérique, il y a trois ou quatre ans. »

Au camp de réfugiés, "toute ma lutte intérieure est devenue concrète"

Soudain débarque en 2007 le peuple palestinien. Par Marie-Renée qui lui fait rencontrer Jean-Claude Ponsin. Marie-Renée Bourget, intervenante en développement social local, est en contact avec JCP qui a créé vingt ans plus tôt dans le quartier de la Goute d’or où il travaille comme médecin une entreprise d’insertion pour des personnes ayant des problèmes avec l’alcool », "Pilier d'angle" : "On était sur la même éthique", ajoute Marie-Renée.

Polytechnicien devenu médecin, Jean-Claude Ponsin est aussi une grande figure de la solidarité internationale, entre autres avec la Palestine : voir ce portrait de l'Union Juive Française pour la Paix lors de son décès en 2011 à 81 ans. Il a notamment créé en 2002 l’Association des Amis d’Alrowwad (devenue l'association des Amis des arts et de la culture de Palestine) en appui du théâtre/centre culturel Alrowwad  situé dans le camp de réfugiés Aida près de Bethléem.
« Il me dit "Tu peux aller en Palestine donner des cours de photographie. J'y suis allé pendant deux semaines. Et là, toute ma lutte intérieure contre le sionisme, jusqu'ici intellectuelle, est devenue réelle, concrète.. Ça a été une claque. Je me suis engagé pleinement. J'ai adhéré à France-Palestine, accompagné la troupe d'Alrowwad, servi d'interprète en France... »

Photos et interviews d'un théâtre à l'autre

C'est ainsi qu'en 2012, il accompagne le "Yes Theatre" d'Hébron en tournée en France. Puis de nouveau en 2014. Et c'est là commence l'histoire qui trouve son couronnement aujourd'hui, six ans plus tard. 
« Ils étaient quatre, trois comédiens et un technicien. Nous nous sommes baladés trois semaines partout en France. Une amitié s'est créée. Avec Raed, c'est comme si nous étions ses parents. Le livre est né avec ces quatre garçons : montrer la richesse du théâtre palestinien. Je me dis : "Je vais en Palestine." »
Sitôt dit, sitôt fait. Jonathan, 74 ans, embarque avec sa fougue et ses appareils et se met à parcourir les villes palestiniennes, photographiant, interviewant tous les acteurs, metteurs en scènes, comédiens et comédiennes. Et il poursuit lors d'un second voyage en 2016. Il tient à une précision : 
« Je ne suis pas dans la position d'un journaliste mais dans celle d'un accoucheur. J'enregistre tout, je tape le texte et le leur soumets. Ils sont cinquante et ils sont les "co-auteurs" du livre. »

"Une force incroyable"

"Voix du théâtre en Palestine" est maintenant là, prêt à paraître à l'automne. Il faut aller sur le blog de Jonathan Daitch lire la démarche, exposée en photos et textes courts, qui porte l'ouvrage. En résumé, le théâtre palestinien, de même que le cinéma lui aussi très développé, raconte la vie :
« Le plus important, avec ce livre, c'est de montrer la vie réelle. Il ne faut pas voir les Palestiniens seulement comme des victimes qui ont besoin d'aide. Ils ont surtout besoin de liberté. Il y a une telle frustration, un tel besoin d'expression. C'est un théâtre très immédiat, lié à la vie quotidienne des gens. Les Palestiniens ont un esprit de débrouille, une force incroyable. Il n'y a pas que des problèmes en Palestine : il n'y a que des solutions. A travers toutes ces troupes de théâtre, les Palestiniens donnent une leçon d'humanité. »
Tout cela donne vraiment envie de participer à la naissance de ce livre de 200 pages, 220 photos, aux 50 acteurs devenus auteurs...

Michel Rouger
 


Quelques photos du livre avec la carte des 26 théâtres et les 50 acteurs/auteurs




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