"Avec la danse, nous apprenons à ré-apprivoiser notre corps, à l’aimer de nouveau."
« Si Maïa ne m’avait pas donné un coup de pied dans le sein gauche, ce jour d'octobre 2021, je ne sais pas où je serai aujourd’hui. » Pourtant, la douleur qu’elle ressent et qui dure, Sandra Denis ne veut pas en entendre parler. Elle a 43 ans, trois enfants et est passionnée par son travail à la mairie du Rheu (35). Attachée territoriale, elle est responsable du secteur enfance et jeunesse depuis dix ans. Mais la douleur est toujours là :
Elle finit enfin par consulter. Son médecin, par précaution, lui prescrit une mammographie bilatérale. Le diagnostic est rapidement posé : c’est un cancer infiltrant au sein droit hormonodépendant, HER2+.
J’attends, je travaille à fond, je ne m’en occupe pas.
Elle finit enfin par consulter. Son médecin, par précaution, lui prescrit une mammographie bilatérale. Le diagnostic est rapidement posé : c’est un cancer infiltrant au sein droit hormonodépendant, HER2+.
Les premiers mois ont été difficiles, incroyablement hors du temps et de l’espace. Le ciel nous tombe sur la tête, surtout parce que j’ai des enfants. Deux femmes de mon entourage, du même âge que moi, venaient d’être emportées par un cancer du sein. Pour moi cela voulait dire MORT.
Féminité et estime de soi retrouvées
Très vite, elle dresse la liste des choses qu’elle a toujours rêvé de faire. Tout en haut, il y a la danse. Elle s’inscrit au club du Rheu.
En même temps, elle découvre les soins de support, ces soins non-médicamenteux qui aident à supporter les traitements : le suivi psychologique, la réflexologie plantaire, les soins socio-esthétiques...
Elle fait alors le lien entre son expérience de la danse et les soins de support. Elle prend conscience que cette activité coche toutes les cases.
Mais le plus important, c’est l’estime de soi retrouvée. Sandra Denis explique :
J’ai galéré parce que les autres femmes n’avaient pas un cancer, elles n’étaient pas dans les traitements. En revenant à la maison, souvent je pleurais. Mon conjoint et mes enfants m’encourageaient : "Allez maman, on va t’aider à répéter la chorégraphie." C’était dur.
En même temps, elle découvre les soins de support, ces soins non-médicamenteux qui aident à supporter les traitements : le suivi psychologique, la réflexologie plantaire, les soins socio-esthétiques...
Nous qui perdons nos cheveux, nos poils, une partie de notre féminité, c’est très important. Le plus connu et le plus utile, c’est l’activité physique, ultra nécessaire pour bien vivre tous ces traitements. Je les teste par le biais de la Ligue contre le cancer, très aidante.
Elle fait alors le lien entre son expérience de la danse et les soins de support. Elle prend conscience que cette activité coche toutes les cases.
Nous sommes pétries de douleurs articulaires avec les différents traitements. Aujourd’hui, quand je me réveille, j’ai le corps d’une femme de 90 ans, il me faut désarticuler chacun de mes doigts. La danse, c’est du sport, des étirements et de l’endurance. C’est sans compter aussi avec tous les troubles cognitifs. Souvent l’image du tambour de la machine à laver revient quand les femmes décrivent ce qu’elles vivent, le syndrome du chimio-brain, on a énormément de mal à se concentrer, à mémoriser, donc mémoriser une chorégraphie, cela aide.
Mais le plus important, c’est l’estime de soi retrouvée. Sandra Denis explique :
Avec la danse, nous travaillons devant un miroir. Nous apprenons à ré-apprivoiser notre corps, à l’aimer de nouveau. Nous avons été mutilées, un sein ou deux, nous nous recroquevillons par réflexe de protection ou de honte. Face au miroir, nous apprenons à nous respecter.
Toutes sur la scène
avec la danseuse Fannie Lesage
Sandra se rappelle le gala de fin d’année, celui qui lui avait tant coûté en larmes. Elle se souvient de l’émotion que cela avait soulevée en elle. Aujourd’hui encore, elle reprend ce leitmotiv qui la rend forte : "Sandra, tu y es arrivée, tu as réussi à t’assumer telle que tu es, tu as réussi à te présenter devant les autres". Le lien se fait naturellement entre l’activité physique et la dimension thérapeutique de la scène. Danser oui mais devant un public.
Elle part à la recherche de ce qui existe déjà. Bien sûr des ateliers, il y en a quelques-uns, à Paris, Brest, Vannes, souvent de façon confidentielle. Mais ce mélange danse, cancer et représentation publique qui est l’essence du projet, cela n’existe pas.
Elle ouvre une cagnotte en ligne, abondée au départ par sa famille qui la soutient avec force et ses ami.es. Elle lance l’impression des affichettes, la réservation de salles... Juin 2024, l’association Jazz’elles voit le jour. Premières séances fin 2024, avec la danseuse Fannie Lesage. Elles sont une douzaine de femmes à préparer la première chorégraphie qui sera présentée en spectacle au Rheu en avril 2025.
On pleure parfois mais on rit beaucoup
« Nous commençons toujours en cercle, pour repérer les signaux faibles en terme de moral et de do
Le retour des femmes est sans appel : le bien-être que cela leur procure, tout ce qui se joue avant et après l’atelier dans le vestiaire, les retours et les échanges d’expérience des unes et des autres, pouvoir être soi-même, enfin !
Aujourd’hui, Sandra Denis a repris le travail à la mairie du Rheu : elle est désormais chargée de la mission Egalité femme/homme, de la démocratie participative et de la sécurité sous l’angle de la prévention de la délinquance et de la radicalisation.
Nous commençons toujours en cercle, explique Sandra, pour repérer les signaux faibles en termes de moral et de douleur afin d’en tenir compte ensuite pendant la séance. On s’étire, on danse. On s’étire de nouveau et cela finit par de la relaxation. Au début, on a quelques pleurs pendant la météo des émotions parce que ce n’est pas toujours super facile mais cela finit toujours avec le sourire au bout d’une heure et quart. On pleure parfois mais on rit beaucoup. Fannie est très douée pour nous permettre ce lâcher prise, un petit côté clown parfois.
Aujourd’hui, Sandra Denis a repris le travail à la mairie du Rheu : elle est désormais chargée de la mission Egalité femme/homme, de la démocratie participative et de la sécurité sous l’angle de la prévention de la délinquance et de la radicalisation.
Continuer le combat
Une énergie de vie
Elle est sous hormonothérapie, comme la moitié des femmes qui suivent l’atelier. Le traitement (un cachet par jour pendant 5 à 10 ans) limite la récidive mais a des effets secondaires difficiles à vivre : douleurs articulaires, dépression, fatigue chronique...
Sandra Denis ne va pas lâcher. Le combat continue, pour elle, pour et avec les autres. Elle aimerait avoir un peu plus de temps pour chercher les financements qui aideront l’association à porter la parole des femmes sur l’impact de la maladie.
Marie-Anne Divet.
Les femmes estiment que c’est le plus dur à supporter de tout leur parcours à un moment où on leur demande de retourner bosser, de faire comme si de rien n’était. Cela concerne des milliers de femmes dans l’indifférence quasi générale des soignants sans doute parce que le risque vital n'est plus engagé. Imaginez le dilemme : je prends tous les jours un médicament qui est "un calvaire" - c’est le mot d'une oncologue qui elle, s'intéresse à la question - je continue ou j’arrête pour me soulager quitte à prendre le risque de récidiver ?
Sandra Denis ne va pas lâcher. Le combat continue, pour elle, pour et avec les autres. Elle aimerait avoir un peu plus de temps pour chercher les financements qui aideront l’association à porter la parole des femmes sur l’impact de la maladie.
Ce projet m’a portée. J’ai été en arrêt maladie pendant deux ans et demi. J’avais à cœur de me rendre utile et curieusement je ne voulais pas perdre en compétence. Je voulais m’entretenir aussi, la tête surtout, donc si on additionne tout cela, le projet a été beaucoup plus porteur que difficile à mener. Mon énergie prend sa source dans mes racines familiales, dans la force que cela me procure. Mon énergie est une énergie de vie, un combat pour la survie. Cela m’a aidée de retourner cette « mésaventure » en quelque chose de beau.
Marie-Anne Divet.
🎬 Un nouveau projet pour 2026 : un documentaire
Pour 2026, Jazz’elles porte un projet ambitieux. Avec la complicité de Naiades Films qui a suivi ces femmes pendant plusieurs semaines, l’association souhaite montrer la puissance du collectif, de la danse et de la solidarité face au cancer. Ce film de 52 minutes, porteur d’espoir, sera un outil précieux pour sensibiliser le grand public et inspirer d’autres initiatives.
Pour soutenir Jazz'elles
Pour aider l’association Jazz’elles à concrétiser ses projets, dont la réalisation de ce documentaire, il est possible de verser un don en se rendant sur Helloasso
Contact
📧 jazzellesasso@gmail.com
📞 06.22.41.18.90 (Sandra DENIS, présidente).