11/06/2012

Pauline, 25 ans, engagée et libre, à 300 euros par mois


Lors d'un débat sur le conflit supposé entre jeunes et retraités, elle avait témoigné de sa vie à 25 ans avec 300 € par mois. Nous nous sommes revus et elle a accepté de reparler de son budget puis du travail, de la liberté, des élections, de tas de choses. Pauline : une jeunesse précaire mais libre.


L'autre jour devant une assemblée de vieux (disons les choses comme elles sont !) ; aujourd'hui, devant un journaliste : pourquoi accepter de témoigner de sa vie, comme ça, simplement ? « Je n'ai pas réfléchi plus que ça ! », rit-elle. Puis, posément : « J'aime dire ce que je pense, pas en estimant que c'est ça qu'il faut penser, j'attends des réactions : on peut s'apporter les uns les autres. »

Discuter, Pauline Serreau aime ça, visiblement. Elle achève un DUT par alternance dans une maison de quartier rennaise et se destine donc au métier d'animatrice socio-culturelle. Enfin... en principe : ça se discute, en quelque sorte. « Je ne sais pas si ce sera vraiment ce métier-là, ce sera probablement dans ce secteur, je vais certainement me servir de la formation, la réinvestir mais je ne me vois pas rester dans une seule profession, j'imagine plutôt d'en changer au cours de ma vie. »

Libre avec si peu d'argent ?

L'indépendance, au fond, est la seule chose qui ne se discute pas. Depuis un an et demi qu'elle est arrivée à Rennes pour son DUT, la jeune fille amoureuse de sa campagne percheronne (car elle compte bien retrouver un jour la vie rurale), voltige de la maison de quartier à ses nombreuses activités tout en jonglant sans trop d'angoisse avec un budget très riquiqui.

Avec ses indemnités de stage pour tout revenu, Pauline vit en effet avec un peu plus de 300 € par mois : une fois déduit le loyer de sa chambre au Foyer des Jeunes Travailleurs (complété par l'APL), il lui reste en tout et pour tout 170 €. Pour les loisirs, elle choisit surtout  les évènements gratuits, nombreux à Rennes ; pour se déplacer, il y a la carte bus-métro gratuite et surtout le vélo. Mais la nourriture et tout le reste ? Et comment être libre avec si peu d'argent ?

« Pour moi, la liberté est quelque chose de fondamental. On peut considérer que ma liberté est limitée mais je trouve des alternatives, je me débrouille.  » La liberté de Pauline n'est évidemment pas celle de consommer : « La liberté, c'est de pouvoir agir spontanément, il ne faut pas se retrouver enfermé dans des contraintes. »


Pour l'emploi ou l'argent, « je n'ai pas envie de me retrouver enfermée »

Et cela vaut notamment pour le métier futur. « J'ai envie d'éviter de me contraindre à un métier uniquement parce qu'on ne nous offre que cela sur le marché du travail. J'aurais plus tendance à réduire mon niveau de vie. Ce n'est pas la majorité mais j'ai l'impression que de plus en plus de gens ne veulent pas se contraindre à l'état actuel du marché du travail, on a envie d'aller de l'avant. »

Pas envie de sécurité de l'emploi ? « Ah non, non ! (grand rire) « je ne suis pas du tout sur ce créneau-là ! L'engagement à long terme, ça aurait plutôt tendance à me faire peur. Je suis encore jeune, c'est vrai, mais un CDI, pour moi, c'est enfermant. Ça veut dire qu'une fois qu'on est entré, il est plus difficile d'en sortir. On peut toujours rompre le contrat mais je me sens engagé, responsable vis-à-vis de la société. »

« Bon, 
nuance Pauline, si ça trouve, je vais accepter d'ici un an un CDI et le rompre plus tard, je ne sais pas ». Peut-être qu'un jour, à cause des enfants, pour des projets... mais « chaque chose en son temps ». En tout cas, elle adaptera  toujours son niveau de vie, pas question de trainer un crédit comme un boulet. « Je pourrais emprunter mais pas sur du long terme, seulement si je peux rembourser assez rapidement ;  je n'ai surtout pas envie de me retrouver enfermée, ce qui vaut pour l'emploi vaut aussi pour l'argent. »

Droite ou gauche ? « C'est un peu faussé maintenant »

Et pour la politique. Durant cette longue période électorale, comment a-t-elle construit ses choix ? « Auparavant, je suivais pas mal la politique, les débats, ça m'intéressait. Pas cette année. Je regarde seulement les programmes, ce que dit chacun, la manière dont il compte s'y prendre, et j'en discute avec des amis.  »

Ni droite, ni gauche ? « Ça, c'est une vision binaire que je n'aime pas. C'est un peu faussé maintenant. Le PS d'il y a 30 ans, ça correspond aujourd'hui à l'extrême-gauche. Il y a des valeurs de fond qui sont de gauche ou de droite mais dans les faits ce n'est pas forcément représentatif ; en plus, on parle toujours des mêmes alors que les petits partis peuvent avoir des idées et des façons de faire beaucoup plus adaptées. »

On sent bien quand même que Pauline est proche des écologistes. Très proche même. « La croissance pour la croissance, ça n'a pas de sens. Si on produit des choses qui ne servent à rien, juste pour produire, donner du travail, acheter pour acheter, c'est un non-sens complet, sans compter les matières utilisées. »


« On peut être engagé au quotidien sans être encarté nulle part »

Il y a presque une philosophie derrière tout ça. Pauline Serreau n'aime pas cette compétition qui semble tout traverser désormais. « On fonctionne beaucoup sur la compétition au niveau international, national, local, dans les entreprises, l'école, partout, alors qu'on devrait coopérer. » De la même manière, elle n'aime pas « le fonctionnement vertical, pyramidal » des partis et syndicats, « ça ne reflète pas ce qui se dit à la base, il y a un appauvrissement, des intérêts, des réseaux, des lobbies : je préfère un fonctionnement horizontal où chacun apporte des choses. »

 C'est pourquoi, elle est engagée mais non encartée, prête à manifester à condition que ce soit « constructif, pas seulement pour dénoncer ou faire du bruit  » : « On peut être engagé au quotidien sans être encarté nulle part, souligne-t-elle ; engagé dans les questions de consommation, l'attention aux gens, les actes que l'on pose les uns envers les autres ; on peut même être davantage engagé comme ça... » Pauline ne se prétend surtout pas représentative des jeunes de 2012. Et pourtant...

Michel Rouger



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