15/01/2015

« Nos banlieues ne sont pas des réservoirs à coupables »


Le grand danger, aujourd'hui, est l'amalgame et la stigmatisation des musulmans habitant en banlieue, les jeunes surtout. Alors que l'échec des politiques menées depuis des décennies et la discrimination sont au cœur du drame. Deux voix, ici, parmi bien d'autres : un militant et les élus.


Mohamed Mechmache est coprésident de la coordination  Pas sans nous  et porte-parole du collectif AC le Feu, créé en 2005 après la mort des jeunes  Zied et Bouna à Clichy-sous-Bois. Il a participé aux manifestations du 11 janvier et appelé à un rassemblement à Bobigny en Seine-Saint-Denis le lendemain. Dans cette interview à Libération parue lundi 12 janvier, il s’inquiète des conséquences des attentats sur les banlieues. 





                                           « BANLIEUES : LES JOURS D'APRÈS »
 

L'association des maires Ville & Banlieue  a publié  lundi 12  le communiqué suivant qui résume parfaitement en quelques lignes les principaux impératifs, d'une urgence désormais absolue. 

« En 48 heures, 4,5 millions de personnes se sont mobilisées à Paris et partout en France dans des marches citoyennes. Comme eux, nous, élus de banlieue, avons vécu sous tension, l’horreur puis l’espoir de ces cinq longues journées. 

Notre république sait désormais qu’elle est vulnérable. Forte autant que vulnérable. Et qu’elle peut basculer, dangereusement et peut-être irrémédiablement. 

Or nous le disons depuis longtemps : les banlieues, sont en première ligne. Cette tragédie nationale le rappelle avec brutalité
 : elles sont aujourd’hui plus que jamais et plus que tout autre territoire, le révélateur et le théâtre de nos fractures, de nos impuissances, contradictions et faiblesses. Mais aussi de l’avenir possible donné aux promesses de l’humanisme républicain. Les banlieues sont sur le fil, prises entre la révolte et le déni devant cette barbarie, la volonté d’en être et la crainte de trahir, la tentation mortifère de l’identité et la difficulté de s’en sortir. L’intégration et la désintégration. 

Nous, élus de banlieue, savons où sont les enjeux du possible. Qu’il nous faut d’urgence rebrancher l’économie sur l’utilité sociale et environnementale. Développer la participation citoyenne et donner les moyens de faire ensemble. Combattre la misère et le mal-logement, poursuivre la rénovation urbaine bien sûr, surtout intensifier, amplifier la tâche jamais terminée de l’éducation, avec l’Education nationale et avec les familles dont la confiance et la coopération doivent être systématiquement recherchées. Combattre l’obscurantisme et les fanatismes. Faire comprendre et partager le trésor de la laïcité qui protège les croyances autant qu’elle préserve de leurs débordements. Enseigner à l’école de la République les religions et les cultures de tous. Punir sans complaisance ni culpabilité, et d’où qu’ils viennent, le sexisme, les préjugés racistes et les discriminations. Apprendre ensemble la légalité, rappeler chacun à ses devoirs, à l’impératif de civilité et de civisme. Apporter des moyens à la santé mentale et combattre les toxicomanies. Refuser la banalisation des violences autant que la prolifération des armes. Garantir la présence des services publics en soutenant leurs agents de terrain (médiateurs, travailleurs sociaux, enseignants, policiers, gardiens d’immeubles, professionnels de santé, ...) Travailler partout avec les associations locales à la culture, à la tolérance et au désenclavement des esprits. Redonner confiance et place à tous, en offrant aux énergies disponibles les débouchés qu’elles méritent. 

Réintroduire l’éducation populaire qui permet l’émancipation des individus. 

Pour que les enfants et les jeunes de banlieue puissent être aux avant-postes de la génération Charlie, nous élus des villes de banlieue, demandons à participer officiellement et de plein droit, aux discussions et aux politiques nouvelles qui doivent s’élaborer, sinon dans l’unanimisme imposé, dans le plus large consensus démocratique possible. »


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