03/01/2011

Les sans abri affluent au 115


L'hiver est à peine commencé et, déjà, les demandes d'hébergement d'urgence saturent les lignes. Ainsi, à Rennes, le 115 d'Ille-et-Vilaine ne peut répondre à tous les appels.


17 102 appels en 2007, 21 273 en 2008, 27 196 en 2009 : le 115, numéro d'appel pour l'hébergement d'urgence s'apprête à battre un nouveau record en Ille-et-Vilaine Démarrant très tôt, l'hiver 2010 promet une activité soutenue. À Rennes, le standard de veille sociale est géré par une association catholique bien repérée dans le milieu des sans-abri. Fondé en 1936, le Foyer Saint Benoît Labre s'est tourné dès le départ vers l'accueil des hommes majeurs «sans distinction de nationalité, de race, d'opinion, de religion.» 
 
 Au fil du temps, le foyer a étendu le champ de ses services et emploie plus d'une trentaine de salariés, travailleurs sociaux pour la plupart. Aujourd'hui, l'association tire tous ses revenus de l'Etat, avec lequel une convention a été passée. Face aux besoins, le conseil d'administration a fait le choix de s'orienter vers un accueil multi public. De plus en plus de demandes émanent de familles et de femmes seules avec enfants. 

Chaque nuit, 150 sans abri

«Chaque nuit, il y a au moins 60 personnes pour lesquelles il n'y a pas de réponse», reconnaît Daniel Ravier, directeur du Foyer. Si on ajoute les personnes qui n'appellent plus face à la saturation des lignes, celles qui vivent dans les squats avec des chiens, on arrive à 150 personnes sans hébergement.» Chaque année, la pression se fait plus forte. Pour la première fois, au coeur de l'hiver 2009, le standard a vu arriver par télécopie des certificats de médecins au bénéfice de personnes dont la santé serait mise en péril faute d'hébergement. 
 
 Sans les partenaires associatifs, l'État serait bien incapable de prende en charge sur le terrain la précarité. Au fil des hivers, le dispositif tente de gagner de nouveaux lits. A Rennes, l'association Saint-Benoît Labre a réussi à faire aménager dans les temps un nouveau bâtiment d'accueil d'urgence, autrefois propriété de la Caisse d'allocations familales. 

Complet dès l'ouverture

Après un chantier de trois mois, mené tambour battant y compris le samedi, le foyer a accueilli ses premiers pensionnaires le lendemain même de l'inauguration en décembre. Doté de vingt places, il a affiché complet dès l'ouverture. Au printemps prochain, des travaux d'extension porteront la capacité de l'ensemble à trente-neuf places.
 
 Pour l'heure, le foyer de nuit de la rue Monsieur Vincent n'accueille que des hommes seuls. Entourés par deux travailleurs sociaux, ils doivent prendre leur petit déjeuner avant 9h, l'heure de départ obligatoire. C'est Jean-Philippe, l'un des salariés, qui prépare les plateaux. «Les locaux et le matériel sont tout neufs. Il y a de bonnes conditions de travail et d'accueil. Il y a un sacré changement par rapport au Foyer Sainte-Foix, un hâvre de paix mais situé en rase campagne.»

Faute d'abri, une couverture

Jeunes sdf et sans papiers d'origine africaine se côtoient dans le foyer, sans compter les demandeurs d'asile venus d'Europe de l'Est ou d'Asie. Chacun a son histoire. La plupart ont déjà passé plusieurs nuits dehors. Tel Abakar, 43 ans, qui a laissé sa famille au Tchad. «J'ai débarqué à Marseille en novembre 2009, après avoir traversé le désert. J'étais dans l'opposition au pouvoir en place et je craignais pour ma vie. 
 
A Paris, poursuit-il, des amis m'ont conseillé de venir à Rennes, mais je ne connais personne. J'ai déjà appelé le 115 plusieurs fois. On m'a envoyé sur la côte à Saint-Malo, on paie le ticket en bus, mais je n'aime pas, il y a des problèmes d'alcool. J'ai déposé une demande d'asile. Comme la première a été refusée, je tente un recours. Aujourd'hui, je vais voir un avocat. J'irai aussi à la Croix-Rouge pour demander une couverture. C'est nécessaire si je ne trouve pas d'abri pour la nuit prochaine.»  
 
Les deux salariés ne se contentent pas de servir le café. Ils sont là pour écouter les personnes et les orienter, en lien avec d'autres partenaires d'accueil. Parfois, il y a des problèmes médicaux et d'alcool à prendre en compte. «La violence existe mais elle est rare. La difficulté, c'est la barrière de la langue», souligne Jean-Philippe.  
 
 Alain THOMAS.


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