06/04/2024

L'effet boomerang des pesticides interdits



Larissa Mies Bombardi chercheuse, spécialiste des pesticides, vit en Europe où elle a dû s'exiler. Elle participait à Rennes à un débat à la Maison de la consommation et de l'environnement, le 3 avril 2024, invitée par le Collectif Brésil et l'association Amar. Le lendemain, elle intervenait à Plouer-sur-Rance.
Des pesticides interdits en Europe y sont fabriqués par des firmes chimiques (Bayer, Syngenta, Basf...). Ils traversent ensuite l'Atlantique, vers le Brésil, en particulier, où ils sont autorisés. Ces agrotoxiques (1) pulvérisés sur le soja, le maïs... sont ingérés par les porcs, les volailles consommés sur place et exportés en Europe. Ainsi la population brésilienne  est contaminée et notamment les travailleurs agricoles.

Au Brésil, on estime à 2 millions le nombre de malades à cause des pesticides dont 18% d'enfants de 0 à 19 ans (puberté précoce, par exemple). « Les populations autochtones, proportionnellement, souffrent le plus des produits chimiques agricoles au Brésil » : c'est une arme pour les chasser de leurs territoires.

Ces produits sont aussi utilisés sur la canne à sucre, le café... Les consommateurs européens mangent donc des aliments importés contenant des résidus de pesticides interdits. Un espoir : en février 2024, dans une proposition de résolution, soixante quinze députés demandent au gouvernement français  "d'engager un processus visant à l’interdiction de l’exportation vers les pays tiers de substances interdites au sein de l’Union européenne".
 
Les productions augmentent, la famine aussi
 
Larissa Bombardi décrit ce cycle infernal dans un livre très facile à lire et indispensable « Pesticides un colonialisme chimique » (2). Elle explique aussi une grande contradiction de l'agro-industrie : les surfaces cultivées augmentent dans le monde et au Brésil (à cause de la déforestation). Les productions augmentent, mais la famine est de plus en plus importante : cette agriculture industrielle produit des monocultures mais pas de nourriture pour les populations locales. «La famine a plus que doublé au Brésil entre 2013 et 2020 ». Larissa Bombardi ajoute : « Sans féminisme, il n'y a pas d'agroécologie » : au Brésil la lutte pour la préservation de l'agrobiodiversité compte de nombreuses femmes en première ligne. Elle cite La Marche des Margaridas (3), l'une des expression de cette organisation des femmes.

Jean-François Bourblanc

(1) Le terme agrotoxiques est utilisé au Brésil pour désigner les produits appelés en France phytosanitaires : c'est plus gentil, mais pas moins dangereux !

(2) Éditions Anacaona. 10 €

(3) La Marche des Margaridas rassemble plusieurs organisations et mouvements sociaux au Brésil. Margarida Alves, agricultrice de l’État du Paraiba, leader syndicale a été assassinée en 1983 : les commanditaires restent toujours impunis.


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