28/11/2012

Il combat le monstre de Brocéliande


En bordure de la forêt mythique de Brocéliande, à Gaël, en Bretagne, gisent 300 000 tonnes de déchets déversés depuis 30 ans par 65 communes des alentours. Un projet vise à doubler cette poubelle géante. Depuis huit ans, des habitants guerroient et proposent d'autres réponses à ce défi de notre temps. Jean Guillouët est en première ligne.



Le monstre double de volume


Six ans de combat et des victoires... fragiles


« Poubel'land »


« Nous expliquons, petit à petit ça fait son chemin »

Car la première réponse est là : « Inciter à produire moins de déchets. » Couplée à une seconde : « Traiter le plus localement possible pour responsabiliser les citoyens : c'est trop facile de déposer ses déchets dans le champ du voisin. » Et Jean Guillouët de citer les exemples de Saint-Philbert-de-Bouaine, en Vendée, où l'on collecte le fermentescible pour faire un compost de grande qualité, et des communes du syndicat des Landes de Lanvaux, en Loire-Atlantique, qui ont étudié et proposé chacune des terrains et créé plusieurs décharges, acceptant à tour de rôle leur part de déchets !

« Nous expliquons, petit à petit ça fait son chemin ; les mentalités, j'en suis persuadé, changent », estime Jean Guillouët. Même au sein du SMICTOM qui s'est intéressé à la mise en place de la "levée" (moins on sort la poubelle, moins on paye). Mais le temps de la conviction est plus lent que celui de l'industrie et des lobbies.

La France, « l'élève le plus mauvais d'Europe »

La filière du déchets apporte des emplois aux familles du coin, ceux notamment du collecteur Théhault, de Saint-Méen-Le-Grand. Elle est surtout très puissante. « Maintenant que l'Europe a mis un moratoire sur les usines d'incinération, les usines TMB (comme celle en projet à Gaël) poussent comme des champigons, accuse Jean Guillouët, alors que le "compost gris" qui en sort est très décrié à cause des métaux lourds qui demeurent ; sans parler e l'absence de débouché, et pour cause... »

Pas étonnant, donc, que la France soit « l'élève le plus mauvais d' Europe » pour la réduction des déchets : l'objectif en Ille-et-Vilaine est de baisser de 10% d'ici 2020, bien loin de l'exemple mondial, la Nouvelle-Zélande qui prévoit d'atteindre alors... zéro déchets. « Il faut lutter contre le suremballage, arrêter le tout jetable, pénaliser la grande distribution, remettre le vrac au goût du jour, on doit tous être acteurs », lance Jean Guillouët avec une rage contenue.

« Poubel'land » contre Arboretum

Il n'a pas toujours dit ça. Autrefois, avoue-t-il, « J'étais à fond dans la société de consommation, mes expériences m'ont amené à avoir un autre regard, c'est un chemin de vie. »  Un chemin qui l'amène à participer à bien d'autres choses.

La question des déchets, pour l'élu Jean Guillouët, s'inscrit dans une action d'ensemble, très politique mais sans carte de parti. Il participe à une Cigale, au groupe local NEF et au CPIE, le Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement de Brocéliande ; il a encadré des jeunes,  l'été dernier, pour réhabiliter un sentier ; il s'active pour le marché tournant mis en place avec Mauron et Concoret dans le cadre d'un plan commun de développement. 

Et il s'est engagé à fond dans le dossier de l'Arboretum du Point-Clos, un lieu d'histoire et de mémoire envahi aujourd'hui par la végétation. Comme pour tous les jeunes de Gaël, il a été pour Jean Guillouët un terrain d'aventures et de découvertes. Demain, valorisé, il peut devenir un pôle d'attraction important pour Gaël. Mais le monstre est là, en face, de l'autre côté de la route...  

Michel Rouger
POUR ALLER PLUS LOIN

L'étonnant Arboretum du général allemand

Comment faire cohabiter un véritable complexe de traitement de déchets et un parc forestier où le public de la région et d'ailleurs pourrait s'aventurer dans les étranges chemins créés ici par l'Histoire ? Les élus de Gaël et des communes voisines veulent absolument le valoriser et cela constitue l'une des multiples raisons de leur opposition au centre géant situé aussi au Point-Clos, de l'autre côté de la route.

L'histoire du lieu, illustrée par le Mémorial que l'on découvre à l'entrée, est étonnante. Terrain d'aviation avant la Seconde Guerre Mondiale, il a été utilisé par l'armée allemande durant le conflit. Quelque 3 000 personnes y travaillaient. Les ruines des multiples équipements, dont un casino, sont enfouies dans la végétation. Émergent aussi des arbres rares. Le général commandant le camp, Alfred Hienz, avait créé un véritable arboretum, faisant venir des essences par avion. On peut découvrir cette histoire ici


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