10/02/2011

Christophe a sauvé son taureau de l'arène


Militant anti-corrida, Christophe Thomas a réalisé un rêve un peu fou : sauver un taureau de la mise à mort dans une arène. Aujourd'hui, l'animal coule des jours paisibles dans la campagne bretonne. À l'abri des regards.


Un bonheur réciproque
Un taureau de corrida gambadant dans un pré, ça pourrait faire du bruit dans le voisinage, et même causer de l'inquiétude. Alors, Christophe Thomas préfère rester discret. Il évite même de donner une adresse précise. On saura seulement que Fadjen, son taurillon d'un an, grandit sous le crachin breton à une trentaine de kilomètres de Rennes, dans une enclos d'un peu plus de 2 ha qu'il partage avec deux biquettes et un cheval. 
 
Fadjen? «C'est le nom du taureau d'Albert Ingalls dans "La petite maison dans la prairie"», explique Christophe, qui connaît ses classiques. Discret mais pas clandestin. L'animal à robe noire est habitué à recevoir des visites, de militants de la cause des animaux, mais aussi  de journalistes. Christophe a lui-même créé un  site. Il y a quelques semaines, les caméras de "25 millions d'amis" ont provoqué un brin d'animation dans le pré, troublant la tranquillité de ses occupants.

Gamin, il voit une corrida exposée au mur

Taureau espagnol adulte
« Je veux prouver que mon taureau n'est pas un animal sauvage», dit Christophe. Une véritable complicité s'est établie entre l'homme et la bête. Depuis qu'il a été élevé au biberon, Fadjen reconnaît son maître. «Quand il me voit arriver, il se met sur le côté pour que je le carresse. Et quand j'arrive du travail, il entend le bruit du moteur. Alors, il se met à beugler. Un beuglement de plus en plus fort. » 
Sur une vidéo, on peut presque imaginer d'ailleurs ce que ces deux-là se murmurent.
 
Encore jeune, l'animal saura-t-il se montrer toujours aussi affectueux? Christophe en est convaincu. A l'entendre, Fadjen ne deviendra jamais agressif. C'est à l'âge de 4-5 ans que les taureaux de corridas sont envoyés dans l'arène pour un spectacle de mise à mort dont raffolent les aficionados mais que beaucoup d'autres qualifient de barbare. Christophe estime que son combat va dans le sens de l'histoire. «En Espagne, deux provinces ont interdit la corrida, les Canaries puis la Catalogne. D'autres suivront.»

Comment un chauffeur routier de 36 ans peut-il s'impliquer à ce point dans la protection d'une race aussi éloignée de sa région? Le premier déclic, Christophe s'en souvient très bien. «J'étais gamin ; dans un café,  j'avais demandé à mon père ce que signifiait un tapis mural qui représentait une corrida. La scène m'avait beaucoup marqué. Elle n'a jamais disparu.» 
 
Enfoui dans sa mémoire, l'animal s'est mis un jour à débouler. Christophe s'est mis en tête d'acheter un taureau. Le Breton n'a essuyé que des refus mais il s'est entêté :  «Je m'étais promis d'en ramener un chez moi pour soulager ma conscience.»  

Éconduit dans le milieu de l'élevage, Christophe s'est adressé à plusieurs association anti-corrida. «J'ai fait connaissance avec d'autres militants. Il y a beaucoup de  Français, des Belges, des Suisses.»  Il a appris que le taureau de corrida, de son vrai nom "toro bravo", était issu de trois-cents élevages qui ont multiplié les sous-espèces à force de croisements. «J'ai cherché en Espagne et au Portugal. Un moment j'ai failli lâcher l'affaire. C'était trop galère.» Jusqu'au jour où Christophe confie son histoire à un collègue routier. «Il m'a trouvé un éleveur. Mon taureau, je l'ai eu à cinq semaines. C'était compliqué au début. Il n'était pas sevré. Après son voyage en camion, il a mis deux jours avant de boire.»

Devenu éleveur du jour au lendemain, Christophe a dû affronter une autre course d'obstacles. Il faut imaginer la tête des vétérinaires et des autorités sanitaires quand il leur a été demandé de passer la boucle à l'oreille de Fadjen. Mais oui, docteur, c'est un "toro bravo". Vous connaissez? 

Alain THOMAS. 


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