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04/09/2012

La foi en Cuba de Juan, le poète philosophe de Trinidad


Dans l'une des ruelles colorées de Trinidad a surgi ce matin-là, comme souvent à Cuba, une inoubliable rencontre. Juan Lazaro, philosophe et poète. Il nous a invités chez lui, avec son ami Pável le chanteur, et deux heures durant nous a parlé des difficultés du quotidien, de Fidel... D'humanité, surtout, à la cubaine.


La foi en Cuba de Juan, le poète philosophe de Trinidad
« Les Encyclopédistes, D'Alembert, Voltaire Rousseau !... Nous sommes imprégnés de la culture française, de la Révolution française », a-t-il lancé, d'entrée, assis entre ses livres sous les hauts plafonds de la petite maison coloniale. Une politesse ? Plus que cela. Par-dessus le rire et le jeu des enfants parvenant de la rue, Juan Lazaro, fervent disciple d'Emmanuel Mounier, s'est mis aussi à parler, dans un français incertain mais enthousiaste, du Personnalisme.
 
La personne humaine, c'est le grand sujet du poète et philosophe Juan Lazaro, 58 ans, président, à Trinidad, de l'association culturelle José Marti, le grand héros national. Cette personne, comment se porte-t-elle, aujourd'hui, à Cuba ? Elle a surtout un problème. « Notre vie, vraiment, c'est la vie des gens pauvres », lâche Juan. Il gagne, comme tous les Cubains, quelque 15 CUC (environ 12 €) par mois au centre culturel. Il complète par quelques cours privés. Juste de quoi se nourrir. Son seul luxe : acheter parfois un livre.

« Avec le marché mais aussi la solidarité »

« J'aurais un plaisir extraordinaire, confie-t-il, à vous inviter à manger, chez moi , je ne peux pas. » Alors, oui, « il faut changer la base économique », « prendre ce qu'il y a de bon dans le capitalisme » mais « lentement, avec intelligence, en gardant les conquêtes de la culture, de l'éducation, de la santé publique. » Et foi d'un enfant de la Révolution, les Cubains vont y parvenir : « Je crois qu'on va construire une société meilleure sur la base de la pensée cubaine : avec le marché mais avec aussi la solidarité. Culturellement, notre peuple est un peuple solidaire.»  

De temps à autre, Pável prend sa guitare, offre une de ses chansons et le cœur de Juan se régale : «  La musique, la culture sont les clés pour ouvrir la porte du Royaume de Dieu, s'enthousiasme-t-il,  l'argent n'est pas la chose la plus importante du monde ! Si on a l'âme vide on est rien, si on a l'âme et la tête pleines, on est tout ! »
 
 

La foi en Cuba de Juan, le poète philosophe de Trinidad

« La vraie question c'est : "que voulez-vous faire de votre liberté ?" »

Et la liberté, Juan ? Toi, le fils de l'avocat philosophe qui t'a « introduit à 12-13 ans à la pensée philosophique », toi pour qui « lire et penser c'est comme respirer et manger » ?

Réponse de philosophe : « Qu'est-ce que la liberté ? On dit "À Cuba, il n'y a pas de liberté", il y a des limitations, c'est vrai, le nier serait imbécile ; si on parle de la liberté de voyager, de consommer, nous avons des problèmes, mais si la liberté c'est aussi d'avoir un service de santé publique, l'éducation, la paix... La vraie question c'est : "que voulez-vous faire de votre liberté ?" »

« Il y a 6-7 ans, poursuit Juan, il aurait été impossible de vous inviter ici, tout de suite la police serait arrivée, les choses changent. C'est encore un peu difficile à la télévision, la radio, la presse mais dans les universités, les écoles,on discute beaucoup ! La seule voie n'est pas que tout le monde puisse penser ce qu'il veut, je dis toujours : "Il n'y a pas une vérité pour toi, une vérité pour moi, on doit chercher la vérité ensemble" ; Cuba, c'est la maison commune, tout le monde doit en discuter car c'est l'avenir de tout le monde. »
 
 

La vie à Trinidad, par Juan, bientôt sur Histoires Ordinaires
La vie à Trinidad, par Juan, bientôt sur Histoires Ordinaires

Fidel Castro « nous a donné la dignité »

Et Fidel, Juan ? À la fin d'une nouvelle chanson de Pável dédiée au « Comandante », Juan explique : « Je sais que généralement, en Europe, les gens ne comprennent pas bien Fidel Castro. Beaucoup pensent que c'est un dictateur. En fait, comme pour tous les grands leaders de l'Histoire, il y a des éléments négatifs et positifs. Il a fait par exemple des erreurs économiques mais il y a une chose que personne au monde ne peut nier : il a donné une personnalité à Cuba. Il nous a donné la dignité, il a mis Cuba au centre du monde. »

Tout cela, de Fidel à son quotidien de Trinidad, Juan le transforme en poèmes, entre deux odes à l'amour, à sa terre, à son île. « La poésie, c'est un morceau de cœur, elle arrive comme un coup de foudre ; on ne peut pas lui dire non ; quand elle frappe à la porte, il faut ouvrir. Écrire. J'ai toujours un cahier et un stylo avec moi. »

Au début de l'automne, les lecteurs d'Histoires Ordinaires vont pouvoir découvrir les écrits de Juan Lazaro. Ce ne seront pas des poèmes mais des histoires sur la vie à Trinidad, à Cuba, aujourd'hui. Des fenêtres ouvertes sur une vérité à redécouvrir, un avenir à réenchanter, ensemble, loin des lieux communs.

Marie-Anne Divet et Michel Rouger
 
 





1.Posté par Dussaud Eric le 07/09/2012 12:38
Quel plaisir de lire ces témoignages, loin des clichés habituels.
Nous avons beaucoup à apprendre des cubains à propos de notre mode de vie.
C'est très vrai que les cubains sont solidaires culturellement.
Ils n'ont rien, mais partagent tout...
Nous avons tout et nous en voulons toujours plus....

Merci et impatient de lire la suite....

2.Posté par monte escalier le 07/09/2012 23:37
C'est magnifique de voir autant d'attachement à son pays et à son dirigeant. Le seul hic c'est que ça ne permet pas de vivre, le salaire d'un philosophe et d'un poète au Cuba.

3.Posté par THIERRY le 09/09/2013 23:02
Ma compagne et moi même avons eu la chance de rencontrer Juan à Trinidad tout à fait par hasard.C'est un homme modeste et génial comme on en rencontre très peu de nos jours. Juan Lazaro est un type exceptionnel, dont la richesse est constituée de quelques livres mais surtout de son sourire, sa gentillesse, sa sensibilité et son humanisme. Cet homme vit à Cuba dans la ville de Trinidad. Nous entendant bavarder en français, il s’est adressé à nous dans un français très correct pour nous souhaiter la bienvenue et nous demander d’où l’on venait.
La discussion a rapidement tourné sur nos sentiments éprouvés à l’égard des Cubains (très favorables). Il nous alors expliqué qu’il écrivait régulièrement des « histoires ordinaires » sur les habitants de Trinidad et qu’il aimerait bien nous faire partager ses récits. Il nous a donc invités à venir chez lui dans son petit logement et nous avons discuté jusque très tard dans la nuit sur de très nombreux sujets dont les poètes ou
philosophes français, et même la marseillaise (il la connait par cœur !). Mais nous avons surtout parlé de Cuba et
des Cubains, de la politique et des nombreux paradoxes relevés dans ce magnifique pays.
Cette rencontre nous a tellement enchantés que nous nous sommes redonnés rendez-vous le lendemain soir cette fois pour rencontrer un de ses amis musiciens Pavel Esquerra et écouter Juan lire quelques-uns de ses poèmes. Nous avons vécu une nouvelle nuit absolument magique,
Juan nous faisait les traductions de ses poèmes et expliquait brièvement le thème des chansons de Pavel. Malgré le problème de la langue, ces
deux hommes nous ont fait partager de très belles émotions, un grand moment de fraternité comme si nous nous
connaissions depuis de très longues années.
Si vous projetez de faire un voyage, n'oubliez pas de passer par Trinidad et de rencontrer Juan Lazaro (rue media luna), il sera enchanté de vous rencontrer et peut être aurez vous aussi la chance d'écouter Pavel Esquerra un magnifique chanteur et musicien... A eux deux, ces hommes valent le déplacement à Cuba !
Bon voyage

4.Posté par Jacky le 16/03/2015 12:39
Bonjour,

Je reviens de Cuba et comme je logeais à média luna, j'ai rencontré Juan avec qui j'ai discuté à plusieurs reprises.
Le seul problème c'est que au bout de 10 mn, lors de notre 1ère rencontre Juan a cherché à me vendre son livre, ce que j'ai fait sans hésitation. Le soir il nous réinvité pour le café mais en fait , pas de café, seulement Pavel et un concert très agréable dont le but était quand même de nous vendre tous les CD de Pavel pour 15 euros ....
Vraiment l'impression, très désagréable, que les touristes ne sont vus que comme un porte monnaie. Les rencontres sont intéressées !!!! Ca pourrait se comprendre mais seulement un petit café, qu'il aurait bien pu m'offrir, aurait peut être changé l'image qui me reste et me dire qu'il s'agissait de rencontres amicales et non commerciales .... Je voyage depuis 40 ans, dans des pays hélas aussi pauvres que Cuba, mais jamais je n'avais ressenti cette impression. Nous avons quand même rencontré une cubaine dans une casa, intelligente, disponible, qui a pris énormément de temps pour parler et avec qui nous avons échangé quelques cadeaux - elle, elle ne s'intéressait pas qu'aux dineros mais à notre rencontre.

Note de la Rédaction d'Histoires Ordinaires : nous avons fait part à Juan Lazara Besada de ce problème qui nous semble nouveau et qui, connaissant la personnalité de Juan, ne devrait pas se renouveler.

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