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10/12/2012

À Cuba, une vie « entre les métaux »

Par Juan, depuis Trinidad



« Entre hierros », en français « entre les fers » ou si l'on veut « entre les métaux », telle est la nouvelle histoire, celle du vieux José et de son fils Miguel,  que nous raconte Juan, notre ami de Cuba, depuis Trinidad. Cette fois, elle n'est pas sur son blog Hola desde Cuba, associé à histoiresordinaires.fr. Nous la lui volons ! Les héros anonymes décrits par Juan, avec la sensiblité du poète et le recul du philosophe, ont toute leur place ici.

Sur son blog, ces dernières semaines, il nous a parlé de Mongui, qui parcourt Trinidad avec son plateau de friandises, des préposés au stationnement, de la vie quotidienne dans sa rue joliment appelée Demi-Lune. Au rythme d'une nouvelle histoire tous les quinze jours, attendez-vous à découvrir sur le blog beaucoup d'autres personnages qui, ainsi, nous permettent de partager de l'intérieur la vie de Cuba aujourd'hui.


                                                                ENTRE LES MÉTAUX

À Cuba, une vie  « entre les métaux »
- Comment ça va ce matin?
 
- Bien, merci, et toi ?
 
- Moi, non. Je ne te mens pas. Ce matin, quand je me suis réveillé, j’étais couché. 
 
Une explosion de rire spontané emplit l'atmosphère. C’est ainsi que j'entamai un dialogue avec le vieux José, mon voisin. Un mulâtre doté d’une contagieuse sympathie, affable et serviable.
 
À 76 ans, opéré d’un œil à cause de problèmes de vue, il travaille encore comme plombier. De taille moyenne, mince mais musclé, il porte toujours une casquette qui couvre ses cheveux gris et sa calvitie naissante. Toute son existence a été liée aux métaux.
 
Durant quatre décennies, il a travaillé pour l’État, d’abord comme garagiste puis comme plombier. À sa retraite, après quarante années de labeur dont vingt-neuf seulement lui ont été reconnues, on a, grâce à Fidel, selon ses propres mots, porté sa pension à 200 pesos, une somme dérisoire pour faire face aux coûts de la vie.

À Cuba, une vie  « entre les métaux »
Une sorte d'homme à tout faire

Sa maison, qu'il a construite lui-même dans les années cinquante du siècle dernier et qui, derrière son ample portail, cache un petit jardin, est un véritable atelier. Il est possible d'y trouver les outils et les pièces les plus variés. C’est à José que s’adressent les voisins pour trouver une vis, aiguiser un couteau ou une paire de ciseaux, faire un joint sur une conduite et tout autre petit travail du même genre.
 
Il vit en compagnie d’un de ses fils, nommé Miguel, qui est opérateur sur les filtres d’eau de l’aqueduc. Miguel est un Jabao, un mulâtre blanc au physique d’athlète. Encore jeune, car il ne dépasse pas les quarante ans, il a une biographie étonnante aux facettes multiples.

Il a commandé des vedettes de la Marine de Guerre Révolutionnaire ; plus tard, il a appartenu aux Troupes des Gardes-Frontières ; une fois démobilisé, il est passé sur un autre registre en travaillant en indépendant, sur les filtres d’eau, aux côtés de son père. C’est José qui lui a appris tous les secrets de la plomberie. Miguel est en outre électricien, maçon, soudeur. Bref, une sorte d’homme à tout faire.
 
Un « atelier-maison » traversé par la pluie 

Leur maison est grande et occupe le coin de la rue, l'état intérieur laissant cependant à désirer. Ils n’ont pas pu la faire réparer à cause du manque de ressources. Ils ont demandé des aides mais on leur a dit que ce n’était pas possible, le bâtiment n’ayant pas d'intérêt architectural.
 
Quand il pleut, en raison de l'état de la toiture, l’intérieur de la maison est davantage mouillé que si elle se trouvait directement sous la pluie.
 
Père et fils travaillent quotidiennement dans leur « atelier-maison ». Ils font diverses réparations, toutes liées au métal plus d'autres tâches de plomberie comme le montage de cuvettes de sanitaires, réservoirs d'eau, robinets, tuyaux et autres.

À Cuba, une vie  « entre les métaux »
Aux lèvres, un sourire malicieux 

Quotidiennement je les vois se débattre pour trouver des solutions à des problèmes qui, pour d'autres, seraient insolubles. Ils le font non seulement pour le plaisir de travailler, mais aussi pour augmenter leurs revenus et être davantage à l'abri du besoin.
 
José a toujours aux lèvres un sourire à la fois malicieux et joyeux. Il est prêt à aider dans toute la mesure de son possible ; il partage aussi bien une tasse de café ou un peu de sucre, qu'un écrou ou un morceau de tuyau avec tous ceux qui ont besoin de son aide. Sur ce point, il est imité par son fils Miguel. Tous les deux expriment la solidarité sans battage des petites gens . Combien de fois ont-ils résolu des petits problèmes dans ma maison avec joie et promptitude...
 
 C'est une image courante de les voir sur leur vélo, ce moyen de transport si utilisé à Cuba, ou alors à pied, chargés des outils indispensables pour gagner leur vie. Ce sont des héros méconnus qui luttent bec et ongles sans jamais renier leur existence.
 
Et un compliment aux belles

Avec leurs vêtements de travail dégageant une odeur de rouille et de graisse, leurs mains forgées par le labeur et le cœur fier de ce qu’ils sont, ils font face au défi quotidien de la vie. Leurs propres mots les révèlent dans cette dimension admirable qu’est la simplicité. Jamais ils n'ont su être autre chose que des travailleurs. Les outils et les métaux ont toujours été leur monde.
 
Parfois ils prennent quelques bières ou quelques rhums, c'est une détente à laquelle ils ne sont pas prêts de renoncer. Elle fait partie de cet être cubain dont ils sont fiers. Ils ne manquent pas non plus l’occasion de dire un compliment aux belles femmes qui passent dans la rue.

Ils ne se lassent pas de répéter:  « Avec celui qui était, j'ai dû travailler ; avec celui qui est, je dois travailler et avec celui qui viendra, je devrai travailler. »
 
Ainsi vont ces cubains qui vivent, vibrent, rêvent et traversent la vie entre les métaux.

Traduction : Rocio Guerrero
(Les intertitres sont de la rédaction)

Texte original

                                                                ENTRE HIERROS

-¿Cómo amaneciste?

-Bien, gracias, ¿y tú?

-Yo, no. Porque no digo mentiras. Yo amanecí acostado.

El estallido de una risa espontánea llenó el ambiente. Así comenzó un diálogo con el viejo José, mi vecino. Un mulato dotado de simpatía contagiosa, afable y servicial. A sus 76 años, operado de un ojo por problemas con la visión, aún trabaja como plomero. De estatura mediana, delgado pero nervudo, siempre tocado con una gorra que cubre su canosa cabellera e incipiente calvicie, toda su existencia ha estado vinculada a los hierros.

Durante cuatro décadas trabajó para el Estado, primero como mecánico automotriz y luego como plomero. Al jubilarse, tras cuarenta años de trabajo, de los cuales solo le reconocieron veintinueve, gracias a Fidel, según sus propias palabras, le aumentaron la pensión a 200 pesos, cifra irrisoria para afrontar los costos de la vida.

Su casa, construida por él mismo en la década de los cincuenta del pasado siglo, en cuyo amplio portal hay un pequeño jardín, es un verdadero taller. Allí es posible encontrar las más variadas herramientas y piezas. A él acuden los vecinos para encontrar un tornillo, afilar un cuchillo o unas tijeras, hacer una rosca en una tubería o cualquier otro detalle similar.

Vive acompañado de uno de sus hijos, llamado Miguel, quien es operador de filtros de agua en el acueducto. Miguel es un jabao o mulato blanconazo de complexión atlética. Joven aún, pues no rebasa los cuarenta años, tiene una biografía asombrosa y multifacética.

Fue comandante de lanchas rápidas de la Marina de Guerra Revolucionaria, posteriormente perteneció a las Tropas Guardafronteras y, tras desmovilizarse del ejército, pasó a trabajar tanto en los filtros como junto a su padre de forma privada. Fue José quien le enseñó los secretos de la plomería. Además, Miguel es electricista, albañil, soldador. Digamos, una especie de arreglalotodo1 .

Su vivienda es grande y ocupa la esquina de la calle, aunque el estado interior sea malo. Y no han podido repararla por falta de recursos. Les dijeron que no podían hacerlo por carecer el inmueble de interés arquitectónico. Y cuando llueve, debido al estado de los techos, se moja más que debajo del aguacero.

Padre e hijo trabajan diariamente en su hogar-taller. Hacen diversas reparaciones, todas vinculadas con los hierros, a más de otras labores de plomería como el montaje de tazas de servicios sanitarios, tanques de agua, tuberías, grifos de agua, tuberías y otros.

A diario les observo afanados en dar solución a problemas que para otros serían insolubles. Y lo hacen no solamente por el placer de trabajar, sino para incrementar sus ingresos económicos y tener así una existencia más a cubierto de las necesidades.

José siempre tiene en los labios una sonrisa entre pícara y gozosa. Está dispuesto a ayudar en cuanto pueda y comparte, desde una taza de café o un poco de azúcar, hasta una tuerca o un pedazo de tubería con todo aquel que precise su ayuda. Y en eso le imita su hijo Miguel. Ambos expresan esa solidaridad sin propagandas de los humildes. Cuántas veces han solucionado en mi casa pequeños problemas con alegría y prontitud.

Es una imagen común verlos sobre sus bicicletas, ese tan socorrido medio de transporte en Cuba, o a pie, salir cargados con las herramientas a ganarse la vida. Son héroes anónimos, que luchan a brazo partido y jamás reniegan de su existencia.

Con sus ropas de trabajo exhalando olor a óxido y grasa, las manos templadas por el trabajo y el corazón orgulloso de ser quienes son, enfrentan el reto diario de vivir. Sus propias palabras les revelan en esa admirable dimensión de la sencillez. Nunca han sabido ser más que trabajadores. Las herramientas y los hierros son su mundo.

En ocasiones suelen tomarse algunas cervezas o rones, pues es una diversión a la cual no renuncian. Es parte de ese ser cubano del cual se enorgullecen. Y no pierden la ocasión de decir algún piropo a las bellas mujeres que cruzan por la calle.
Como ellos mismos no se cansan de repetir: “Con el que estuvo, tuve que trabajar; con el que está, tengo que trabajar y con el que venga, tendré que trabajar”.

Así son estos cubanos que viven, vibran, sueñan y pasan por la vida entre hierros.


1 Arreglalotodo: se dice en Cuba a las personas que tiene n varios oficios y pueden solucionar numerosos desperfectos en las viviendas.



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