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05/10/2011

Heol, un peintre solaire à travers le monde


Heol - soleil en breton - porte bien son prénom tant le personnage et sa peinture irradient d’énergie, de lumière, de couleurs, d’empathie. Rencontre avec un artiste bien dans ses baskets qui depuis quatorze ans vit pour et par son art, en mode collectif et intercontinental.


Heol, un peintre solaire à travers le monde
11_10_05_heol.mp3 11 10 05 Héol.mp3  (12.01 Mo)


Heol dans son Atelier - Photo Marvin Michielini
Heol dans son Atelier - Photo Marvin Michielini
Après 2 ans et demi d’un « trip peinture » à travers le monde, Heol a retrouvé toute sa place au sein des « Agités du bocal  », une sorte de coopérative de moyens réunissant quatorze artistes créateurs dans un vaste atelier partagé. Opération grand ménage de rentrée. Heol et quatre autres « agités » terminent l’installation du petit hall d’accès pour en faire la vitrine du collectif.

« Jusqu’à présent, précise Heol, on ne s’est pas beaucoup préoccupé d’accueillir le public. Ici c’est d’abord un lieu de travail. Mais on pense intéressant, pour mieux nous promouvoir, de créer des occasions de rencontres. » Avec, de l’autre côté de la rue, « Le Jardin Moderne  » - 1200 m2 de studios de répétition dédiés aux musiques actuelles - la zone industrielle de la route de Lorient à Rennes devient vraiment un des hauts lieux de la jeune création.

Heol, bien dans ses baskets...
Heol, bien dans ses baskets...

14 ans plus tôt

Cet intérêt pour le collectif, cette volonté de nourrir sa créativité en allant à la rencontre du public caractérisent la démarche personnelle et artistique d’Heol.
 
A 19 ans, il décide d’arrêter ses études. Il termine son cycle secondaire de graphiste publicitaire au lycée des métiers d’art d’Auray. « Je ne veux pas travailler en agence de pub », déclare-t-il alorsIl pense que dans ce milieu on est exploité. « Je voulais être mon propre patron et j’avais la fibre peintre ».

La « faute » de ses parents qui l'élèvent dans l’ambiance d’une communauté d’artistes. Sa mère dessine beaucoup et a toujours encouragé ses aspirations créatives ;  son père, marionnettiste, lui a certainement transmis ce goût pour le spectacle visuel : « Il faisait tout, l’histoire, les marionnettes, le décor, les lumières, l’ambiance sonore, c’était magique », se souvient Heol avec émotion.

Un premier collectif en forêt

Avec un ami sculpteur il crée son premier collectif en forêt de Brocéliande. Ils s’installent dans un ancien hangar d’élevage de lapins qu’ils aménagent en atelier logement. Mais pourquoi ce choix de vivre en pleine campagne ? « En ville c’était trop cher. Il  nous fallait commencer au ras des pâquerettes, à la dure, en pratiquant au maximum la débrouille.». Pour peindre des tableaux grand format il s’ingénie à bricoler ses toiles avec du bois et du tissus de récupération.
 
Devenir artiste constitue pour Heol et son ami « un challenge vital ». « Je me disais que ce serait mon métier mais qu’il me fallait partir de zéro et monter tranquillement l’escalier ». Finalement tout ira assez vite : « A la première exposition je présentais une vingtaine de toiles et j’ai tout vendu. Ça m’a encouragé forcément ». 

Modeste sur la valeur marchande des œuvres

 Le secret de ce succès : « Le festival de Théâtre de Lizio qui abritait notre exposition était un milieu très favorable à notre démarche. On y trouvait des gens sensibilisés au théâtre, à la musique, à la création. Ils aménageaient leurs maisons. Pour cela les grandes toiles très colorées que je proposais leur plaisaientD’autant plus que ce n’était pas cher : 1 000 F soit 150 € d’aujourd’hui, pour des toiles de 1,50 x 2 m. » 
 
N’allons pas soupçonner Heol, ancien élève publicitaire, d’avoir dès l’origine perverti son art par pure stratégie marketing. Il peint ce qu’il aime et ressent. Ses prix sont possibles grâce à l’économie de récupération qu’il pratique. Surtout, ils lui paraissent légitimes : « Je pars du principe que tant que l’on n’est pas encore connu, puis reconnu, il faut rester modeste sur la valeur marchande de ses œuvres… » Ressentir le plaisir qu’éprouve des acheteurs modestes à la possession d’une de ses œuvres le paye largement. L’argent ne doit pas être un obstacle à cette communication.

A Rennes avec les "agités du bocal"

Heol reste deux ans à Brocéliande puis il s’installe à Rennes « pour y faire son nom ». Animateur dans l’âme, il est à l’origine du collectif « les Agités du bocal   ». Il peint et expose dans les bars et restaurants. Vite le bouche à oreille fonctionne… Il travaille beaucoup et le revendique : « Une secrétaire travaille de 9 à 18 h. Elle n’a pas le choix. Un peintre c’est pareil, il doit être peintre tous les jours  Si t’es pas actif dans ta discipline, les gens ne viendront pas à toi. »
 
Poussant la réflexion engagée à Brocéliande, il donne de plus en plus à son art une dimension spectaculaire.  «Je voulais faire de ma peinture un spectacle, explique-t-il. J’ai compris que je pouvais faire des tableaux grand format très rapidement ». Le spectacle de leur réalisation devient partie intégrante de son geste artistique.
 
Heol va pousser le concept bien au delà de la surface d’une simple toile. A l’occasion de concerts, dans le cadre de festivals, à la demande de communes, voire dernièrement pour la promotion d’une grande marque de bière (chassez le publiciste…), il réalise d’immenses fresques murales ou au sol. « Je peins sur un grand plancher - de 300 à 1000 m2. La performance est filmée vue de dessus en vidéo et simultanément projetée sur un écran géant ».

En Janvier 2009 Héol largue les amarres

« Ça faisait 10 ans que je me faisais un nom à Rennes. Comme tout peintre, j’étais à la recherche d’autres visions, d’autres impressions, d’autres paysages… ». A 30 ans, rien ne le retient, ni femme, ni enfant. Il a pu économiser de quoi financer les grosses dépenses du voyage. Son but : continuer à travers le monde ce qu’il avait su faire depuis dix ans à Rennes : il peignait partout, sur tous les supports, dans toutes les ambiances, dans un bar, dans la rue, toujours en relation directe avec le public et avait pu en vivre. « Si je peux faire ça à Rennes, pensait-il, je peux le faire ailleurs ».
 
Il brade son stock de toiles lors d’une exposition tombola, embrasse ses amis et part, sa peinture et ses pinceaux dans son sac à dos. La première année le mène en Afrique de l’Ouest. En stop il traverse la France et l’Espagne avant de s’envoler vers les Canaries. En bateau stop, il rejoint Dakar, remonte au Mali. A Agadès, dans le désert  du Niger, il est initié à la fabrication de bijoux par une famille touarègue. Après un séjour au Burkina Faso, il rejoint, à nouveau en bateau stop les iles du Cap Vert.

A cheval, en moto, en bus, en bateau...

Heol, un peintre solaire à travers le monde
« Aujourd’hui, dit-il en rigolant, il y a des enseignes Heol un peu partout en Afrique de l’Ouest… Je peignais dans la rue, les gens venaient me voir et me disaient "oh j’aime bien ce que vous faitesMais combien ça coûte ? Pas de problème vous me logez et me nourrissez un soir" … » C’est ainsi qu’Heol va voyager de maison en maison, de famille en famille.
 
Au bout d’un an, il change de continent. Il parcourt l’Amérique Latine du nord au sud. Fait deux sessions à l’Est et à l’Ouest des Etats Unis et entre les deux séjourne au Québec.
 
Il ne consomme pas le voyage. Partout il prend son temps.  A dos de cheval, en moto, en bus, en bateau avec le pécheur qui l’emmène d’une ile à l’autre, en taxi brousse. « S’il faut marcher à pieds nus dans la montagne je marche pieds nus… Je veux être comme celui qui m’accueille, essayer de comprendre sa vie ».

Photo Marvin Michielini
Photo Marvin Michielini

Retour en Bretagne

 Aux USA son projet de « Peintre voyageur » se heurte à une société plus fermée : « ils n’ont pas l’habitude , constate-t-il, d’accueillir chez eux. Ils flippent plutôt que d’essayer de comprendre d’où tu viens, ce que tu as fait. Et puis ce n’est pas bien vu de peindre dans la rue ou sur les murs. La police veille. Sauf à San Francisco ! »
 
Il revient au Mexique, patrie des muralistes, d'où il veut s'embarquer vers le Japon. « Je rêvais d’y peindre une grande fresque ». La catastrophe naturelle et nucléaire de Fukushima l’oblige à renoncer.
 
Déçu d’être obligé de rentrer alors ? « J’ai vu plein d’endroits en Afrique, en Amérique Latine où j’ai eu envie d’acheter un bout de  terrain, une cabane et de devenir le peintre du village. Mais finalement ce n’est pas si facile de vivre dans un autre pays que le sien. J’ai eu plaisir à retrouver ma belle Bretagne ».

Voir sur le site HeolArt, l'album photo de son voyage
 

Du portrait vite peint, au coin d’une rue ou dans les allées d’un festival, à la fresque géante, imprimée à l’énergie sur un mur ou sur la surface d’un terrain de foot, il y a chez Heol une même volonté d’étonner, de partager, de donner. Sa peinture et ses performances artistiques sont « engagées ». Pas sur un registre intellectuel, politique, mais dans l’action, dans la façon d’être, sur un mode physique, émotionnel, sensitif, esthétique… Vivant, profondément humain.

Reportage, Alain Jaunault
Photos; Marvin Michielini


Pour suivre, visionnez la vidéo réalisée par Marvin Michielini lors de cet interview : Heol à voir et entendre

Les agités dans leur drôle de bocal
Heol, un peintre solaire à travers le monde




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