Rebelles non-violents

Le commerce des armes : pointons la France du doigt

Jeudi 21 Mars 2013


Le commerce des armes : pointons la France du doigt
Contrôler le commerce des armes revient aujourd'hui sur la table des négociations des Nations Unies et, cela jusqu'au 28 mars, 8 mois après l'échec de la première tentative.

Il faut savoir que le commerce des armes n'est actuellement régi par aucun réglement contraignant. C'est un marché de 1 500 milliards de dollars, responsable de la mort d'une personne chaque minute, moins réglementé que celui de la banane ou des i.pods.

Le commerce des armes : pointons la France du doigt
Une deuxième chance

Lors de l'Assemblée générale des Nations unies, en décembre 2006, la majorité des gouvernements vote en faveur de l'ouverture des négociations sur un traité sur le commerce des armes. Le texte définitif doit être voté en juillet 2012. A la date prévue, les Etats-Unis, suivis par la Russie et quelques autres Etats, exige davantage de temps.

Avant le 28 mars 2013, les Etats membres des Nations unies vont avoir une deuxième chance de faire avancer l'Histoire, lors d'une ultime conférence des Nations unies sur le sujet.

Oxfam, dans sa campagne qui a recueilli plus d'un million de signatures, rappelle que « deux balles sont produites par personne dans le monde chaque année La violence armée, au total, cause 2 000 décès par jour. Des centaines de milliers d’autres personnes sont déplacées, mutilées ou perdent leur moyen d’existence. Les conflits coûtent aux pays africains 18 milliards de dollars chaque année. »

Des rapports accablants

Les conséquences de l'absence de contrôle dont jouissent les Etats et les marchands d’armes sont nombreuses : ce sont les ventes d’armes de la Russie à la Syrie qui alimentent les conflits entre l’armée gouvernementale et l’opposition populaire. Mais aussi les conflits du Darfour et du Tchad étudiés dans deux rapports du CCFD en janvier et d’Amnesty en février.

Le rapport du CCFD montre l’implication de la France dans les transferts d’armes au Tchad entre 2005/2010. La rente pétrolière a permis l'acquisition d'armes et a sérieusement entravé le développement du pays. « Aujourd’hui, le Tchad consacre 8% de son PIB à l’achat d’armes. Ce qui correspond au double du budget de la santé » souligne Zobel Behalal, co-auteur du rapport et responsable du plaidoyer paix et conflits pour le CCFD-Terre solidaire. « La France – qui fait partie des plus gros fournisseurs d’armes du Tchad entre 2008 et 2010- et d’autres pays ont vendu des armes au Tchad sans prendre sérieusement en compte les risques que présentaient ces transferts sur le développement économique et social du pays ».

Amnesty International, dans son rapport sorti le 9 février, montre comment de nouvelles armes provenant de Chine, de Russie et du Belarus ont alimenté le conflit au Darfour ( 300 000 morts et 1,8 million de déplacés ). « La Chine et la Russie vendent des armes au gouvernement du Soudan tout en sachant qu'une bonne partie sera selon toute vraisemblance utilisée pour commettre des violations des droits de l'homme au Darfour » souligne Brian Wood, responsable des recherches sur le contrôle des armes à Amnesty.

A cela s'ajoute un aspect peu abordé, celui de l'après conflit et du détournement des armes. Comme l'explique le journaliste Teddy Mazina au Burundi dans la vidéo ci-dessus "Grenades à prix cassées", les fusils, munitions et grenades servent encore : aux crimes et à l'entretien de la peur dans la population.

Des exigences pour le nouveau traité

« Une règle d’or » dit Nicolas Vercken, responsable du plaidoyer prévention des conflits et protection des populations d’Oxfam France « l’interdiction de tout transfert d’armement dès lors qu’il existe un risque substantiel que l’acquisition ou l’utilisation des armes facilitent des violations graves des droits humains, de droit international humanitaire ou de menace sur le développement économique et social ». Ce que prévoient déjà les textes de l'Union Européenne... dont il est fait peu de cas dans la réalité. En France, le CCFD Terre solidaire estime que « l’étude des demandes d’importations ne s’appuie pas sur une évaluation précise et spécifique des risques potentiels sur le développement ».

Les ONG sont fermes sur ce que devra contenir le nouveau traité. Il devra concerner tous les types d’armement, ceux qui servent aux combats comme ceux qui sont qualifiés d'armes de maintien de l’ordre pour la sécurité  intérieure et la surveillance. Il devra aussi servir au contrôle des transferts, des transactions internationales et toutes les activités qui en découlent comme le transport, le financement, le courtage, les dons. Il devra mettre en place des mécanismes qui visent à empêcher le détournement des armes transférées vers des utilisateurs finaux non autorisés. Il devra prévoir la publication de rapports annuels et la criminalisation des trafics illégaux.

Dans un document paru le 12 mars 2013, Amnesty International a insisté sur le rôle primordial que doivent jouer les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies – la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie – dans l'adoption d'un traité solide. En effet, ces cinq États sont chargés de garantir la paix et la sécurité dans le monde mais, en 2010, ils ont représenté environ 60 % du commerce annuel d’armes classiques, qui se monte à plus de 53 milliards d’euros. Or, leurs intérêts économiques ne cessent de grandir puisque ce commerce devrait atteindre plus de 75 milliards d'euros par an dans les prochaines années.

La France est quatrième exportateur d’armes mondial. Pourquoi notre pays, son gouvernement et ses parlementaires, ne s'armerait-il pas autrement en soutenant l'adoption de ce traité qui contribuerait à protéger les gens plutôt que de les tuer et à développer les pays plutôt que d'obliger ses ressortissants à les quitter ?

Pour signer la pétition Control Arms cliquer ici

Nouveau commentaire :




Pourquoi ce blog
Marie-Anne Divet
Marie-Anne Divet
Ce qui m'a intéressée dans les idées de Gandhi, c'est le choix. Ou de réagir à la violence par la violence ou de répondre, en me creusant la tête, d'une autre manière, qui respecte l'être humain, comme un autre moi-même. J'aime cette obligation de faire autrement, d'une façon active et créative, une manière d'être à l'autre et non d'avoir l'autre.
Pédagogue de profession, j'aime cette idée que nous puissions collaborer, lecteurs/lectrices, expert/e/s, pour partager nos questions, mettre en commun nos réflexions et mutualiser nos ressources pour agir au quotidien là où nous vivons.

Marie-Anne Divet