Rebelles non-violents

Eloge de la fatigue

Dimanche 29 Juillet 2012


Ce sont les vacances, temps de repos après les fatigues accumulées de l'année, visages creux et cernes sous les yeux. C'est la fatigue des tracasseries du quotidien.

Il y en a une autre nous confie Robert Lamoureux, la fatigue du combat, celle qui lutte pour la Liberté, la Fraternité et l'Egalité « à s'en user le coeur ». 


Vous me dites, Monsieur, que j'ai mauvaise mine,
Qu'avec cette vie que je mène, je me ruine, 
Que l'on ne gagne rien à trop se prodiguer, 
Vous me dites enfin que je suis fatigué.
Oui je suis fatigué, Monsieur, et je m'en flatte. 
J'ai tout de fatigué, la voix, le coeur, la rate, 
Je m'endors épuisé, je me réveille las, 
Mais grâce à Dieu, Monsieur, je ne m'en soucie pas. 
Ou quand je m'en soucie, je me ridiculise. 
La fatigue souvent n'est qu'une vantardise. 
On n'est jamais aussi fatigué qu'on le croit ! 
Et quand cela serait, n'en a-t-on pas le droit ?
Je ne vous parle pas des sombres lassitudes, 
Qu'on a lorsque le corps harassé d'habitude, 
N'a plus pour se mouvoir que de pâles raisons... 
Lorsqu'on a fait de soi son unique horizon... 
Lorsqu'on a rien à perdre, à vaincre, ou à défendre... 
Cette fatigue-là est mauvaise à entendre ; 
Elle fait le front lourd, l'oeil morne, le dos rond. 


Et vous donne l'aspect d'un vivant moribond...
Mais se sentir plier sous le poids formidable 
Des vies dont un beau jour on s'est fait responsable, 
Savoir qu'on a des joies ou des pleurs dans ses mains, 
Savoir qu'on est l'outil, qu'on est le lendemain, 
Savoir qu'on est le chef, savoir qu'on est la source, 
Aider une existence à continuer sa course, 
Et pour cela se battre à s'en user le coeur... 
Cette fatigue-là, Monsieur, c'est du bonheur.


Et sûr qu'à chaque pas, à chaque assaut qu'on livre, 
On va aider un être à vivre ou à survivre ; 
Et sûr qu'on est le port et la route et le quai, 
Où prendrait-on le droit d'être trop fatigué ? 
Ceux qui font de leur vie une belle aventure, 
Marquant chaque victoire, en creux, sur la figure, 
Et quand le malheur vient y mettre un creux de plus 
Parmi tant d'autres creux il passe inaperçu


La fatigue, Monsieur, c'est un prix toujours juste, 
C'est le prix d'une journée d'efforts et de luttes. 
C'est le prix d'un labeur, d'un mur ou d'un exploit, 
Non pas le prix qu'on paie, mais celui qu'on reçoit. 
C'est le prix d'un travail, d'une journée remplie, 
C'est la preuve, Monsieur, qu'on marche avec la vie.
Quand je rentre la nuit et que ma maison dort, 
J'écoute mes sommeils, et là, je me sens fort ; 
Je me sens tout gonflé de mon humble souffrance, 
Et ma fatigue alors est une récompense.


Et vous me conseillez d'aller me reposer ! 
Mais si j'acceptais là, ce que vous me proposez, 
Si j'abandonnais à votre douce intrigue... 
Mais je mourrais, Monsieur, tristement... de fatigue.

Journée internationale des prisonniers politiques - Rennes - 2012
Journée internationale des prisonniers politiques - Rennes - 2012

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Pourquoi ce blog
Marie-Anne Divet
Marie-Anne Divet
Ce qui m'a intéressée dans les idées de Gandhi, c'est le choix. Ou de réagir à la violence par la violence ou de répondre, en me creusant la tête, d'une autre manière, qui respecte l'être humain, comme un autre moi-même. J'aime cette obligation de faire autrement, d'une façon active et créative, une manière d'être à l'autre et non d'avoir l'autre.
Pédagogue de profession, j'aime cette idée que nous puissions collaborer, lecteurs/lectrices, expert/e/s, pour partager nos questions, mettre en commun nos réflexions et mutualiser nos ressources pour agir au quotidien là où nous vivons.

Marie-Anne Divet