22 Juin 2017 - écrit par - Lu 482 fois

Donner la parole aux élèves ? Proposition révolutionnaire !

La revue Cahiers Pédagogique de Juin 2017 consacre son dossier à "la parole des élèves". Les auteurs posent la question : et si on donnait la parole aux élèves, si on la reconnaissait comme « valable », si on lui donnait une légitimité qui lui est habituellement déniée ? Cette proposition qui vaut constat sur l'état de notre système d'enseignement, remonte à ma mémoire un épisode de ma vie scolaire très fondateur, en Mai et Juin 68.


Ce qui a motivé la rédaction de ce dossier sur la parole de l'élève c'est le constat que, " dans nombre de classes et d’établissements, les élèves ont peu la parole, et quand ils la prennent, ne sont guère écoutés, et quand ils sont écoutés, cela n’a guère d’effet pratique. La parole des élèves n’est pas suffisamment prise en compte à l’école, pas assez prise au sérieux. D’où, par exemple, le turn-over des délégués de classe, qui est moins un indice démocratique que la conviction par l’expérience de ne pas servir à grand-chose." 

La situation est en train de changer mais soulignent les auteurs " le temps n’est pas si loin où la parole des élèves en classe, y compris lorsqu’elle interagissait directement avec l’enseignement du professeur, était à peine tolérée".

Donner la parole aux élèves ? Proposition révolutionnaire !
La délégitimation de la parole des élèves a deux principales raisons. La première " c’est que l’institution scolaire s’est construite essentiellement sur la prédominance de l’écrit : c’est par l’écrit, dans l’écrit, qu’elle évalue et qu’elle mesure vraiment l’acquisition des apprentissages scolaires, mais aussi la conformité par rapport à une norme sociale... La seconde raison c'est que l’adolescent, et a fortiori l’enfant, dont l’étymologie signifie « qui ne parle pas », ne sont pas assez considérés comme des « interlocuteurs valables ".
 
Pourtant " la parole sert à se construire parce que l’on se construit dans et par sa parole, à réfléchir, parce que la parole est le support de la pensée, individuellement et collectivement, et à prendre sa place dans un collectif, parce que l’on teste si sa parole pèse ou non dans l’institution, toutes choses que l’école a peut-être encore du mal à reconnaître comme étant fondamentales."  

En lisant ces lignes remontent à ma mémoire des souvenirs de ma scolarité.

Ma performance scolaire était très moyenne et j'étais un élève assez dilettante, comme me reprochait mon vieil et adorable professeur de math que je désespérais. J'étais beaucoup plus intéressé par la vie associative et mes activités extra-scolaires de président de club des jeunes, d'animateur théâtrale, d'organisateur de spectacles... Je prenais la parole ailleurs et au lycée, j'assurais le minimum vitale pour passer dans la classe supérieure.

Donner la parole aux élèves ? Proposition révolutionnaire !
Les évènements de Mai 1968 allaient renverser la vapeur.
Soudain la parole surgissait dans l'enceinte scolaire. Sous le regard approbateur de mes jeunes profs très impliqués dans le mouvement et devant mes camarades de classe, j'allais pendant un mois et demi, d'ag en commissions de travail, éprouver ma capacité et mon plaisir à prendre la parole, développer des arguments et captiver mon auditoire, provoquer aussi les échanges. Bons et moins bons élèves m'écoutaient et prenaient à leur tour la parole qui tournait et envahissait l'espace et le temps scolaire. Je crois que ces quelques semaines ont eu plus d'impact sur ma formation et ma vie professionnelle et sociale que les interminables heures de cours des trois années d'études secondaires qui précédaient.

Fin Juin, l'institution scolaire reprenait le dessus, mais il s'était passé quelque chose : cette année là, lors de la traditionnelle cérémonie de distribution des prix, le directeur du lycée ne demanda pas au meilleur élève de terminale d'écrire et de prononcer le discours récapitulatif de l'année, comme c'était la tradition. Les révisions du bac et les épreuves avaient été perturbées et reculées. Alors c'est à moi, élève de première, que revint l'honneur du discours. Le directeur soulignait dans sa présentation qu'il n'avait pas choisi le meilleurs élèves mais que j'avais révélé lors des évènements des talents oratoires et une bonne capacité d'analyse et d'argumentation qu'il voulait récompenser.

La mort accidentelle, dans des circonstances très choquantes, d'une professeur d'Espagnol - réfugié basque - très apprécié des élèves, allait me donner l'occasion d'une évocation sensible qui toucha l'auditoire comme jamais le discours d'un premier de la classe avait su le faire...

Et si on donnait la parole aux élèves ?..

Donner la parole aux élèves ? Proposition révolutionnaire !




              

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