12 Janvier 2014 - écrit par - Lu 1442 fois

Le "bisounours soixante-huitard" et la "Petite poucette" réaliste.

Rien de bien étonnant qu’un vieux barbon de 63 ans voit ses certitudes contestées par la génération montante ; c’est même plutôt rassurant, non ? Et cela m’arrive désormais au cour de mes – trop rares hélas – discussions avec mes (grandes) petites filles. Je découvre alors, un peu déstabilisé, que nous ne vivons pas dans le même monde et que nos révoltes de jeunesse peuvent être aux antipodes*.


Le "bisounours soixante-huitard" et la "Petite poucette" réaliste.
Un Dimanche après midi d’hiver, ma « Petite poucette  » accrochée à son Iphone, dans l’appartement « tous écrans » de ses parents, s’insurge avec véhémence contre l’inanité, la dangerosité, la perversité des contenus déversés à longueur de temps et en libre accès sur le web et les canaux de la TNT. «Tu te rends compte j’ai vu hier une vidéo sur YouTube, d’un pauvre type qui explique, preuves à l’appui, ce qu’est un « viol positif » et comment cela répond aux attentes des femmes ! » Sans me laisser le temps de réagir, elle poursuit. « Sur internet c’est bourré d’incitations au viol. Sans parler des scènes de meurtres en direct par des Islamiques. J’ai vu une vidéo de 11 minutes où un otage se fait égorger… ». Et de poursuivre sans coup férir : « Et puis y en a marre de ce buzz, sur la toile, à la tv, à la radio, dans les journaux sur ces imbéciles soutenant le raciste Dieudonné et relayant les ragots de Closer sur ce « pauvre Hollande ». Toujours plus volubile « De toutes façons il n’y a que le sexe aujourd’hui : on ne montre que des filles provocantes, à la TV, sur les affiches, dans la rue… ».
 
Un peu abasourdi de découvrir l'univers effrayant dans lequel semble vivre ma jolie et intelligente petite fille je tente « maladroitement » d’ouvrir le débat, d’approfondir la réflexion. Tout en étant pourtant addict de la toile et un assez fort consommateur de télévision,  je n’ai pas ce sentiment écœurant de vivre en permanence dans un tel monde digne de « Sodome et Gomorrhe ».

« En fait,  pense-t-elle, tu ne vois rien parce que tu restes cantonné dans ta petite sphère intellectuelle et ton monde de bisounours cultivés, abonnés au Monde et à Libé, téléspectateurs des chaines familiales et encore propres sur elles comme la 2, la 5, la 7. »
 
J’en appelle alors au « libre arbitre », à notre capacité de choisir de porter de l’intérêt ou non à l’abjection, à l’imbécilité. « Qu’est-ce qui t’oblige à subir un contenu que tu n’apprécies pas, à le regarder, l’écouter ? On peut fermer le bouton, passer son chemin. Mieux encore, inviter, encourager les autres à en faire autant. En parler, engager le débat… On peut aussi trouver, relayer, conseiller, la multitude des contenus de valeur, enrichissant, distrayant  du web ».
 
Mais pour elle mes moyens de riposte sont dérisoires face à la force dévastatrice des médias. « Bien sur que moi je peux repérer et éviter ces contenus, mais tu ne penses pas aux enfants qui en toute liberté y accèdent ». Oui j’y pense. « N’est-ce pas le rôle des parents et, plus généralement, des adultes de veiller à ce que regardent et lisent les enfants, voire de poser des interdits». Je lui rappelle d’ailleurs que cela a bien souvent créé des discussions et des petits frottements entre nous lors des séjours de vacances.

« Sinon que faire alors, l’interrogeais-je, interdire, censurer ? »  Elle en semble convaincue on ne peut rien faire personnellement pour empêcher la diffusion et l’accès à ces contenus néfastes qui lobotomisent, abêtissent les gens « Je ne comprends pas que cela soit permis. Que l’état ne fasse rien. Que personne ne réagisse et que des gens comme toi trouviez cela normal ! ». Touché !
 
Alors en appeler à la responsabilité et à la censure administrative et morale de la puissance publique ? Monsieur Valls est décidément bien dans l’air du temps.

A l’âge de ma « grande petite fille » en réaction à une société coincée,  nous défilions pour la liberté sexuelle, le « jouir sans contrainte », l’abolition de la « morale bourgeoise », l’interdiction d’interdire, l’abolition de toutes censures morales et politiques, tandis que nous expérimentions clandestinement les radios et tv libres, avant de bloguer avec frénésie… Quelle sera la révolution de demain portée par nos petits enfants ? La morale et la liberté en seront certainement des enjeux radicaux. Espérons qu’ils ne seront pas pervertis par les radicalités simplistes des tenants des ordres moraux.


* Je me pique pourtant d’être ouvert à la modernité, curieux de la nouveauté, attentif à l’air du temps, sans parler de mon côté « papy geek », qui n’a rien abandonné de ses aspirations libertaires, en dépit d’un embourgeoisement sénescent.




              

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