29 Juillet 2013 - écrit par - Lu 1204 fois

Glamours, déjantées et professionnelles : les "improvocantes" improvisent en Avignon.

Avignon 2013, festival off - Sur la scène du Théâtre des corps saints, les "Improvocantes" ont dégoupillé un spectacle d’improvisation explosif et hilarant. Une étape décisive pour ces sept jeunes comédiennes qui veulent « faire troupe » et considèrent le « cabaret d’improvisation » comme un genre artistique à part entière.


Glamours, déjantées et professionnelles : les "improvocantes" improvisent en Avignon.

Voilà plus d’un an qu’Elsa De Belilovsky a rassemblé dans la troupe des "Improvocantes" ses trois premières complices, Camille Olivier, Angélique Braun, Sophie Guyard. Elles se sont rencontrées et appréciées au cours d’un atelier d’improvisation. La compagnie va rapidement se structurer en intégrant Amandine Barbotte et Mélody Daniel, puis plus récemment Diane Prost. Ensemble elles vont donner corps au concept artistique d’Elsa : un spectacle de cabaret d’improvisation, d’une heure, joué par quatre improvisatrices (intervenant deux par deux). Elles sont à chaque fois « mises en scène » par la cinquième comédienne qui joue le rôle de « maîtresse de cérémonie » assurant le lien avec le public, prescripteur du thème de l’impro. Les sept comédiennes se relaient. Elles n’étaient pas trop de sept pour assurer toute l’année à Paris la production hebdomadaire du spectacle dans deux cafés théâtres parisiens, sans parler des festivals ou des scènes ouvertes auxquelles elles ont été de plus en plus invitées.


Un cabaret d’improvisation au féminin.

 

Le comique des "Improvocantes" trouve sa source dans le contraste entre la posture féminine glamour des actrices et leur jeu – situations, dialogues et expression corporelle – souvent border line ou subtilement déjanté.

 

« Loin de l’image de la ligue d’impro de quartier (t-shirt-jogging-baskets), remarque Mélanie Lasry de Théatrothèque.com qui les a remarquées, ces quatre comédiennes de talent se fondent si bien dans leurs personnages qu’elles en font oublier le mascara, le rouge à lèvres et tout le reste... »

 

C’est qu’à l’habileté d’improvisation, chacune ajoute sa touche de talent singulier, forgée dans un cursus de formation d’actrice, et plus largement d’artiste du spectacle vivant (clown, mime, danse, musique et chant…). Toutes attestent déjà dans leur book d’une expérience riche sur scène ou à l’écran.

 

Pile elles sont drôles, subtiles, extraverties et toujours surprenantes pour le plus grand bonheur d’un public qui en redemande. En Avignon comme à Paris, à mesure que le spectacle s’installe la salle se comble. Le bouche à oreille fait son œuvre et il n’est pas rare que l’on revienne pour plusieurs représentations, toujours différentes en fonction des défis lancés par le public.

 

Face elles se révèlent très professionnelles et stratégiques. Le format des Improvocantes est propice à une exploitation dans les circuits du spectacle vivant, dans toutes les configurations : culturelles, divertissantes, d’animation. Leur but est de vivre de leur métier et pour cela elles ne comptent pas seulement sur les propositions d’un agent ou d’être découvertes au hasard des nombreux casting auxquels chacune se présente.


Faire troupe

 

Au delà d’en vivre, le projet des "improvocantes" répond à l’aspiration commune des filles de « faire troupe » au sens espace commun de création et de promotion professionnelle. La troupe se nourrit des compétences complémentaires de ses membres. Sans hiérarchie pesante elle trouve sa vitalité grâce au leadership reconnu d’Elsa, « la boss ». La troupe est aussi un point de ralliement sécurisant leurs aventures individuelles : chacune reste libre de poursuivre ses propres recherches, de saisir ses opportunités, tout en gardant sa place dans la troupe.

 

La perspective d’être programmées au festival off d’Avignon a servi de catalyseur à cette démarche collective. Tout le travail de l’hiver était voué au rodage du concept et à l’autoproduction du spectacle. « Nous finançons Avignon à quatre vingt pour cent par le réinvestissement des recettes – au chapeau - des deux représentations hebdomadaires parisiennes confirment-elles ». Le complément a été obtenu grâce au site de crowd founding Kiss Kiss Bank Bank : 3055 € récoltés auprès de 74 souscripteurs en moins de 60 jours.

 

Bien plus qu’à Paris où leurs rencontres se limitent au temps du spectacle, ici les filles apprennent vraiment à se connaître, au delà du plaisir de jouer. Sur les quatre semaines de vie intense partagée, l’esprit de troupe s’éprouve et se renforce. «Toutes les sept et avec notre technicien nous vivons en colocation et travaillons toute la journée ensemble. Il faut tout faire : le décor, la lumière, la billetterie, la promotion par affichage, animer les parades plus de trois heures dans la journée ».

 

Avec 1250 spectacles différents, le Festival, Avignon est « la » vitrine du spectacle vivant international. Les artistes s’y produisent mais aussi s’y rencontrent. Pour les Improvocantes c’est l’occasion de prendre la mesure de leur travail en le confrontant à celui d’autres troupes engagées sur les mêmes chemins. Pour cela elles se sont fixées l’objectif de voir au moins un spectacle chaque jour. Mieux encore, elles ont décidé de partager la scène dix minutes par représentation, avec un artiste dont elles apprécient l’humour.


Pas d’impro pour la promo

 

Enfin, et surtout, elles veulent profiter de cette occasion unique pour établir des contacts avec tous ceux qui seront utiles à la promotion et à la commercialisation du spectacle pour les prochaines saisons. Elles soignent les relations de presse, travaillent le buzz sur internet, gèrent leur fichier de contacts spectateurs et professionnels. Elles sont conscientes que s’exposer à Avignon n’est pas suffisant pour assurer le carnet de commande. Ce n’est que l’amorce d’un travail systématique et patient de marketing. Elles en sont convaincues : « la promotion ne souffre pas l’improvisation ». C’est la condition pour que vive longtemps, pour le plus grand plaisir du public, le monde fou des Improvocantes : « de la bergère à la princesse, de la campagnarde à la citadine, de la grenouille au bœuf… ».

 

 

Alain JAUNAULT (article déjà publié, le 19 Juillet, sur "Le plus" Nouvel Observateur).

 




              

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