Villejean résiste aux vio
Enquête

Villejean résiste aux violences

3 Mars 2022


Habiter à Villejean : face aux difficultés, ils réagissent


La dalle Kennedy mardi 19 octobre 2021, 17h
La dalle Kennedy mardi 19 octobre 2021, 17h
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Les difficultés des habitants du quartier sont, en grande partie, liées au logement : manque d'immeubles d'habitation, augmentation des loyers et du prix de l'immobilier mais aussi surpopulation, nuisances de voisinage, insalubrité... Des initiatives publiques et privées apparaissent.

La qualité du logement social et  la paupérisation sur la dalle Kennedy sont dus à une forte augmentation de la pauvreté, de la précarité. Le taux de pauvreté sur la dalle atteint 59% contre 20% en moyenne à Rennes. « Dans le logement social l'appauvrissement des familles augmente », estime Jean-Charles Auffret, Directeur des quartiers Nord Ouest. Sur la dalle Kennedy, le nombre de logements sociaux est de 650 pour 1 000 logements. C'est la partie la plus pauvre avec une forte concentration de logements sociaux (71%).

Catherine Hervé, Archipel Habitat : «  Depuis 2010 à Villejean, les rénovations des installations électriques, avec mise aux normes sont progressivement réalisées »
Catherine Hervé, Archipel Habitat : «  Depuis 2010 à Villejean, les rénovations des installations électriques, avec mise aux normes sont progressivement réalisées »
Loyers trop élevés pour des bas revenus
 
« Des locataires  ont des problèmes financiers, ils ne vont peut-être pas oser venir nous voir. C'est à nous d'essayer de faire parler les gens : quand ils viennent à l'agence on ne détecte rien, mais quand on pousse la porte de chez eux, on découvre les soucis. Les agents de proximité peuvent limiter les problèmes rencontrés par les locataires », note Catherine Hervé, responsable de l'agence Ouest d'Archipel Habitat.

Beaucoup d'immeubles datent des années 1970.  Lors de la création du quartier, de nombreux bâtiments de quatre étages ont été construits sans ascenseur. Des difficultés apparaissent aujourd'hui pour les habitants des étages supérieurs. « Notre problématique est le maintien des personnes, précise Catherine Hervé.  Année après année, de plus en plus de personnes âgées ont du mal à monter les escaliers. Ces personnes ne lèvent pas la main pour trouver un autre logement, à cause de l'angoisse du déménagement et du changement de quartier. Les anciens sont attachés au quartier : ils ont leurs repères, s'entendent avec les voisins, ils s'organisent. A partir du moment où on déplace ces résidents, on coupe les liens avec leur vie. »

De petits logements sont surpeuplés : des familles habitent des logements trop petits pour le nombre de personnes. Il n'y a pas de logements suffisamment grands disponibles et certains sont transformés en colocation. A Rennes Métropole, il existe des dispositifs de logement social prioritaire quand la situation le permet, « mais ça prend du temps, car il n'y pas de logements disponibles ».

Le quartier manque de logements privés. Au 2 Cours Kennedy  dix logements étaient en vente le 15 novembre 2021.
Le quartier manque de logements privés. Au 2 Cours Kennedy dix logements étaient en vente le 15 novembre 2021.
Manque de logements privés
 
Le quartier manque de logements privés et donc les logements sont « super chers ». Les gens veulent quitter le quartier. « Mais pour habiter à la campagne, il faut une voiture. Et tout le monde n'a pas envie de partir de Rennes ». Françoise Mazzoleni, habitante de Villejean pendant 21 ans témoigne : « J'ai fini par quitter le quartier et même Rennes, car malheureusement, les prix de l'immobilier trop excessifs ne m'ont pas permis d'aboutir sur un projet d'achat que j'aurais volontiers fait à Villejean ou à Rennes si mes moyens me l'avaient permis. »

Avec une population étudiante nombreuse (21 000 étudiantes et étudiants à l'Université de Rennes 2), des investisseurs achètent ces logements et les transforment en colocations. Résultat : un grand turn-over des locataires et une faible minorité de propriétaires occupants. De nombreux propriétaires de logements à Villejean profitent de la pénurie de logements sur le quartier. Quelques-uns louent, en colocation à des étudiants, un appartement en redistribuant l’espace : deux chambres dans le séjour, ou même l'entrée transformée en cuisine et la cuisine en chambre... pour les exemples extrêmes.

Le loyer d'une chambre en colocation varie selon les appartements entre 300 et 450€, d'après M. Carnet (agence VBI). Avec des inconvénients d'abord pour les locataires. Mais aussi pour les voisins. Les tapages nocturnes et trafics entraînent des conflits de voisinage. « Des personnes tentent de réagir à cette tendance lourde», précise Annie Le Stadic, (association Consommation Logement Cadre de Vie).

La construction de résidences étudiantes par le Crous ou par des promoteurs privés augmente le nombre de logements dans le quartier et pourrait ainsi contribuer à limiter les prix des loyers. Les règles de la propriété privées empêchent les collectivités d'intervenir. Comment alors réguler la vente pour investissement afin d'éviter les excès ?

Des logements sur-occupés, insalubres...
 
Le Centre départemental d'action social détecte  « des difficultés financières, des logements sur-occupés, ou insalubres », note Anne-Laure Janssen. « Dans les tours très anciennes, les habitants se plaignent beaucoup : infiltrations, humidité massive, moisissures, champignons, parasites (punaises de lit, cafards) ». Des habitants déplorent des logements « pourris » avec des problèmes d'isolation, d'humidité... Le principal reproche fait aux bailleurs est la lenteur des interventions. « Les bailleurs sociaux ne réagissent pas quand il y a un problème », regrette Sylvia Thénard (Association "Si on s'alliait ?") . Certains habitants ne sont « pas bien chez eux ». C'est compliqué et essentiel. « D'où un climat de stress, alors que ça devrait être un lieu de repos. »

Les assistants sociaux du CDAS sont en lien avec les bailleurs et les locataires : « Ce n'est pas évident pour eux de se faire entendre, précise Anne-Laure Janssen. Nous essayons de négocier une intervention, quand c’est possible. Quand la conciliation n'aboutit pas, on sollicite le service hygiène et sécurité de la ville de Rennes, pour mettre en place la procédure de logement indigne. C'est une procédure très longue. »

Les bailleurs sociaux réalisent progressivement des travaux de réhabilitation-rénovation avec des programmes tous les ans. « Sur Villejean par exemple, précise Catherine Hervé : ravalement de façade dans les parties communes et dans les logements, en 2021 rue de Picardie, il y a deux ans , la rue Doyen Colas... toutes les fenêtres ont été installées en double vitrage au cours des années 2000. Depuis 2010, les rénovations électriques avec mise aux normes et rajout de prises pour les multiples  appareils électriques. En plomberie, les toilettes ont été changées avec des économiseurs d'eau, des chasses d'eau à double chasse, des double robinets à bec de canne ont été remplacés par des mitigeurs. A chaque fois, on revoit aussi l'étanchéité des toitures. »
 

Un immeuble en habitat participatif est en construction square du Poitou. (Vue-Sud-Ouest_Z_Architectes-Rhizome_Promoteur-Coop Habitat_Juin-2020)
Un immeuble en habitat participatif est en construction square du Poitou. (Vue-Sud-Ouest_Z_Architectes-Rhizome_Promoteur-Coop Habitat_Juin-2020)
Des initiatives publiques et privées
 
« L'orientation du plan local d'urbanisme aujourd'hui, c'est la densification des faubourgs , des grands boulevards. Des projets de collectifs remplacent des maisons individuelles. Ce peut  être des initiatives privées ou des bailleurs sociaux avec des initiatives semi-publiques. » Christophe Fouillère, élu délégué du quartier, y croit, malgré des réactions d'habitants contre de nombreux projets. Quelques constructions dans le secteur Normandie Saumurois et Jean-Baptiste de la Salle pourraient absorber une petite partie de la demande. D'autres initiatives, plus ponctuelles, devraient peu à peu améliorer la qualité de vie des habitants.
 
Le loyer unique pour plus d'égalité
 
« Avant le loyer unique, il y avait entre deux et trois ans d'attente pour satisfaire les demandes de mutation, en interne, d'un appartement à un autre. Les gens trouvaient ce temps long, d'autant plus qu'ils étaient bloqués par leurs faibles ressources. Par exemple, ici à Villejean, tout le monde voulait partir à Beauregard, où les logements étaient neufs. Mais le dossier, le niveau du loyer, et le reliquat pour vivre pouvaient poser problème... » raconte Catherine Hervé.

En juillet 2018, la métropole de Rennes a mis en place un loyer unique pour les nouveaux locataires, décliné par type de logement, du studio au six-pièces. Cette politique établie en concertation avec les élus locaux et cinq bailleurs sociaux a pour objectif d'assurer l’égalité d’accès entre tous les ménages et et favorise la mixité sociale.

Un immeuble inter-générationnel
 
L'immeuble inter-générationnel, rue de Normandie, au pied de la tour étudiante, intègre un espace santé avec des professions para-médicales. L'inter-génération : les jeunes sont à côté. Il y a une salle de convivialité où quelques animations sont tentées. Le but est de mettre en lien les personnes âgées et les plus jeunes du quartier. Le programme, précise Catherine Hervé, concerne tout l’îlot, la tour étudiante, un petit espace de santé, (sans médecin mais avec des professions para médicales : kiné...), les maisons sur le toit  (en accession à la propriété) et un immeuble de 27 logements en location dont 8 logements pour les personnes âgées, avec des facilités (volets électriques, douche et non baignoire, un lavabo qui permet éventuellement de faire passer un fauteuil...)

Un  studio d'amis sera géré par l'AIVS (agence immobilière sociale et solidaire), en nuitées pour les locataires des immeubles voisins d'Archipel Habitat. Il leur permettra d'accueillir leur famille sans créer des désagréments aux voisins. Le studio d'amis (5 couchages) sera en accès libre sur le côté de l'immeuble, au tarif dégressif de 25€ la  nuitée.

Square du Poitou, un projet d'habitat partagé est en train de naître, à l'initiative de quatorze foyers : 7 familles avec enfants et 7 personnes seules. Les logements en construction seront disponibles en 2023. Les futurs résidents veulent habiter ensemble, partager des activités avec les voisins et en même temps garder une certaine intimité. Douze d'entre eux viennent d'autres quartiers : ils ont choisi d'habiter à Villejean.

Ces quelques initiatives, parmi d'autres sur le quartier, ne résolvent pas tous les problèmes de logement. Elles attirent de nouveaux habitants et montrent des voies pour mieux vivre ensemble.

Jean-François Bourblanc
 


Villejean : 15 500 habitants très divers
 
Le taux de propriétaires est de 23,3% sur le quartier Politique de la Ville de Villejean contre 30,7% sur Beauregard. Le quartier compte peu de maisons individuelles  : 4,5% pour 13,5% à Rennes. Le taux de logements sociaux est de 35,2% sur le quartier et de 71,2% sur la dalle Kennedy. (Source Insee 2017).
La population du quartier - 15 500 habitants en 2017- stagne sur l'ensemble du quartier. Le nombre de ménages augmente : 2 personnes en moyenne mais 49% des ménages du quartier sont composés d'une seule personne et 70,8% dans le secteur de Pontchaillou, avec une forte proportion d'étudiants (cités universitaires).
 

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