Villejean résiste aux vio
Enquête

Villejean résiste aux violences

14 Mars 2022


Des étudiantes et étudiants s'investissent dans le quartier.


Yoann Le Calonnec : « L'accompagnement individuel  d'un enfant permet aux étudiants de se sentir utile avec des enjeux éducatifs. »
Yoann Le Calonnec : « L'accompagnement individuel  d'un enfant permet aux étudiants de se sentir utile avec des enjeux éducatifs. »
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Des étudiantes, des étudiants s'engagent et interviennent dans le quartier de Villejean. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Yoann le Calonnec de l'Association de la Fondation Étudiante pour la Ville, (1) nous dresse d'abord un tableau des jeunes qu'il rencontre.

« Avec le Covid, des étudiants viennent à l'Afev pour le côté collectif, car isolés et en manque de relations sociales » note Yoann Le Calonnec. Salarié  de l'Afev,  il coordonne  les Colocations à projets solidaires pour tous les quartiers de Rennes. Son point de vue se base sur les étudiantes et étudiants qui fréquentent l'Afev, en particulier ceux qui font du bénévolat. L'association réunit beaucoup de boursiers : leur proportion augmente depuis quelques années. Huit sur dix sont des filles, même si les  colocations à projet solidaire réunissent davantage de garçons.

« L'Université de Rennes2 accueille beaucoup d'étudiants précaires », observe Yoann Le Calonnec. Il y en a une plus grande proportion à l'Afev que dans l'ensemble de la fac. Sept sur dix sont à Rennes2 : socio 1ère année, sciences de l'éducation, langues, histoire, et aussi psycho à Rennes1. Très peu de bénévoles viennent des écoles privées, avec lesquelles l'Afev travaille moins. Il reconnaît : « On ne regroupe pas un panel d'étudiants représentatifs ».

L'Afev représente une solution pour les non-boursiers et ceux dont les parents n'ont pas les moyens de payer le logement et les études. « Beaucoup de classes moyennes ne peuvent pas financer le logement, les repas... ». De plus en plus d'étudiants font appel à l'épicerie solidaire : « Ils doivent faire la queue pour avoir un paquet de pâtes... »

Files d'étudiants à Rennes2 pour l'aide alimentaire (mercredi 16 mars 16h)
Files d'étudiants à Rennes2 pour l'aide alimentaire (mercredi 16 mars 16h)
De plus en plus de travail
 
Ils ont de plus en plus de travail : « Ils doivent jongler avec les études et les petits boulots pour pouvoir payer leurs études. Ils subissent de la précarité, même si les parents n'y sont pas. » A cause de leur emploi du temps chargé, il leur est difficile d'être disponibles pour le bénévolat : « On les rencontre le soir. » Cette constatation de Yoann Le Calonnec s'accroît au fil des années.

« Ils n'ont plus d'aide et sont assez tôt livrés à eux mêmes. Avant, nous aidions les jeunes à mettre en place leur projet. De plus en plus, nous devons assurer un accompagnement social des bénévoles et des jeunes en service civique. Nous sommes davantage sollicités. Pour les activités du service civique, on s'appuie sur les ressources publiques. Pour répondre aux problèmes des étudiantes et étudiants, il y a le 4bis, par exemple. L'Afev représente un premier relais d'écoute pour orienter les étudiants. »

Un choc des cultures
 
Beaucoup de nouveaux étudiants arrivent à Rennes de milieu rural ou de petites villes : « Il y a un choc des cultures et un sentiment d'insécurité. » Quand ils sont témoins de trafic, «ça les interpelle, c'est un peu choquant au départ. En cours d'année, ils s'habituent. Peu à peu, ça fait partie du décor  et ils en parlent moins. » Ils font leur vie à côté. «Dans les immeubles où il y a du deal, c'est plus un sentiment d'insécurité. Ils peuvent être davantage confrontés à des problèmes s'il y a des conflits entre dealers.» Les étudiants de l'Afev sont là pour un an ou deux et semblent moins touchés. C'est plus dramatique pour ceux qui sont embrigadés. Yoann Le Calonnec souligne : « Beaucoup de filles bénévoles ressentent davantage un sentiment d'insécurité : sifflées ou interpellées dans la rue, des remarques misogynes, des difficultés dans les rapports hommes/femmes au quotidien. »

Le nombre d'étudiantes et d'étudiants sollicitant l'Afev augmente : « Malgré le covid, sans pouvoir aller sur les campus, on a eu beaucoup de candidats» : comment être utile ? Comment aider pour les devoirs à la maison ? Ils souhaitent aussi avoir une activité autre pendant la crise sanitaire. « Nous ne pensions pas avoir autant de bénévoles »
 

A l'Afev, (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville) sept étudiants sur dix sont à Rennes2 : socio 1ère année, sciences de l'éducation, langues, histoire
A l'Afev, (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville) sept étudiants sur dix sont à Rennes2 : socio 1ère année, sciences de l'éducation, langues, histoire
Une centaine de jeunes, engagés à Villejean
 
L'Afev propose trois types d'engagement aux étudiantes et étudiants : colocation solidaire, service civique et  accompagnement individuel. Une centaine de jeunes sont engagés  à Villejean cette année.

Les «colocations à projet solidaire » permettent à des jeunes, étudiants, jeunes actifs, ou en Service Civique, de choisir une colocation à loyer modéré en plein cœur d’un quartier populaire et de s’engager à mener des projets collectifs qui créent du lien et de la solidarité entre les habitants. Parmi leurs activités, les relations avec les voisins, samedi après-midi et dimanche : actions festives, repas, dans l'immeuble ou dans le quartier. Parmi les avantages : le loyer pas cher, le collectif. L'Afev propose des appartements gérés par les quatre bailleurs sociaux rennais (1).

Ils quittent la colocation quand ils arrêtent des études en fin d'année ou parfois à cause de l'abandon des études en cours d'année. 7 sur 10 restent au moins deux ans. « Il y a très peu d'échecs », se réjouit Yoann Le Calonnec. « Pour certains, ça tient malgré quelques difficultés : ils n'ont pas d'autre solution. Pour une colocation sur deux, c'est nickel. » Parfois l'état des appartements provoque des départs, pour insalubrité, par exemple. « Les logements se dégradent : c'est vrai aussi pour les autres locataires. »

Le Service civique est un engagement de 26 h par semaine pendant 9 mois. Il y a 22 jeunes cette année dans trois activités différentes : l'accompagnement des colocations , le suivi des bénévoles qui assurent l'accompagnement des enfants, les résidences en collège avec les classes qui reçoivent les enfants allophones arrivants.

L'accompagnement individuel  repose sur un principe simple : deux heures par semaine, tout au long de l’année scolaire, un.e étudiant.e bénévole intervient auprès d’un enfant ou d’un.e jeune (de 5 à 18 ans) rencontrant des difficultés dans son parcours. Il permet aux étudiants de se sentir utile avec des enjeux éducatifs. L'accompagnement d'enfants va de l'atelier skate le mercredi soir au Parc du Berry, au jardin partagé, square de Provence, en passant par l'atelier lecture à la bibliothèque du quartier.

La découverte de la ville pour les enfants accompagnés  bénéficie aussi aux étudiants.  Ils visitent l'opéra, vont au cinéma... Ils découvrent les autres quartiers, les équipements, bibliothèques... Ils rencontrent des familles. L'Afev ne reçoit pas les étudiants dans les bureaux : c'est seulement un lieu de travail. « Dans les colocations solidaires, les étudiants sont davantage touchés par les enjeux territoriaux et le logement », observe Yoann Le Calonnec.

Jean-François Bourblanc

(1) L'Afev compte huit salariés permanents à Rennes.
(2)  Archipel Habitat, Aiguillon Construction, Néotoa, Espacil Habitat

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