Mon rôle, sourit Mathieu ? "Casser les cloisons pour mieux vivre ensemble !"


8 Octobre 2018



Voilà vingt-cinq ans que Mathieu Milan est animateur à Rennes pour le bailleur social Espacil Habitat. Le lien social, il le tricote au quotidien, faisant fi des barrières multiculturelles. Villejean est pour lui un creuset dans lequel fourmillent mille et une occasions de faire la fête des voisins… chaque jour.  

Partager un livre et sa vision du monde

Mathieu a collé une affiche dans les halls d’immeuble de Villejan : « Vous aimez lire ? Venez faire découvrir ce que vous aimez lire ». Le bouche à oreille a fait le reste et un club de lecture a vu le jour : « C’est un temps de rencontre et d’échange autour d’un livre, un moment d’évasion, confie Mathieu. Ensemble, on choisit un livre, on le lit, on partage. En fait, personne n’a vraiment la même compréhension d’un livre. C’est fonction de son histoire, de sa culture, de ses centres d’intérêt… On ne voit pas les mêmes choses, on ne retient pas les mêmes mots. On lit le livre, pour soi, mais aussi pour découvrir ce que l’autre a retenu. Et là, ça devient vraiment vivant et bouillonnant ».

Et si l’une ou l’autre a envie d’écrire, les mots s’assemblent au gré des imaginations. On se plait à devenir poète l’espace d’un instant : « Et le plus satisfaisant, confie Mathieu, avec une fierté non dissimulée, c’est que nous partons à la rencontre des autres. Tous les deux mois, nous allons à la maison de retraite partager un moment autour de la lecture et des textes que nous avons écrits. Et chaque année, nous participons au festival Rue des livres pour y rencontrer des auteurs, les interviewer et écrire des articles dans un petit journal. »
 
Les habitants ont du talent

Il y a quelque temps, Mathieu a proposé une mise en lumière des talents des habitants. Certains peignent, dessinent, font du patchwork, du découpage… Alors, on a monté une exposition pour valoriser les créations artistiques. Et au-delà de la simple démonstration, on a partagé les savoir-faire. Des œuvres collectives sont nées de cette manière. Chaque année, Mathieu organise un tournoi de football qui réunit des dizaines de jeunes de tous les quartiers rennais : « Le thème du respect est fédérateur de ces rencontres. Respect de son partenaire, de son adversaire, de l’arbitre, des organisateurs… »
 
Il y a aussi une chorale, une marche pour la santé, pour lutter contre l’isolement et l’inactivité, à laquelle chacun participe à son rythme. Il y a ces partages d’événements où l’on va ensemble au théâtre, au match de foot, au concert ou à l’opéra. Il y a ces galettes-saucisses partagées, ces spectacles de Noël dans lesquels jeunes et moins jeunes mettent en scène leur quotidien. Tout ce travail de mémoire et de reconnaissance fait au moment d’une réhabilitation d’immeuble ou réaménagement urbain. Et les traditionnelles cérémonies des vœux en début d’année, occasions renouvelées de partages : « Cette année, les habitants se sont mobilisés et ont proposé des animations autour du chant, du théâtre, de la  poésie. Un pot d'amitié a clôturé ce temps fort, réunissant habitant, salariés d’Espacil, élus, acteurs du quartier. Il se dit beaucoup de choses… C’est un moment convivial et chaleureux… dans le hall d’entrée de l’immeuble. »

Sans cesse ré-inventer

Vingt-cinq ans après, Mathieu n’a en rien perdu son enthousiasme même si, dit-il, « le métier a beaucoup changé… » Il y a le turn-over. On ne reste pas indéfiniment locataire dans un quartier, alors les gens changent, ne se reconnaissent plus et il faut sans cesse recommencer, inventer. Il y a ce repli sur soi : « Aujourd’hui, tout passe par le numérique, la vidéo, le smartphone ! C’est plus dur de mettre en mouvement, de trouver ce qui va motiver…Pourtant, le SMS ne remplace pas le contact direct entre les personnes. » Il y a cette évolution des comportements et des modes de vie. Alors, parfois, dans un climat de tension ou d’incivilité, il faut tenter d’apporter de la compréhension, du respect et toujours, enclencher un dialogue.
 
Il y a la transformation du quartier et les conséquences de la crise économique. La réfection de la dalle Kennedy a modifié les circulations et les habitudes dans la ville : « On voit des concentrations de bandes, des jeunes sans emploi, sans activité, qui ont depuis longtemps baissé les bras… Alors il faut renforcer notre présence et ne rien lâcher. Maintenir du lien. C’est vrai, on est souvent assis entre deux chaises, entre médiation et contrôle, animation et sécurité. Plus que jamais, tous les intervenants doivent travailler ensemble, au coude à coude, tout en respectant les frontières de sa zone d’intervention. Chacun doit jouer son rôle. Il faut intervenir rapidement et jamais ne laisser une situation se dégrader. Animateur dans un quartier, c’est un métier de funambule ! Mais qui réserve tant de surprises et de joie… »

Tugdual Ruellan


POUR ALLER PLUS LOIN…
 
Questions à Catherine Hallier, directrice d’agence Espacil Habitat à Villejean
 
Présentez-nous Espacil Habitat…

Espacil Habitat est un bailleur social breton, gérant à Villejean 650 logements situés dans huit immeubles, rue du Nivernais et rue du Bourbonnais. Il s’agit surtout de grands appartements, de type 5 ou de type 6, plutôt dédiés aux familles. D’autres appartements sont dédiés à la colocation étudiante : les jeunes acceptant de partager leur logement et de s’engager dans une action d’entraide, une animation ou un service au quartier, bénéficient de tarifs préférentiels. Nous sommes présents depuis 1967. Aujourd’hui, une équipe de quinze personnes gère ce patrimoine dont quatre ont pour priorité la qualité de vie et les relations de voisinage.
 
Comment s'organise votre lien avec les habitants ?

Notre agence est située au pied des immeubles. À tout moment de la journée, les habitants peuvent venir nous rencontrer ou nous faire part de leurs questions concernant leur logement. Des réflexions sont proposées régulièrement au sein de groupes d’échanges sur les thématiques de la vie du quotidien : la propreté, la quiétude, les animations… Notre rôle est d’accueillir les futurs résidents, de loger, de gérer les logements, d’organiser les attributions. Cette gestion locative s’organise en lien étroit avec nos partenaires, CCAS, CDAS, direction de quartier de la Ville. Très tôt, le choix a été fait de salarier un animateur pour renforcer ce lien entre les habitants.
 
À quels défis faire face ?

Dans le cadre d’une convention avec la Ville de Rennes, nous veillons au mieux-être des habitants. La question de la sécurité occupe aujourd’hui une grande place. Elle passe par le dialogue avec les habitants et les jeunes du quartier.