Menu

Fatima : « La France est multicolore... Il faut juste accepter nos différences.»



Fatima El Kourchi a 37 ans. Née à Rennes, elle a grandi dans le quartier de Bréquigny. Ses parents, originaires de Zagora, dans le sud du Maroc, se sont installés à Rennes en 1976. Il y avait alors besoin alors de main-d’œuvre ouvrière pour le BTP. Ses quatre frères et sœurs vivent en Ille-et-Vilaine, presque tous fonctionnaires de la République française… « et fiers de l’être ! » Fatima travaille aujourd'hui à la mairie de Goven.


Fatima : « La France est multicolore... Il faut juste accepter nos différences.»
Fatima : « La France est multicolore... Il faut juste accepter nos différences.»
2016_10_06_fatima_el_kourchi.mp3 2016 10 06 Fatima El Kourchi.mp3  (7.71 Mo)

Liberté
 
"La liberté… elle a des limites. Les terroristes se donnent la liberté de tuer alors que la liberté, c’est s’exprimer avec des règles, dans le respect de la vie, des lois de la République, sinon, c’est l’anarchie ! La liberté, c’est une ouverture mais derrière, ce sont de grandes contraintes. Il y a un paradoxe que j’observe et qui me fait penser que la liberté est quelque chose de complexe. Les Saddam Hussein, Bachar el Assad… oui, ce sont des dictateurs mais, ils tenaient un équilibre. Tout a explosé et on n’a rien réglé. L’Europe, l’Occident ne peuvent pas juger. On a voulu la liberté à la place des peuples alors que c'était à eux de conquérir leur liberté. Les choses n’ont fait qu’empirer. C’est là que tout prend racine. Alors là, le FN est super content et c’est génial pour eux ! Entre cette haine et cette violence des extrêmes… c’est un choc terrible qui nous attend. Mon père nous a toujours dit : « n’écoutez pas les personnes qui prétendent vous aider au nom de l’Islam ». On voyait bien à l’entrée des mosquées, ces barbus, au regard noir, qui ne disent pas bonjour, inculquer je ne sais quoi aux jeunes égarés. Aujourd’hui, la France contrôle les mosquées, comme les aumôniers qui interviennent dans les prisons, et c’est une condition pour préserver la liberté de culte. Les ignorants tombent dans le piège. J’ai vu des gens, des jeunes, changer du jour au lendemain...

Egalité

La femme est-elle égale à l’homme ? Je ne pense pas. Je ne suis pas une militante féministe mais il y a encore du chemin à parcourir pour parvenir à cette égalité. Une femme peut faire le boulot d’un homme, ça c’est sûr ! Les femmes, elles sont superbes… J’en connais une qui est directrice d’une start-up avec deux enfant… elle n’est jamais fatiguée… il faut qu’elle me donne la recette ! Quand on a envie de réussir, on a tous une porte ouverte ; tout le monde a sa place quelque part, que l’on soit jaune, noir… la France est multicolore. Il faut juste se donner la chance, s’assumer et accepter ses différences. 

Fraternité

La fraternité, c’est rester soudé ensemble, même lorsqu’on est confronté à la difficulté… à la privation de liberté. Nous l’avons vécu en famille et nous savons qu’il ne faut rien lâcher pour rester fraternel. La France sait parfois être fraternelle. Je n’ai fait que des belles rencontres dans ma vie, avec des gens positifs. Les négatifs… je les évite ! Il y a de la place pour tout le monde : il faut juste que l’on collabore, que l’on se donne la main, que l’on travaille ensemble, que l’on vive ensemble. C’est ça la fraternité. Mais tout le monde ne peut pas donner de la même façon. Ça dépend du parcours de chacun et il ne faut pas juger. Il reste beaucoup de préjugés…"
 
 
FATIMA MILITE ET RASSEMBLE, AU-DELA DES DIFFERENCES 

Fatima : « La France est multicolore... Il faut juste accepter nos différences.»
Fatima a suivi une scolarité dans le quartier rennais de Bréquigny. Elle obtient un CAP petit-enfance et fait de nombreux petits boulots, stages, gardes d’enfants, aide aux devoirs, adsem, garderie, maisons de retraite... Elle se marie en 2003 avec un homme, artisan dans le bâtiment, comme elle, d’origine marocaine. Ils s’installent d’abord dans le quartier de Rennes sud :

« J’étais parent d’élèves et j’ai vu comme il y avait une cassure entre les habitants ! Aucun dialogue… Les parents d’origine étrangère ne pouvaient pas participer aux différentes activités, à cause de la barrière de la langue. C’est là que je suis devenue militante pour essayer de les faire participer davantage. Je traduisais tout mais ce n’était pas facile. Les communautés restent entre elles.  

Le directeur du centre social Ty-Blosne a tout fait pour tenter de rassembler les habitants, en sollicitant des gens comme moi, de plusieurs origines, motivés pour susciter la rencontre. L’équipe du centre de loisirs a travaillé, organisé des voyages, cherché des subventions pour emmener des familles, des parents avec leurs enfants… On voyait peu à peu les peurs tomber et c’est vraiment la communication qui a permis ça, des gens avec un pied ici et un pied là. Le terrorisme, c’est d’abord monter les uns contre les autres… c’est ainsi que ça commence. C’est la peur de l’autre et l’ignorance qui crée le rejet de l’autre. Il faut de l’intelligence.

Mon père n’est pas instruit mais il est intelligent et il m’a toujours dit ça que la France n’était pas raciste. Ce ne sont pas des sujets tabous entre nous : on en parle très facilement. A l’époque, mon père me disait qu’ils ne parlaient pas de religion entre eux car c’était de l’intime. Oui, je suis musulmane mais je n’ai pas envie de le dire à tout le monde. Mon voisin est juif, mon boucher catholique… Est-on, pour vivre ensemble, obligé de savoir en quoi croient les gens ? 
 
Mes enfants chantent la Marseillaise et connaissent les paroles. Ils voient bien que les gens mélangent tout. On a essayé de parler des attentats avec des mots simples pour qu’ils comprennent mais on était déphasé. Que dire aux enfants ? C’est parce qu’ils sont musulmans qu’ils tuent tout le monde ? On leur a expliqué que selon nous, ils ne croyaient en personne, que c’étaient des criminels qui n’en ont rien à faire de la vie des autres ni de la leur. Leur but est de se tuer pour aller dans leur paradis. Les musulmans ne tuent pas des gens, ce ne sont ni des terroristes, ni des meurtriers. Nous faisons en sorte de bien instruire nos enfants.

Nous nous sommes installés à Goven en 2010 après avoir acheté notre maison. C’était un rêve qui se réalisait. Alors que je cherchais du travail, je suis tombée par hasard sur une annonce de la mairie de Goven. J’ai postulé, passé deux entretiens et été prise. Je m’occupe de la gestion des salles de la commune, des différents plannings et je valide les demandes. C’est un travail que j’aime. J’ai à faire à tout le monde y compris aux habitants pure souche, aux anciens combattants… Je suis très diplomate. En fait, dans mes relations professionnelles, c’est plus de la place de la femme dont il est question que de la femme arabe. Un bonjour, un merci, une politesse… ça vaut tout l’or du monde."

Propos recueillis par Isabelle Le Chevalier et Tugdual Ruellan. 



1.Posté par lucas le 06/10/2016 21:28
Merci !
Une belle femme intelligente et optimiste , ça fait du bien !

Nouveau commentaire :


Pourquoi ce blog ?
Michel Rouger
Et si l’on demandait à chacun d’entre nous ce qu’évoque la devise républicaine, ces trois petits mots, parfois bafoués, souvent mis à mal quand ils ne sont pas oubliés de nos frontons publics ? Et si l’on prenait le temps de s’interroger sur le sens qu’ils prennent ou qu’ils ont pris dans nos vies ?

Alors, les citoyennes et les citoyens nous diraient leur mécontentement, parfois leur colère de n’être pas considérés, entendus, écoutés. Ils nous diraient leurs peurs et leur fragilité dans une économie mondialisée, monétisée, déshumanisée. Ils hurleraient leurs doutes, leur mépris face aux promesses qui leur sont faites et qui ne sont pas tenues.

Mais ils nous diraient aussi leur joie d’être libres, de pouvoir dire, rêver, encore et toujours penser. Ils nous diraient malgré tout leur espoir de voir poindre des jours meilleurs, leur soif et leur espérance de justice et d’égalité.

A l’initiative du député Jean-René Marsac, nous sommes allés recueillir des paroles, des histoires de vie, des réflexions glanées sur ces bouts de chemin croisés. Histoires Ordinaires propose de les mettre en partage sur ce blog.

Tugdual Ruellan

« Les valeurs de notre République et de notre démocratie sont violemment attaquées. Vers de nouvelles formes d'engagement et de dialogue avec nos concitoyens »

Par Jean-René Marsac, député



Partager ce site

Suivez-nous
Facebook
Twitter
Rss
Mobile