L'ouvrage "Hola desde Cuba" étant épuisé, Histoires Ordinaires propose en accès libre les vingt-quatre portraits réalisés par notre ami poète et philosophe Juan Lazaro Besada dans sa ville de Trinidad ainsi que le portrait de l'auteur.

Une voix très profonde ou l’âme du peuple en chanson




Une voix très profonde ou l’âme du peuple en chanson
Dans un hôtel particulier, l'un de ces trésors que cache Trinidad dans le sanctuaire de son architecture traditionnelle la plus authentique, vit une personne unique, aimée et respectée de tous, mythe vivant et symbole de la culture de la ville. Sa large fenêtre fait l’objet de fréquentes visites d’amis ou de simples connaissances qui, en passant dans la rue, devinent sa haute silhouette, son visage ferme, ses petits yeux bleus et espiègles, sa frange récalcitrante et son humour incisif. Elle possède un fort caractère, comme les vieux cèdres, et a aussi, pour chaque habitant, avec un éternel sourire aux lèvres, un mot témoignant de la sincérité d’un être humain auquel on doit un profond respect pour son intégrité morale, sa dignité, l’art. 

Plus qu'une légende

Isabel Béquer, la troubadour de toujours, a été baptisée par les gens « La Profunda », « La Profonde », et elle aime se faire nommer ainsi par ses amis, qui sont aussi nombreux que les habitants de la ville. Au bout de 78 ans d'existence féconde, « La Profunda » est bien plus qu'une légende vivante du chant troubadour. Sa voix, toujours fraîche et puissante, méprise l'almanach et nous parle avec une présence captivante.
 
Pour ceux qui n’ont jamais visité Trinidad, cela peut surprendre mais ils doivent savoir que la trova traditionnelle est le patrimoine le plus enraciné de cette ville. Pendant plus de six décennies, Isabel a été et est encore le plus fidèle exemple de dévouement à l'art. 
 
À la maison, depuis les premières années de son enfance, elle s'est nourrie de passion pour la musique, son père, ses oncles et tantes étant chanteurs et guitaristes. Elle-même, à une époque où les femmes n’avaient pas l’habitude de pratiquer la musique, et s’inspirant de María Elena Vals qui jouait de cet instrument, elle a appris toute seule à sortir des mélodies à la guitare, cachée derrière la fenêtre de sa chambre, à la grande surprise de ses parents. Elle m'a confié que la première mélodie qu’elle a interprétée a été « La vie en Rose » d’Edith Piaff, quand elle avait à peine 16 ans. 
 
Une vie de troubadour

Ainsi commença une vie dédiée à la musique et à la trova traditionnelle cubaine dont elle est, de droit, plus qu’une ambassadrice. Elle est une statue vivante, un véritable cadeau au peuple. Après avoir étudié à l’École des Beaux Arts, elle a continué sa vie de troubadour en fréquentant différents lieux tels la Maison de Osmín Palau et Rosa Rodríguez où se réunissaient les chanteurs de son époque, un temps dont elle a gardé d’émouvants souvenirs. 
 
Avec une jovialité et une modestie caractéristiques, qui dissimulent ses énormes mérites, elle se réfère à cette maison en disant que lorsqu’elle chantait pendant des journées qui se prolongeaient souvent plus de 24 heures, le propriétaire de la maison disait :  « Pour Isa, ne lui donnez pas le déjeuner maintenant car lorsqu’elle est rassasiée, elle ne chante plus. » Elle avoue qu’elle avait un bon appétit. 
 

Une voix très profonde ou l’âme du peuple en chanson
Anecdotes

L’entendre raconter l’histoire du surnom que le peuple lui a donné est émouvant. Elle raconte, avec cette sincérité qui émane d’une grande âme, que le musicien trinidien Eduardo Hernández, dont elle se souvient avec beaucoup d'admiration et de respect, était celui qu’on appelait « El Profundo ». En 1960, Isabel commence à chanter dans un groupe dirigé par son frère Roger dont le nom était « Roger y su combo ». Ils se présentent dans les locaux du Motel « Las Cuevas ». Avec une mémoire qu'on lui envie, elle se rappelle de tous les membres du « combo ». Après l’accident de son frère, directeur de la formation, elle a changé le nom du groupe contre celui de « Isabel y su combo », puis, après quelques aventures, elle a continué en solo, en chantant toute seule en  troubadour. À partir de ce moment, elle est devenue l’héritière directe du surnom dont elle est fière. 
 
Des anecdotes de sa vie artistique ont défilé devant mes yeux comme un kaléidoscope, mais elle m'a demandé de ne pas les évoquer car elle, au contraire de beaucoup de gens connus, déteste la propagande et la célébration de ses mérites. S’il y a quelque chose dont elle se vante c’est d’être une bonne chanteuse alors que la guitare, une fois dans ses mains, témoigne d’une passion pour la musique qui ne s’éteint jamais. Elle  compose mais sa modestie l'empêche d'avouer le nombre de créations qui sont nées de son inspiration. Sa chanson préférée est « Alma mía », « Mon âme à moi », de la mexicaine María Griver. 
 
Interdite hier, reconnue aujourd'hui

“La Profunda” est la sève de sa ville et de son peuple. Dans sa grande maison, elle habite entourée de quelques chats qui lui tiennent compagnie, de ses parents les plus proches et de quelques photos qui lui rappellent une vie dévouée à la musique. Elle a une modeste pension qui ne satisfait pas tous ses besoins matériels, mais ceci n’est pas d'une grande importance pour elle. L’affection des gens la comble et, dans son foyer, il n’y a pas un seul moment où elle ne reçoit pas un visiteur quelconque, quelqu’un de simple ou quelqu’un d’important, des gens avides de lui serrer la main ou de discuter avec elle et profiter de cet humour incomparable et  de cette sincérité qui la grandissent.
 
Je regrette, car je suis son ami, d’enfreindre sa demande et de révéler qu’Isabel possède la Médaille pour la Culture Nationale, « La Orden Raúl Gómez García », mais aussi la clé de la Maison de la Trova Trinidienne, endroit  où, à un moment donné, on lui a interdit de jouer à cause de ces absurdités qui ont tellement endommagé la culture nationale. Aujourd’hui,  elle est reconnue et les portes lui sont ouvertes. De caractère affable mais ferme, avec une sincérité frisant l'insupportable pour ceux qui ne donnent pas de valeur à cette qualité, elle a l’habitude d’être cinglante lorsque l’occasion le mérite mais elle est très humaine dans les domaines les plus essentiels. Jamais elle n’a voulu être traitée comme une artiste. Elle veut être - et a réussi à l’être - une femme du peuple.

Une voix très profonde ou l’âme du peuple en chanson
Cuba d'abord

Ceux qui visiteront son foyer et vérifieront la modestie et la simplicité avec lesquelles elle vit, ne pourront pas croire qu’il existe de telles personnes. Tout son être est un chant dédié à la nature humaine pour qui toutes les vanités sont superflues.
 
Elle a voyagé aux États-Unis où habitent certains de ses parents et amis de jeunesse mais elle a décidé de revenir, car ici est sa place. Elle est heureuse ici et elle veut y rester, respirant l’air de sa Trinidad natale, entourée de cet amour récolté uniquement par ceux qui irradient l’amour. Il est à remarquer que des grands musiciens cubains qui résident au pays l’ont honoré avec l'affection et le respect dignes de son travail d’interprète de notre tradition musicale la plus authentique.  
 
Sa fête d’anniversaire devient une véritable festivité populaire. La maison se remplit d’artistes de toutes sortes qui viennent rendre honneur à cette amie de l’art qui a fait de la chanson sa raison d’être.

D'une voix vibrante, elle reconnaît qu’elle a beaucoup aimé et qu’elle a réussi, dans sa vie, tout ce qu’elle a voulu. Elle n'envie rien, elle veut uniquement profiter de cette paix portée par ceux qui ont la lumière de l’aurore dans l’âme. 
 
Des larmes de joie

Encore aujourd’hui, malgré ses années de vie, elle a l’habitude d’empoigner la guitare, et sa voix, mélodique et d’un beau timbre, enchante et captive. Je l’ai vue chanter à son peuple et j’ai perçu, dans les yeux des habitants, des larmes de joie. Parce qu’Isabel « La Profonde », cette Trinidienne enracinée, en dépit de ses habituelles invectives contre les choses injustes, car elle n'est pas d'accord avec elles, a le rare pouvoir de captiver par sa sincérité.  
 
Sa voix est la marque de son peuple. Elle vit fière d’être qui elle est et comment elle est. Lorsqu’elle marche dans les rues et que quelqu’un l’appelle « Profunda » ou simplement « Profu », selon la tradition cubaine de rétrécir tous les mots, elle sent que dans son âme naît la joie d’être une femme dont la vie a toujours été synonyme d’aimer à travers la chanson.
 
Isabel Béquer, “La Profonde”, éternelle amoureuse de l’amour et de la chanson, est la fleur la plus exquise d’humanité et d’art qui orne cette ville. À ses côtés, on sent se consumer, de façon éternelle, la flamme de l’art telle une porte vers la joie de la vie. Et même si sa modestie est enviable, il est encore plus enviable de savoir que seulement une femme comme elle peut conquérir - comme elle l’a fait sans aucun doute - le plaisir d’une éternelle jeunesse.

Traduction : Rocio Guerrero
Intertitres : rédaction d'Histoires Ordinaires



Texte original

                Una voz muy profunda o el alma del pueblo hecha canción

En una casa señorial, de esas que Trinidad atesora como sagrario de sus más autóctonas tradiciones arquitectónicas, vive una persona singular, amada y respetada por todos, mito viviente y símbolo de la cultura de esta villa. Su amplia ventana es objeto de frecuentes visitas de amigos o simples conocidos que, al transitar por la calle ven su alta figura, de rostro firme y pícaros ojillos azules, con su inveterado cerquillo y filoso humor, pero de carácter recio como los viejos cedros, que con una eterna sonrisa en los labios tiene, para cada habitante, una palabra desde la cual se vierte la sinceridad de un ser humano digno del más profundo respeto a la entereza moral, la dignidad y el arte. 
 
Isabel Béquer, la trovadora inmemorial a quien el pueblo ha bautizado como “La Profunda”, gusta de ser llamada así por sus amigos, tantos como habitantes tiene la villa. A sus 78 años de fecunda existencia, “La Profunda” es mucho más que una leyenda viva de la canción trovadoresca. Su voz, aún fresca y potente, desprecia al almanaque y nos habla de una presencia cautivadora.
 
Para quienes jamás han visitado Trinidad, esto podría causar asombro, pero deberían saber que la trova tradicional es el patrimonio más raigal de esta ciudad. Y durante más de seis décadas, Isabel ha sido y es el más fiel ejemplo de consagración a este arte.
 
En su casa, desde los primeros años de infancia, bebió la pasión por la música, pues su padre, tíos y tías eran cantantes y guitarristas. Ella misma, en una época en que las mujeres no solían ejecutar instrumentos musicales, inspirada en el ejemplo de María Elena Vals, que tocaba este instrumento, aprendió sola a extraer de la guitarra las melodías, escondida tras del escaparate del cuarto de su casa, para sorpresa de sus progenitores. Y me confesó, que la primera melodía que interpretó fue “La vie en Rose” de Edtih Piaff, cuando apenas tenía 16 años de edad.
 
Así se inició una vida consagrada a la música y la trova tradicional cubana, de la cual es, por derecho propio, mucho más que una embajadora. Es una estatua viviente, un verdadero regalo para este pueblo. Tras estudiar en la Escuela de Artes y Oficios, continuó su vida de trovadora, frecuentando diferentes lugares, como la casa de Osmín Palau y Rosa Rodríguez, donde se reunían los cantores de su época y de la cual guarda emocionados recuerdos.
 
Con su jovialidad y modestia características, que la hacen ocultar sus más que sobrados méritos, refiere que en esa casa, cuando ella acudía a cantar durante jornadas que solían extenderse por más de veinticuatro horas, el dueño solía decir: “A Isa1 no le den almuerzo ahora, porque cuando se llena, entonces no canta”. Confiesa que tenía un buen apetito.
 
Oírla relatar de donde le vino el sobrenombre con que el pueblo la ha bautizado conmueve. Relata, con esa sinceridad nacida de un alma grande, que el músico trinitario Eduardo Hernández, a quien recuerda con enorme admiración y respeto, era a quien se llamaba “El Profundo”. Isabel se integró a cantar en un grupo dirigido por su hermano Roger, cuyo nombre era “Roger y su combo” en el año 1960, presentándose en las instalaciones del Motel “Las Cuevas”. Con una memoria envidiable recuerda a todos los integrantes del combo. Al accidentarse su hermano Roger, director de la agrupación, esta cambió su nombre por el de “Isabel y su combo” y luego, tras algunas peripecias, se quedó cantando en solitario como trovadora. Y partir de ahí se convirtió en la heredera, por derecho propio, del apelativo que tanto la enorgullece.
 
Anécdotas de su vida artística desfilaron ante mis ojos como un caleidoscopio, pero me pidió que no las mencionara, pues detesta, al contrario de muchos famosos, la propaganda y exaltación de sus méritos. Si de algo se ufana es de ser una buena cantante, aunque la guitarra en sus manos hable de una pasión por la música jamás apagada. Compositora, su modestia no confesó cuántas creaciones se deben a su numen. Su canción preferida es “Alma mía” de la mexicana María Griver.
 
“La Profunda” es savia de su pueblo. En su casona vive rodeada de algunos gatos que le acompañan, sus familiares más cercanos y las fotos que le recuerdan una vida entregada a la música. Tiene una modesta pensión que no satisface todas sus necesidades materiales, pero esto no tiene para ella gran significación. El cariño de todo su pueblo la llena y no hay momento en su hogar en que no reciba a algún visitante, sea sencillo o importante, ávido de estrechar su mano o charlar con ella, disfrutando de ese humor inigualable y esa sinceridad que la elevan. El inventario de grandes personalidades de nuestra vida cultural que cuenta entre sus amistades es más extenso que un directorio telefónico.
 
Me apena, porque soy su amigo, contradecir su petición y revelar que Isabel es poseedora de la Medalla por la Cultura Nacional, la Orden “Raúl Gómez García” y la Llave de la Casa de la Trova Trinitaria, lugar donde en un tiempo se le prohibió actuar por esos absurdos que tanto han dañado a la cultura nacional, aunque hoy se le reconozca y tenga esas puertas abiertas. “La Profunda” es venerada como reliquia en Trinidad. De carácter afable pero firme. Con una sinceridad rayana en lo insufrible para quienes no valoran esta cualidad, suele ser mordaz cuando la ocasión lo requiere, pero es humana en su dimensión más esencial. Nunca ha querido ser tratada como artista. Quiere ser –y lo ha conseguido- una mujer de su pueblo.
 
Quienes visiten su hogar y comprueben la modestia y sencillez con que vive, no podrían creer que existan personas así. Toda ella es un canto a la naturalidad del ser humano para quien las vanidades son superfluas.
 
Viajó a los Estados Unidos, donde residen varios de sus familiares y amigos de mocedad decidió regresar, porque este es su sitio. Aquí es feliz y aquí quiere estar, respirando el aire de su Trinidad natal, rodeada de ese amor que solo reciben quienes irradian amor. Y conste que grande músicos cubanos radicados allí la honraron con ese amor y respeto a la enorme significación de su quehacer como intérprete de nuestra más genuina cancionística.
 
Su fiesta de cumpleaños deviene verdadero jolgorio popular. La casa se llena de artistas de todas las manifestaciones que van a rendirle culto a esa amiga del arte que ha hecho de la canción su razón de ser.
 
Con voz llena de vitalidad, reconoce que ha amado mucho y logrado en su vida cuanto ha querido. No envidia nada, únicamente gozar de esa paz de quienes llevan luz de aurora en el alma.
 
Aún hoy, a pesar de sus años, suele en ocasiones empuñar la guitarra y su voz, melodiosa y bien timbrada, encanta y cautiva. La vi cantarle a su pueblo en una ocasión y percibí en los ojos de los habitantes lágrimas de gozo. Y es que Isabel, “La Profunda”, esa trinitaria raigal, a despecho de sus habituales exabruptos de cólera ante las cosas injustas, pues no comulga con ellas, tiene el raro don de cautivar por su sinceridad.
 
Su voz es una marca del pueblo. Ella vive orgullosa de ser quién y cómo es. Por eso, cuando a su paso por las calles, alguien la llama “Profunda”   o simplemente “Profu”, por esa costumbre cubana de achicar todas las palabras, siente  nacer en su alma la alegría de ser una mujer para quien la vida ha sido siempre amar a través de la canción.
 
Isabel Béquer, “La Profunda”, eterna enamorada del amor y de la canción, es la más exquisita flor de humanidad y arte que orna esta villa y a su lado, se siente eternamente ardiente la llama del arte como puerta al goce de la vida. Y si su modestia es envidiable, más envidiable es saber que solamente una mujer como ella puede conquistar –como sin dudas lo ha hecho- el disfrute de una eterna juventud.



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Michel Rouger
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Chez Juan Lazaro, le poète philosophe
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