L'ouvrage "Hola desde Cuba" étant épuisé, Histoires Ordinaires propose en accès libre les vingt-quatre portraits réalisés par notre ami poète et philosophe Juan Lazaro Besada dans sa ville de Trinidad ainsi que le portrait de l'auteur.

Un personnage aimé et détesté ou les métamorphoses du CUC




Un personnage aimé et détesté ou les métamorphoses du CUC
Il y a quelques années déjà, tout paraissait s’effondrer dans la société cubaine. À la suite de la disparition du bloc socialiste en Europe de l’Est, l’économie nationale souffrait sous les ravages d’un effondrement économique qui fit annoncer, à beaucoup de devins, la chute de Cuba. C'est alors qu'apparut dans la société un personnage qui changea la pensée et la conduite des habitants de l’île. 

Il n’est pas grand ni de forte corpulence. Pas même capable d'articuler des mots. Mais sa seule présence crée de miraculeux changements chez les gens et dans les comportements. Il a un nom et plusieurs surnoms,  si nombreux que la mémoire peine à se souvenir de tous. Je parle du Peso Cubain Convertible, le CUC.

Le fruit du blocus

Eh oui, mes chers lecteurs. C’est la monnaie qui a remplacé les devises des pays les plus divers du monde, spécialement le dollar nord-américain, introduit à Cuba aux débuts de notre vie républicaine et qui fut ensuite tellement haï à cause de la différence entre notre révolution et le gouvernement des États-Unis. Cette monnaie est le fruit du harcèlement et du blocus de fer imposés à notre île par les voisins du nord. 
 
À la différence de notre Peso cubain, le CUC est de plusieurs couleurs avec une impression plus soignée et une conception graphique originale. L’imaginaire populaire, porté sur les surnoms, l’a baptisé de plusieurs titres exprimant une même idée : la vigueur et la capacité à réussir tout ce qu’il veut. Par exemple, on l’appelle « fula », nom qui provient d’une ethnie africaine arrivée à Cuba comme esclave aux temps de la colonisation : c'est une allusion directe à la grande force de ces esclaves amenés pour affronter l’éreintant travail agricole que les conquistadors ne voulaient pas et n’étaient pas prêts à réaliser.

Un personnage aimé et détesté ou les métamorphoses du CUC
Les « Magasins Collecteurs de Devises »

Le CUC a révolutionné la société cubaine. Avant son entrée en vigueur, nous,  tous les cubains, étions égaux. Nous pouvions acquérir n’importe quel produit avec la monnaie nationale que nous recevions à travers les salaires versés par l’État. Lorsque le dollar est arrivé, et avec lui toutes les inégalités sociales, les magasins se sont divisés en deux : ceux  destinés à vendre en monnaie nationale, avec ses pauvres approvisionnements, et ceux nommés « Tiendas Recaudadoras de Divisas », « Magasins Collecteurs de Devises » baptisés « shoopings » par l’imaginaire populaire. Là, il est uniquement possible de payer en monnaie forte (le dollar ou une autre similaire, la libre sterling, l’euro, le yen… la nationalité n’est pas importante). Mais, comme il est normal, on ne pouvait pas permettre que circule à Cuba le dollar nord-américain, la monnaie du pays qui durant autant de décennies a essayé de détruire notre révolution. C’est pour cela qu’il a été nécessaire de faire naître le CUC. 
 
L'enfant est venu au monde et s'est développé rapidement. Il a grandi en s’appropriant des espaces plus grands. Plus personne ne s’est intéressé  à son pauvre petit frère, le faible Peso cubain, viellissant et manquant de force, incapable de satisfaire les besoins des foyers. Maintenant, le nouveau descendant de la famille concentre l'attention. 
 
Une nuit, une de ces nuits typiques à Cuba, au moment où la chaleur épuise et où le cerveau résiste à la pensée, je me suis décidé à converser avec lui intéressé à découvrir quelle était sa vision de l’existence. Et croyez-moi, le dialogue fut tellement intéressant que je ne résiste pas à la tentation de le reproduire.

Le CUC, un besoin essentiel pour le chauffeur de taxi...
Le CUC, un besoin essentiel pour le chauffeur de taxi...
« Est-ce que tu te considères comme une sorte de dieu ? »

- Ami CUC, pourquoi es-tu aussi aimé et désiré ? Quel est le secret de ta popularité ?
 
- J’évite de te répondre avec des arguments sophistiqués, me répliqua-t-il. Mais il serait peut-être bien que tu le saches, si jamais tu l’ignores, que je suis le fils de la nécessité. Et ceci est une puissante raison, une raison de peso, de poids ($)1. Ceux qui me possèdent satisfont presque tous leurs besoins matériels. Je ne suis pas aussi puissant pour rentrer dans le monde de l’esprit, mais au moins, je peux réussir à faire que les gens aient les objets qu’ils désirent. Et ceci n’est pas quelque chose de méprisable.
(1) NDLR.  En espagnol PESO veux dire “poids” et “peso” est la monnaie nationale. L’auteur fait un jeu de mots et met, pour cela, entre parenthèses, le signe $.
 
- Ne crois-tu pas que ta naissance a été la cause de grandes inégalités sociales ?
 
- Eh bien, ce n’est pas ma préoccupation. J’ai le droit de vivre. Et, malheur  à ceux qui ne me cherchent pas. Une autre chose est la manière dont ils le font. Je ne peux pas éviter que les êtres humains soient ambitieux. J’essaie juste de leur apporter ce qu’ils désirent même si, au final, on réédite le mythe du Docteur Faust. Je dois avouer que mon irruption  a été, dans un sens, une source de problèmes. Néanmoins, tu ne peux pas me blâmer pour cela.  
 
- Alors, « est-ce que tu te considères comme une sorte de dieu ? »
 
- Non mon ami, non. Même pas un thaumaturge. Je suis destiné à essayer de maintenir l’édifice social pendant les périodes de crise. Rien de plus que ça.

... Comme pour les musiciens
... Comme pour les musiciens
« Monsieur CUC a créé un changement total dans les esprits »

Ces quelques phrases ont suffi pour que mon imagination commence à découvrir, au delà de ses mots, des significations sous-jacentes.
 
Le CUC, par son omniprésence, a fait des « miracles ». Ceux qui étaient auparavant de simples travailleurs œuvrant au bien-être du pays et de leur famille, sont aujourd’hui de petits entrepreneurs privés, propriétaires d’auberges à louer aux touristes, possesseurs de restaurants connus tels que les « paladares ». Ou alors, dans les cas les moins heureux, ils sont des « jineteros », c’est-à-dire des personnes qui proposent aux touristes une infinité de services comme les promenades à cheval, les ventes illégales de cigares cubains, des distractions faciles à bas prix et autres beautés similaires. 
 
La jeunesse ne ressent plus, comme c’était le cas dans les temps plus heureux, la passion pour les études et le travail. Maintenant, la vie est plus simple : elle est devenue une course pour gagner des CUC. Les esprits se sont atrophiés dans des proportions incroyables. Tout tourne autour de cette monnaie. 
 
La vie du Cubain a beaucoup changé. Avant, un touriste était vu comme un ami auquel on donnait des informations sur notre culture et notre histoire. Aujourd’hui, il est une source potentielle pour obtenir de l’argent. Les proverbiales affabilité et générosité cubaines sont devenues une mascarade derrière laquelle se cachent les égoïsmes les plus innombrables. L’attention portée aux emplois de l’État est presque nulle car monsieur CUC a créé un changement total dans les esprits et les centres d'intérêts des habitants de l’île. Et même, ils sont nombreux ceux qui rêvent de fixer leur résidence dans un pays au-delà des mers et de nos frontières pour profiter de ce bien-être, qu’ils pensent leur être fourni uniquement par l’argent. 
 
Nouveau seigneur de Cuba, le CUC n’est pas seulement une monnaie. À travers sa circulation chemine toute une histoire différente. Il a fait en sorte que l’immense majorité des cubains a dans son cerveau, les vers célèbres et biens connus du poète espagnol du XVI° siècle Francisco de Quevedo :
 
« Puissant chevalier est Monseigneur L'Argent. »

Traduction : Rocio Guerrero

Intertitres : Rédaction d'Histoires Ordinaires



Texte original

                            Un personaje amado y odiado o los avatares del  CUC

Hace ya algunos años, cuando todo parecía derrumbarse en la sociedad cubana, tras la desaparición del campo socialista en Europa del Este y la economía nacional padecía bajo los embates de un colapso económico que hizo a muchos agoreros anunciar la caída de Cuba, apareció en la sociedad un personaje que ha cambiado el pensamiento y la conducta de los habitantes de la isla.
 
No es alto, ni fuerte de complexión. Siquiera es capaz de articular palabras, pero su sola presencia opera cambios milagrosos en las personas y las conductas. Tiene un nombre y varios apodos, tantos, que apenas alcanza la memoria para recordarlos todos. Hablo del peso cubano convertible o CUC.
 
Sí, queridos lectores. Es la moneda que sustituye a las divisas procedentes de los más diversos países del mundo, especialmente del dólar norteamericano, introducido en Cuba desde los inicios de nuestra vida republicana y que luego fuera tan odiado a causa del diferendo entre nuestra Revolución y el gobierno de los Estados Unidos, producto del acoso y el férreo bloqueo impuesto a nuestra isla por los vecinos del norte. 
 
A diferencia de nuestro peso cubano, el CUC es de varios colores, con una impresión más cuidada y un diseño original. La imaginación popular, tan propensa a los sobrenombres le ha bautizado con diferentes apelativos que  expresan una idea común: fortaleza y capacidad de conseguir cuanto se desea. Por ejemplo, le llaman “fula”, nombre proveniente de una etnia africana que vino a Cuba como esclava en los tiempos de la colonia, en alusión directa a la fortaleza de estos esclavos traídos para afrontar el durísimo trabajo agrícola que los conquistadores no querían ni estaban dispuestos a hacer.
 
El CUC revolucionó la sociedad cubana. Antes de su entrada en vigor, todos los cubanos éramos iguales. Podíamos adquirir cualquier producto con la moneda nacional, en la cual recibíamos los salarios abonados por el Estado. Cuando el dólar arribó y con él, las desigualdades sociales, las tiendas se dividieron en dos: las destinadas a vender en moneda nacional, con sus deficientes surtidos y las llamadas Tiendas Recaudadoras de Divisas, bautizadas por el imaginario popular como “shoppings”, donde únicamente es posible pagar con la moneda fuerte, (entiéndase dólar u otra similar, sea libra esterlina, euro o yen, que no importa la nacionalidad). Pero como es natural, no se podía permitir que circulara en Cuba el dólar norteamericano, la moneda del país que durante tantas décadas ha tratado de destruir a nuestra Revolución. Por ello, fue necesario hacer nacer al CUC.
 
Y la criatura vino al mundo y se desarrolló rápidamente. Creció y se fue apropiando de mayores espacios. Ya a nadie le interesaba el pobre hermanito menor, el débil peso cubano, envejecido y carente de fortaleza, incapaz de solucionar las necesidades hogareñas. Ahora, el nuevo vástago de la familia era el centro de la atención.
 
Una noche, de esas típicas noches cubanas, cuando el calor agota y el cerebro se resiste a pensar, me decidí a conversar con él interesado en descubrir cuál era su visión de la existencia. Y crean, fue tan interesante el diálogo, que no resisto la tentación de reproducirlo.
 
-Amigo CUC, ¿por qué eres tan amado y deseado ; ¿Cuál es el secreto de tu popularidad?
 
-Obvio responderte con argumentos sofisticados, me replicó. Pero tal vez sería bueno que supieras, si acaso lo ignoras, que soy hijo de la necesidad. Y esa es una poderosa razón, una razón de peso ($).Quienes me poseen, satisfacen casi todas sus necesidades materiales. No soy tan poderoso como para penetrar en el mundo del espíritu, pero al menos puedo lograr que las personas tengan los objetos que desean. Y eso no es algo despreciable.
 
-¿No crees, que tu nacimiento ha sido causa de grandes desigualdades sociales?
 
-Bueno, eso no es de mi incumbencia. Tengo derecho a vivir. Y pobres de quienes no me busquen. Otra cosa es la forma en que lo hagan. No puedo evitar que los seres humanos sean ambiciosos. Solo trato de proporcionarles aquello que anhelan, aunque al final se reedite el mito del Doctor Fausto, aunque debo aceptar que mi irrupción ha sido, en cierto sentido, factor desencadenante de problemas. Sin embargo, no puedes culparme por ello
.
-Entonces, ¿te consideras una especie de dios?
 
-No, amigo, no. Ni siquiera de taumaturgo. He sido destinado para tratar de sostener el edificio social en momentos de crisis. Nada más que eso.
 
Bastaron esas pocas frases para que mi imaginación comenzase a descubrir, más allá de sus palabras, significados subyacentes.
 
El CUC, con su omnipresencia, ha hecho “milagros”. Quienes antes eran simples trabajadores, consagrados a trabajar por el bienestar del país y de sus familias, son hoy pequeños empresarios privados, dueños de hostales para alquiler a turistas, poseedores de restaurantes conocidos como “paladares” o, en los casos menos afortunados, “jineteros”, o sea, personas que proponen a los turistas infinidad de servicios como paseos a caballo, ventas ilegales de puros cubanos, diversiones fáciles a bajo costo y otras lindezas similares. La juventud ya no siente, como en tiempos más felices, la pasión por estudiar y trabajar. Ahora, la vida es más sencilla: se ha convertido en una carrera para obtener CUC. Las mentes se han simplificado en proporciones increíbles. Todo gira en torno a esta moneda.
 
La existencia del cubano ha variado mucho. Antes, un turista era visto como un amigo a quien se le informaba sobre nuestra cultura e historia. Hoy, es una posible fuente de obtención de dinero. Las proverbiales afabilidad y generosidad cubanas se han convertido en una máscara tras la cual se esconden los más incontables egoísmos. Y el interés por el trabajo estatal es casi nulo, porque el señor CUC ha operado un cambio total en las mentes e intereses de los habitantes de la isla. E incluso, son muchos los que sueñan con fijar su residencia en un país allende de nuestras fronteras, para disfrutar de ese bienestar que creen puede proporcionar únicamente el dinero.
 
Nuevo señor de Cuba, el CUC no es solamente una moneda. Detrás de su circulación se mueve toda una historia diferente. El ha hecho que la inmensa mayoría de los cubanos tenga en su cerebro los famosos y conocidos versos del poeta español del siglo XVI, Francisco de Quevedo :
 
“poderoso caballero es Don Dinero”.



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Bienvenue à Cuba
Michel Rouger
Pays-prison pour les uns, pays de l'utopie en marche pour les autres : quand on parle de Cuba, la caricature n'est jamais loin. Et si l'on chassait les fantasmes ? Gardons les clichés qui ne sont pas faux - la musique, le rhum, le cigare, les plages... - et pour le reste déposons les idées reçues. S'arrêter, regarder, s'interroger. Cuba, au tournant de son histoire, contrainte de s'ouvrir pour survivre, a beaucoup à dire à un monde désaxé, en recherche d'un horizon plus humain. Surtout ses habitants. Et Juan, le poète et le philosophe, peut-être un peu plus que d'autres. Une amitié s'est nouée avec Histoires Ordinaires. Désormais, deux fois par mois, Il nous raconte ses histoires, des histoires vraies. Merci Juan de nous accueillir dans ta maison, Cuba.

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Chez Juan Lazaro, le poète philosophe
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