L'ouvrage "Hola desde Cuba" étant épuisé, Histoires Ordinaires propose en accès libre les vingt-quatre portraits réalisés par notre ami poète et philosophe Juan Lazaro Besada dans sa ville de Trinidad ainsi que le portrait de l'auteur.

À Trinidad, les confessions d’un jinetero




À Trinidad, les confessions d’un jinetero
Je ne sais pas comment commencer cette histoire qui sera certainement très difficile, certains la trouveront même offensante, mais la vérité ne doit jamais être cachée, même s’il y en a qui s’efforcent de le faire. 

Le protagoniste de cette histoire est un jeune. Fort et beau, d'un caractère   ferme mais agréable, cultivé, éveillé et décidé. Doté d'un teint mat et de traits réguliers réflétant le métissage cubain, né en 1985, il est « jinetero », un mot qui réunit tellement de significations qu’il n'est pas possible de les imaginer. 

Je commence par vous dire qu’un « jinetero » est une personne qui gagne sa vie en offrant aux touristes, de façon illégale, de nombreux plaisirs. De la vente des cigares, les célèbres cigares cubains convoités dans le monde entier, jusqu’au plaisir sexuel, ce qui devient un commerce assez lucratif bien que réellement détestable car cela dégrade la personne humaine dans sa morale essentielle. 

Sportif, passionné de lutte, dès 8 ans
 
« Jaime » - permettez-moi de cacher le nom réel du protagoniste sous ce pseudonyme - n’est pas non plus un de ces jeunes qui n’a jamais rien fait d'honnête. Non, son histoire a tellement de facettes dignes d’être connues que le fait d’avoir discuté avec lui et découvert ses motivations, m’a révélé certaines choses que je n’aurais jamais cru possibles. 

À Trinidad, les confessions d’un jinetero
Ce jeune, depuis son très jeune âge, a pratiqué des sports. À 8 ans, il se trouvait dans une école de sports dans la spécialité de la lutte. Selon ses propres mots, ce sport l’a toujours attiré et il a même participé à plusieurs « Jeux Scolaires Nationaux » dans lesquels il a réussi à obtenir un total de sept médailles, trois en or et les autres en argent, ce qui permet d’affirmer que c'était un bon athlète dans sa pratique.
 
En 2003, il fut appelé au Service Militaire et après un an de service dans l’armée, libéré pour continuer ses études à l’Université, en Licence de Culture Physique (STAPS). Grâce à ses qualités et à son dévouement, il fut boursier émérite - assistant dans l’équipe de lutte – puis devint entraîneur dans ce sport. Il me rapporte, avec une pointe de tristesse dans les mots et une expression de chagrin sur son visage, que le salaire le plus élevé qu’il ait gagné, a été de 289 pesos cubains, c’est-à-dire 11, 50 CUC (ndlr : moins de 9 €).

La prison, les jeux puis « jinetero »
 
La conversation avec lui est fluide car ce jeune garde, malgré sa vie, une énorme dose de force vitale. Il ne se cache pas, il ne nie pas ce qu’il est. Je peux ne pas partager ses raisons, ne pas être d’accord avec la façon de vivre qu’il a choisi,  mais je sens qu’il mérite d’être respecté.

En 2008, il a écopé, à la suite d’un problème personnel, de deux années d'emprisonnement puis, au terme de cette sanction judiciaire, en 2010,  commencé à se consacrer aux combats de coqs et autres jeux d’intérêt, interdits dans le pays mais si chers aux cubains. 

À Trinidad, les confessions d’un jinetero
L’année suivante, il a entamé sa vie de « jinetero ». Et c’est là que l’histoire commence à apparaître avec netteté. Sans aucune réticence, il m’avoue qu’à ses débuts, il se consacrait à amener les touristes aux « paladares » (ndlr : restaurants familiaux), car ils lui payaient une commission pour ce service ; en plus il leur proposait des promenades à cheval et leur vendait des cigares. Toutes ces activités lui procuraient une bonne rentrée économique. Il me précise que jamais il ne s'adonnerait aux drogues car, et je reprends ses propres mots , « ça c’est du feu ». S'il en a vendu, c'est par nécessité de trouver de l’argent, parce que les conditions économiques le poussaient à cela. 

De nombreuses touristes cherchent des « amants d’occasions »
 
Avec une franchise incroyable, il raconte qu’il a débuté dans le tourisme de faveur sexuelle depuis l’année en cours. Il m'indique que de nombreuses touristes viennent sur l’île pour chercher des « amants d’occasions » et qu’elles payent de fortes sommes d’argent pour obtenir des moments de plaisir sexuel. 

Quand je lui demande s’il se considère lui-même comme un proxénète ou comme un simple « latin lover », sa réponse est négative. Il n’exige rien des touristes, simplement il accepte ce qu’on lui donne, qu'il s'agisse d'argent, de vêtements, d'invitations à boire, à manger, à danser ou on ne sait quoi d'autre.

Néanmoins il me signale que certains de ses amis peuvent recevoir comme prix de leurs services jusqu’à 600 CUC, tout dépend de la solvabilité économique de la touriste et de leurs compétences amoureuses. Je n’ai pas voulu lui demander ce qu'il en était pour lui car il m'a paru nécessaire de respecter son univers personnel. 

À Trinidad, les confessions d’un jinetero
« Je veux être une personne normale »

Il m'a confessé que cette vie ne lui plaît pas du tout. Elle est, et je reprends ses propres expressions, « sale et très dure, pleine d'embûches. Parfois, je dois faire du sexe contre de l’argent, mais sans sentiments et même contre ma volonté. »
 
Je l’ai entendu me dire avec un sérieux qui m'a surpris : « Si je pouvais travailler, gagner un salaire et satisfaire mes besoins, je laisserais cette vie et je vivrais comme une personne normale. Je veux être une personne normale, non pas un individu qui vit en marge de la loi et qui est objet d’une surveillance constante. » Il avoue : « J’aimerais qu’une étrangère m’invite à voyager pour travailler là-bas et pouvoir aider ma famille. »
 
Jaime est surprenant, non seulement par ses expressions, mais aussi par l’incroyable sincérité de ses confessions. Lorsque je lui demande s’il aimerait partir de Cuba, il me répond avec une fermeté qui ouvre sur une énorme question : « Je partirais et je ne reviendrais jamais car ils ont ruiné mon avenir. Avant d’être un "jinetero", je vivais pour le sport et pour les études. »

Merci, Jaime
 
Amis lecteurs, ceci est une histoire triste, très triste et même honteuse si on veut, mais elle est réelle. Jaime est un jeune qui, en raison des carences économiques, a choisi une voie critiquable, mais il faut penser aux causes de sa décision avant d’émettre un jugement qui condamne.
 
Je ne peux pas approuver son comportement, car la pauvreté matérielle n’est pas et ne peut jamais être un prétexte pour vendre l’éthique personnelle ou la dignité, mais la réalité a tendance à être dure, contradictoire et certaines fois déchirante.
 
Je sais que beaucoup n’aimeront pas cette histoire. Je sais que je recevrai des critiques et peut être l’incompréhension de ceux qui ne veulent pas voir la réalité telle qu’elle est. Mais s’ils méditent profondément aux causes qui ont amené Jaime vers cette vie, s’ils s’assoient pour essayer de comprendre, peut-être ne seront-ils pas des juges sévères et s’efforceront-ils de travailler pour réussir, dans notre île, à changer certaines conceptions économiques.
 
Merci, Jaime, d’être aussi incroyablement sincère. La valeur de ton témoignage prouve que tu as encore, à l’intérieur du cœur, une dignité qui mérite d’être sauvegardée. 

Traduction : Rocio Guerrero
(Intertitres : Rédaction d'Histoires Ordinaires)


Texte original :

                                                          Confesiones de un jinetero

 
 
No sé cómo empezar esta historia, que ciertamente resultará difícil, incluso habrá quienes la consideren ofensiva, pero la verdad no debe jamás ser ocultada, aunque hayas quienes se empeñen en ello.
 
El protagonista de esta historia es un joven. Fuerte y bien parecido, de carácter firme, pero agradable, culto, despierto y decidor. De tez morena y facciones correctas, que denotan la mezcla racial cubana, nacido en 1985, es jinetero, palabra que encierra tantos sentidos como no es posible imaginar.
 
Comienzo por decirles, que un jinetero es una persona que vive de proporcionar a los turistas de forma ilegal, numerosos placeres Desde la venta de puros, los famosos puros cubanos tan codiciados en el mundo entero, hasta placer sexual, lo cual deviene en un comercio del cuerpo bastante lucrativo, aunque sea realmente detestable por cuanto degrada a la persona humana en su moral esencial.
 
Jaime, -permítanme que esconda el nombre real del protagonista bajo ese pseudónimo, no es uno de esos jóvenes que jamás ha hecho nada honesto. No, su historia tiene tantas facetas dignas de ser conocidas, que haber conversado con él, descubrir sus motivaciones, me ha revelado algunas cosas que jamás creí posible.
 
Este joven, desde edades muy tempranas practicó deportes. A los 8 años de edad ya se encontraba en una escuela deportiva, en la especialidad de lucha. Según sus propias palabras, este deporte siempre le atrajo e incluso participó en varios Juegos Escolarees Nacionales, en los cuales llegó a obtener un total de 7 medallas, de ellas tres de oro y otras tres de plata, lo cual permite asegurar que era bueno en su quehacer como atleta.
 
En el año 2003 fue llamado al Servicio Militar y luego de estar sirviendo en el ejército un año, al siguiente fue liberado para que continuase sus estudios de Licenciatura en Cultura Física en la Universidad. Por sus cualidades y dedicación fue nombrado alumno- ayudante del equipo de lucha y posteriormente se convirtió en entrenador de este deporte. Me refiere, con un dejo de tristeza en sus palabras y la emoción visible en su sufrido rostro, que el salario más alto que devengó fue de 289.00 pesos cubanos, o sea, el equivalente a 11.50 CUC.
 
La conversación con él es fluida, porque este joven conserva, a pesar de su vida, una enorme dosis de fuerza vital. No se esconde ni niega lo que es. Puedo no compartir sus razones, no estar de acuerdo con la forma de vivir que ha escogido, pero siento que merece ser respetado.
 
En el año 2008 sufrió, por un problema personal, dos años de internamiento correccional y al término de la sanción judicial, en el año 2010, comenzó a dedicarse a las peleas de gallo y otros juegos de interés, prohibidos en el país pero tan del gusto de los cubanos.
 
Al año siguiente inició su vida como jinetero. Y aquí es donde la historia empieza a perfilarse con nitidez. Sin ninguna reticencia me confiesa que en sus inicios se dedicaba a llevar turistas a paladares, pues le pagaban una comisión por este servicio, además les ofrecía paseos a caballo y vendía puros. Todas estas actividades le proporcionaban una buena entrada económica. Y me aclara que jamás se dedicaría a las drogas, porque, y repito sus propias palabras: “eso es candela”. También me refiere que lo hizo por la necesidad de buscar dinero, ya que las condiciones económicas le impulsaban a ello.
 
Con una franqueza admirable, cuenta que se inició en el turismo de complacencia sexual a partir del año en curso. Incluso me aclara que numerosas turistas vienen a la isla a buscar “amantes de ocasión” y pagan fuertes sumas de dinero para obtener esos momentos de placer  sexual.
 
A mi pregunta de si se considera a sí un proxeneta o un simple “latin lover” responde de forma negativa. Él no exige nada de las turistas, simplemente acepta lo que le ofrezcan, sea dinero, ropa, invitaciones a beber o comer, a bailar o quien puede saber qué otra cosa, aunque me aclara que algunos de sus amigos pueden llegar a recibir como premio a sus servicios hasta 600 CUC en dependencia de la solvencia económica de la turista y a sus habilidades amatorias No quise preguntarle, pues me pareció necesario respetar su universo personal.
 
Me confesó, que esta vida no le agrada en lo absoluto. Que es, y repito sus propias expresiones: “sucia y muy dura, llena de escollos. A veces debo hacer sexo por dinero, pero sin sentimientos y en contra incluso de mis deseos”.
 
Le escuché decirme, con una seriedad que me asombró: “Si pudiera trabajar, ganar un salario y satisfacer mis necesidades, dejaría esta vida y viviría como una persona normal. Quiero ser una persona normal, no un individuo que vive al margen de la ley y es objeto de constante vigilancia”.
 
Y confiesa: “Quisiera que alguna extranjera me invitara a viajar para trabajar allá y poder ayudar a mi familia”.
 
Jaime es sorprendente, no solo por sus expresiones, sino por la increíble sinceridad de sus confesiones. Al preguntarle si le gustaría irse de Cuba, me responde con una firmeza que deja abierta una enorme interrogante: “Me iría y no regresaría, porque arruinaron mi futuro. Antes de ser jinetero viví para el deporte y los estudios”.
 
Amigos lectores, esta es una historia triste, muy triste y hasta vergonzosa, si se quiere, pero real. Jaime es un joven que, debido a las carencias económicas ha escogido una senda reprobable, pero habría que pensar las causas de su decisión antes de emitir un juicio condenatorio.
 
No puedo aprobar su conducta, porque la pobreza material no es, ni jamás puede ser pretexto para vender la ética personal ni la dignidad, pero la realidad suele ser dura, contradictoria y en ocasiones lacerante.
 
Sé que a  muchos no les agradará esta historia. Que recibiré fuertes críticas y acaso la incomprensión de quienes no desean ver la realidad cómo es. Pero si meditasen a fondo en las causas que han llevado a Jaime a esta vida, si se sientan a tratar de comprender, acaso no sean jueces severos y procuren trabajar para lograr que en nuestra isla cambien algunas concepciones económicas.
 
Gracias, Jaime, por ser tan increíblemente sincero. El valor de tu testimonio prueba que aún tienes, dentro del pecho, una dignidad humana que merece ser rescatada.




1.Posté par maria le 12/12/2013 06:49
Je te remercie davoir fait ce texte. bel ouvrage, je connais cette réalité car mon mari est cubain, nous vivons au canada pres de sherbrooke et avons des enfants. Il na pas fraudé en mariage, vit sa vie tranquille ici, mais a ses parents qui sont décu de ne pas vivre le reve américain a travers lui et nous au canada... il se détache de sa propre famille. Bref, cest bien dit et tu racontes la vérité que les touristes dhotels nont jamais connu.

merci

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Bienvenue à Cuba
Michel Rouger
Pays-prison pour les uns, pays de l'utopie en marche pour les autres : quand on parle de Cuba, la caricature n'est jamais loin. Et si l'on chassait les fantasmes ? Gardons les clichés qui ne sont pas faux - la musique, le rhum, le cigare, les plages... - et pour le reste déposons les idées reçues. S'arrêter, regarder, s'interroger. Cuba, au tournant de son histoire, contrainte de s'ouvrir pour survivre, a beaucoup à dire à un monde désaxé, en recherche d'un horizon plus humain. Surtout ses habitants. Et Juan, le poète et le philosophe, peut-être un peu plus que d'autres. Une amitié s'est nouée avec Histoires Ordinaires. Désormais, deux fois par mois, Il nous raconte ses histoires, des histoires vraies. Merci Juan de nous accueillir dans ta maison, Cuba.

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Chez Juan Lazaro, le poète philosophe
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