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1001 histoires avec ATD Quart Monde

La misère n'est pas une fatalité

Écoutez ou relisez les "31 histoires pour un monde autrement" éditées par ATD Quart Monde Grand Ouest et Histoires Ordinaires

Les cœurs solidaires (p.28)


Mardi 25 Juillet 2017

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Je suis née au Cameroun, mais pour des raisons difficiles à expliquer, j'ai été persécutée par ma famille et j'ai dû fuir mon pays une première fois pour aller en Côte d'Ivoire, c'était pour moi une question de vie ou de mort et j'avais envie de vivre. Mais j'ai été retrouvée et j'ai dû fuir de nouveau, c’était mon ultime chance de survie.

J’ai choisi la France, pays de la liberté et des droits de l'Homme, et comme je parle français cela me semblait plus simple. J'ai acheté mon billet d’avion avec l'argent que je gagnais, puisque je travaillais comme assistante médicale. Je suis partie avec en poche un visa de 21 jours, l’adresse de la sœur d'une amie sénégalaise qui était mon seul contact et la ferme intention de ne pas me servir du billet retour.
 

J’ai fini par me retrouver à Rennes et à contacter le 115 pour ne pas dormir à la rue. Quand mon visa a expiré, j’ai commencé les démarches pour être demandeur d’asile. Moi qui étais venue dans le pays des droits de l’Homme, j’avais parfois l’impression d’être dans un milieu où les autres me rejetaient. Je pouvais survivre, je savais où aller pour manger, me laver, m’habiller, dormir, mais cela ne me suffisait pas.
 
J’ai été reçue par Thomas et c’est là que tout a commencé

 
Comme les procédures sont interminables et que je n’avais rien à faire j’ai eu beaucoup de moments de découragement, voire de déprime, surtout en hiver. Je n’arrêtais pas de penser à mes problèmes, à ma solitude, à me demander : « Qu’est-ce-que je vais faire ? » Moi, ce que je voulais, c’était avancer, me rendre utile, alors je suis allée à la mairie me renseigner pour faire du bénévolat puisque je n’ai pas le droit de travailler. La mairie m’a renvoyée à France Bénévolat 35 et là, j’ai eu plusieurs noms d’associations. Comme je suis catholique le nom de l’une d’elle m’a attirée.  J’ai pris le bus et je suis allée au « Secours Catholique » . J’ai été reçue par Thomas et c’est là que tout a commencé.

Thomas ne m’a pas demandé mon histoire, il m’a demandé ce qu’il pouvait faire pour moi, il m’a donné des renseignements utiles pour m’aider à trouver du bénévolat. Je me suis sentie respectée et considérée. Après cette entrevue je me suis bougée plus qu’avant, je n’ai pas eu peur d’aller voir d’autres associations pour leur demander si elles avaient besoin d’aide. Je retournais souvent au Secours catholique où je revoyais régulièrement Thomas. Un jour il a eu une idée géniale, il m’a demandé : « Qu’est-ce que tu penses de te retrouver avec d’autres femmes migrantes pour des échanges ?  » J’ai dit « Oui ».

Thomas en a parlé à d’autres femmes qui ont été partantes. A la première réunion nous étions cinq. C’est là que sont nés  «  Les cœurs solidaires ».

On partage tout : les peines comme les joies !

Un après-midi par semaine nous nous retrouvons dans une salle du Secours Catholique avec un animateur de l’équipe du pôle migrants. C’est une occasion de nous poser, d’échanger sur nos différences de culture, il y a eu une Albanaise, une Syrienne, plusieurs Africaines. Très vite la confiance a régné entre nous. On peut parler de soi, de nos parcours, de nos galères car nous en avons toutes. On ne se sent pas jugée. On se soutient, on s’encourage, on s’entraide, on partage nos expériences pour les procédures. Il y a une grande solidarité entre nous.

Si une a besoin, il y a toujours une volontaire pour garder les enfants pour qu’elle puisse aller faire des courses ou aller à un rendez-vous. Une a perdu sa maman, il y a eu le soutien de tout le groupe. Une autre a accouché, on s’est réunies pour lui rendre visite. On partage tout : les peines comme les joies ! Avec celles qui le pouvaient, on a organisé des sorties à la plage pendant l'été, on a même pris ensemble trois jours de vacances sur la péniche du Secours Catholique, quel bonheur ! On organise un repas de fin d’année financé par le Secours Catholique, chacune cuisine une spécialité de son pays.  On a même créé un forum sur internet, WhatsApp, pour se donner des nouvelles tous les jours. La première qui se réveille envoie un bonjour à chacune, s’il y en a une qui ne répond pas jusqu'à la fin de la journée, tout le monde s’inquiète. Même si certaines ne peuvent plus venir, car elles ont déménagé à St Brieuc, Fougères, Pontivy, on reste en contact.

Moi j’ai trouvé une famille, des sœurs. Ça me permet de reprendre courage dans les moments difficiles car il y en a toujours mais je trouve toujours une oreille attentive pour m’écouter. Si je n’avais pas eu toute la richesse de ces échanges, imaginez ce qui aurait pu se passer dans ma tête. Merci au Secours Catholique de nous avoir donné cet espace, il m’aide à avancer.

La force de la vie, c’est ça que je veux communiquer aux autres. Il ne faut jamais se décourager. Si Dieu permet que je sois encore en vie c’est qu’il m’aide et il a mis sur mon chemin des hommes et des femmes pour m’aider à avancer. J’ai été accueillie, je veux à mon tour être accueillante même si ma situation n’est toujours pas régularisée. Grâce au groupe je reçois plein d’énergie pour pouvoir me battre jusqu’au bout.

Madeleine

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