3 Février 2022


Pauvreté, précarité, chômage, principales causes de difficultés


. La réduction des budgets nuit à la vie quotidienne des habitants de quartiers populaires, comme Villejean. Photo Catherine Verger
Pauvreté,  précarité, chômage expliquent une grande part des difficultés rencontrées par les habitants de Villejean, Des causes économiques et sociales rendent la vie difficile ici comme dans les quartiers périphériques de Rennes et des autres métropoles.

Dans la population active (de 15 à 64 ans), 25% sont au chômage sur le quartier de Villejean, 8% pour l'ensemble de la ville. Avec des différences selon les secteurs du quartier : 16% autour de Pontchaillou et 32% sur le secteur de la dalle Kennedy. Sources : Insee, Apras.
L'absence d'emploi, un emploi en CDD (contrat à durée déterminée), ou  intérimaire  alimentent la précarité et la pauvreté. Ceci concerne aussi les jeunes adultes. « Beaucoup de familles vivent avec les minima sociaux, autour de la Dalle », constate Nelly Bloyet  (We Ker, Mission locale). Les jeunes vivent dans un environnement familial avec peu de ressources. Selon le secteur, le taux de pauvreté varie de 27% (Pontchaillou) à 59% (dalle Kennedy). L’écart entre riches et pauvres se creuse  : « Des mamans se privent de manger pour leurs enfants », souligne Laure Guyot, animatrice « famille et éducation » dans le quartier.  

« La précarité explique une part des agressions : on commet de petits larcins pour obtenir un objet ( par exemple un mobile) qu’on ne peut pas se payer », remarque David Carbonnel, animateur à la Maison Verte . Mais il insiste : « C’est très marginal », même si les média en parlent beaucoup.  L’économie de la drogue fait vivre aussi beaucoup de familles : c'est l'un des obstacles à l'éradication du trafic. 
 

Sur la dalle Kennedy, près de 60% des ménages vivent avec moins de 855 € par mois (en 2018) à comparer aux 20% sur l'ensemble des quartiers de la Ville.
La famille joue un rôle essentiel
 
Un animateur souligne l'importance de l'organisation au sein de chaque famille : par exemple, «  Un rôle dévolu à chacun : les mères à la maison (cuisine et ménage),  les garçons, enfants rois ; les filles aînées secondes mamans pour leur frères ou leur sœurs. »  Les filles ont alors une double responsabilité à l’école  et à la maison.  « L’absence de structure familiale forte explique aussi une part des difficultés », note Jocelyne Coudan, ancienne représentante des résidents du quartier. « Les parents travaillent et n’ont plus de temps pour leurs enfants le soir. ». Le confinement  lié au Covid n'a rien arrangé dans les familles : décrochage scolaire par manque d’accès au numérique a la maison, désœuvrement...

Jocelyne Coudan ajoute l’exclusion sociale subie par des parents porteurs d'une culture différente : « Certains parents ne comprennent pas forcément la langue et les mœurs. ». D'où un manque de confiance en soi  des parents et de capacité à réagir face aux difficultés de la vie quotidienne. De plus en plus de services administratifs sont sur internet. Pour réaliser toutes les démarches administratives il faut passer par un ordinateur. « Pour ces familles en particulier c'est compliqué, parce que pour tout le monde c'est compliqué ! »
 

L'éducation populaire prend de nouvelles formes, à la Maison Verte, par exemple (Photo Catherine Verger).
Réduction des budgets publics
 
Le manque de moyens des services publics renforce les difficultés. C'est un constat dans l'éducation, crèches, écoles, éducateurs, prévention santé et police, accueil des différentes administrations, logement social  ... pour n’en citer que quelques-uns. La réduction des budgets nuit à la vie quotidienne des habitants de quartiers populaires, en particulier. Beaucoup de nos interlocuteurs accusent « la logique économique »  qui met en compétition  certains services. Ou bien encore  la défaillance de l’éducation populaire. « Avant, on allait à la MJC, maintenant on est sur la dalle ».

L'éducation populaire utilise de nouvelles formes, à la Maison Verte par exemple, mais souffre de handicaps. « Les éducateurs sont mal payés. Il n'est pas sûr qu’ils vont rester longtemps dans le métier »... L'un d'entre eux précise : « Notre travail social est une goutte d’eau dans l’océan des besoins. ». Le tissu social s'est aussi distendu depuis 30 ans et les réseaux sociaux  réduise les relations sociales directes.

Plus globalement, certains identifient  un réel problème démocratique. La place des usagers des services est peu prise en compte dans les décisions. « On n'écoute pas les gens. » Les hommes politiques sont dans un autre monde. « On est face à des gens qui ne vivent pas les réalités. Il y a un fossé », insiste Sylvia Thénard, de l'association "Si on s'alliait ?" Et donc les politiques mises en place «ne sont  pas en adéquation avec la réalité  des personnes.  Il n'y a ni communication, ni écoute. D'où un sentiment de non reconnaissance.  Le système [économique et politique] détruit la société solidaire. Il faut créer de la solidarité, de la communication et de la puissance d'agir des gens. »

Jean-François Bourblanc