L'ouvrage "Hola desde Cuba" étant épuisé, Histoires Ordinaires propose en accès libre les vingt-quatre portraits réalisés par notre ami poète et philosophe Juan Lazaro Besada dans sa ville de Trinidad ainsi que le portrait de l'auteur.

Demi-Lune, chronique de la rue où je vis




Demi-Lune, chronique de la rue où je vis
Ernesto Valdez Munoz est son vrai nom mais pour tous les gens de Trinidad c'était et ce sera toujours Demi-Lune. 
 
Avec ses pavés de pierre ancienne, baptisés par l'humour créole les " cailloux tondus", la rue où je vis voit battre le cœur de la population.
 
Tout au long de ma rue, tel un composé de nuances diverses et variées, les maisons traditionnelles modestes, à la maçonnerie simple et aux toits de tuiles, se mêlent aux bâtiments modernes aux toits de  béton.

Demi-Lune, chronique de la rue où je vis
Un défi permanent à l'inexorable marche du Temps

Deux lieux caractérisent cette artère de Trinidad : le premier est le Bureau du Conservateur de la Ville et de la Vallée de Los Ingenios, situé à quelques centaines de mètres de chez moi. C'est l'ancienne demeure de l'un des aristocrates les plus importants de la ville. Ce petit palais, devenu aujourd'hui le bureau où l'on travaille pour préserver l'architecture coloniale de la ville, qui est inscrite par l'Unesco au Patrimoine mondial de l'humanité, se dresse comme un défi permanent à l'inexorable marche du Temps. 
 
L'autre lieu est appelé "Candonga". Il se trouve en bas de l'actuelle Maison de la Culture qui a été un temps la résidence de la famille de l'éminent intellectuel Armando Hart Dávalos, qui fut ministre de la Culture et participa à l'expédition du yacht Granma. 
 
La "Candonga" est un espace où les artisans présentent et vendent leurs produits. Là, vous pouvez trouver sculptures en bois, jeux de dominos - le plus répandu à Cuba - et jusqu'à des textiles d'habillement artisanaux très variés et de qualité inégale. Ainsi, à côté de véritables œuvres d'art, il y a d'autres productions destinées à répondre à l'envie des touristes de ramener chez eux des souvenirs exotiques rappelant leur séjour dans la ville.

Un endroit où survivent beaucoup de traditions

Mais ces deux lieux ne sont les seuls repères obligatoires quand on parle de ma rue. Il est facile de voir la présence de l'Institut professionnel pré-universitaire dans un bâtiment qui était le siège d'un couvent avant la Révolution. Tous les matins, des étudiants, avant le début des cours, dérangent le voisinage en se divertissant.
 
Il est tout aussi intéressant d'apprécier le bout de la rue. On y voit le constant va-et-vient des chevaux ; cette partie de la ville est un endroit où survivent beaucoup de traditions héritées des siècles antérieurs ; ses habitants sont drogués à la musique mexicaine et consomment de grandes quantités de rhum. Il est facile aussi de constater la présence d'expressions religieuses afro-cubaines.
 
Certaines maisons, grandes et bien équipées, fonctionnent comme des hôtels pour héberger des touristes visitant la ville, une activité très à la mode et très lucrative dans les conditions économiques actuellement précaires du pays.

Demi-Lune, chronique de la rue où je vis
Le classique humour créole

Demi-Lune, situé dans le Conseil Populaire dit des Monuments, est une rue où ils se mélangent le traditionnel et le moderne en une synthèse de ce que Cuba est maintenant. Entouré de nombreuses plantes qui apportent la fraîcheur, on peut saisir l'essence d'une population de travailleurs, de gens simples qui se battent chaque jour pour vivre et réussir.
 
Une autre caractéristique de ma rue est le jeu de dominos. En fin d'après-midi et la nuit, on peut observer de nombreux habitants de tous les âges agglutinés autour d'une table jusque sur le pas de la porte du Bureau du conservateur pour profiter de l'éclairage public : il apporte un éclairage suffisant à ceux qui participent au jeu.  Quiconque s'arrête pour regarder perçoit  aussitôt le classique humour créole, source de disputes joyeuses entre les joueurs et de moqueries pour ceux qui perdent. 
 
Un détail qu'il n'est pas possible d'oublier, c'est la profusion de surnoms avec lesquels les gens s'appellent. J'ai ici quelques échantillons : "potage", "le maigre", "boulette"… les énumérer tous serait quasi impossible.

Les voix des vendeurs 

Les nombreux touristes qui déambulent quotidiennement dans ma rue ramènent généralement des scènes de la vie populaire, de la corvée quotidienne du transport de l'eau, dont l'approvisionnement est irrégulier et déficient, jusqu'aux nombreuses charrettes improvisées tirées par des chevaux qui transportent les matériaux les plus variés.
 
Les nombreux vendeurs de pain, gâteaux et autres produits alimentaires, apportent une note vraiment colorée. Ils parcourent la rue avec leurs manières sympathiques en vantant leurs marchandises. Deux d'entre eux attirent particulièrement mon attention pour leur manière originale d'être et de parler.
 
 L'un, blanc, âgé d'une quarantaine d'années, est toujours accompagné d'une bicyclette harnachée d'un carton où il met ses marchandises qu'il propose d'une voix forte et de manière curieuse :
"Beurreee, fromage crémeueueu… Le beurre et le fromage crémeux !"

Demi-Lune, chronique de la rue où je vis
Le peuple qui travaille et bataille, toujours souriant

L'autre, noir, un peu plus jeune et plus fort, est peut-être une voix perdue pour le chant tant elle a un timbre agréable. Équipé d'une caisse en bois de taille moyenne, il sillonne ma rue au crépuscule avec un message très sympathique que je reproduis textuellement :
"Le petit pain spécial à 1 peee…so !"
 
Ce curieux et charismatique vendeur propose ainsi son pain savoureux. Avec toujours, en plus, le sourire aux lèvres. Quand quelqu'un lui achète quelques pains pour renforcer l'insuffisante ration quotidienne, il répond :
"Maintenant, j'en ai moins !"
 
Beaucoup d'autres personnages mériteraient d'être mentionnés mais l'acteur le plus important de ma rue est son propre peuple, celui qui travaille et bataille toujours souriant, affrontant la vie avec une patience de bénédictin.
 
C'est Demi-Lune, la rue d'où je vois et je sens au quotidien passer Cronos

Traduction : Éric Dussaud
(Intertitres : rédaction d'Histoires Ordinaires)


Texte original

                                                                                        Media Luna

Ernesto Valdés Muñoz es su nombre actual, pero para los trinitarios ha sido y seguirá siendo Media Luna. Con sus adoquines de piedras vetustas, bautizadas por el humor criollo como “chinas pelonas”, la calle donde vivo refleja el pulso de la población. A lo largo de ella se mezclan, como en una amalgama de diversos y variopintos matices, las casas tradicionales, humildes, de simple mampostería y techos de tejas, con construcciones más modernas, con su techado de hormigón. 
 
Dos lugares caracterizan a esta arteria trinitaria: el primero de ellos es la Oficina del Conservador de la Ciudad y el Valle de los Ingenios, situada a escasos cien metros de mi hogar y antiguamente vivienda de uno de los sacarócratas más importantes de la villa. 
 
Este palacete, devenido hoy la oficina desde la cual se trabaja por la preservación de la arquitectura colonial de esta villa proclamada por la UNESCO Patrimonio de la Humanidad se alza, en desafío permanente al indoblegable paso de Cronos. 
 
El otro lugar es la llamada “candonga”, situada al fondo de la actual Casa de la Cultura, que fuera en un tiempo la residencia de la familia del destacado intelectual Armando Hart Dávalos, quien fuera Ministro de Cultura y expedicionario del yate Granma. 
 
La “candonga” es un espacio donde los artesanos muestran y comercializan sus producciones. Allí es posible encontrar desde tallas en madera, juegos de dominó –el más extendido en Cuba- hasta confecciones textiles y artesanía muy variada y de desigual calidad, pues junto a verdaderas obras de arte, hay otras producciones destinadas a satisfacer el interés de los turistas por llevar a sus países de origen algún souvenir exótico que les recuerde la estancia en esta ciudad. 
 
Pero no solamente estos dos lugares son de obligada referencia para hablar de mi calle. Es fácil apreciar en ella la presencia del Instituto Preuniversitario Vocacional, en la construcción que antes de la Revolución era sede de una escuela de monjas. Todas las mañanas, se ven allí a los estudiantes antes de comenzar las clases, alborotando con su jolgorio al vecindario.
 
Igualmente atractivo es apreciar, al menos en la parte final de la calle, el frecuente ir y venir de los caballos, pues esta parte de la ciudad es lugar donde se conservan muchas tradiciones heredadas de siglos anteriores. Además, sus moradores son muy adictos a escuchar música mejicana y a consumir grandes cantidades de ron. Del mismo modo es fácil constatar la presencia de las expresiones religiosas afrocubanas.
 
Algunas viviendas grandes y bien equipadas funcionan como hostales para hospedaje de turistas visitantes de la villa, negocio muy de moda y bastante lucrativo en las actuales y precarias condiciones económicas de la vida nacional.
 
Media Luna, situada en el Consejo Popular conocido como Monumentos, es una calle donde se mezclan lo tradicional y lo moderno en una síntesis de lo que Cuba es en estos tiempos. Rodeada de numerosas plantas que aportan frescor, recorrerla es aprehender las esencias de una población de trabajadores, de gentes sencillas que luchan cada día por vivir y triunfar.
 
Otra característica de los habitantes de mi calle es el juego de dominó. En los atardeceres y durante las noches se puede apreciar a numerosos habitantes de las más variadas edades agruparse en torno a una mesa situada a la puerta misma de la Oficina del Conservador, para aprovechar el alumbrado público que proporciona abundante iluminación, enfrascados en este juego. Quien se detiene a observarlo, enseguida percibe el clásico humor criollo, pues es fuente de alegres disputas entre los jugadores y de burlas a quienes pierden en el juego.
 
Un detalle que no es posible olvidar es la enorme profusión de sobrenombres con que se llaman los habitantes. He aquí algunas muestras: “Potaje”, “El flaco”, “Bolito”… Enumerarlos todos sería casi imposible.
 
Los numerosos turistas que deambulan diariamente por mi calle, suelen retratar escenas de la vida popular. Desde la diaria faena de cargar el agua, cuyo abastecimiento es irregular y deficiente, hasta los numerosos carros improvisados, tirados por caballos donde se acarrean los más disímiles materiales.
 
Una nota de verdadero colorido la proporcionan los numerosos vendedores de pan, dulces y otros productos alimenticios que recorren la calle con sus simpáticas maneras de pregonar sus mercancías. Dos de ellos particularmente atraen mi atención por su forma original de decir y ser. Uno de ellos, blanco de unos cuarenta y tantos años de edad, siempre acompañado de una bicicleta provista de un cajón donde trae sus mercancías, las propone con voz fuerte de modo curioso:
 
“¡Mantequillaaa, queso cremaaa… La mantequilla y el queso crema!”
 
El otro, un negro algo más joven y fuerte es acaso una voz perdida para el canto, pues tiene un timbre agradable. Provisto de una caja de madera de regular tamaño, recorre mi calle al atardecer con un pregón muy simpático, que reproduzco textualmente :
 
“¡El pancito especial a peee…so!”
 
Este curioso y carismático vendedor propone así el sabroso pan que vende. Pero además, siempre con una sonrisa en los labios. Y cuando alguien le compra algunos panes con que reforzar la insuficiente ración diaria, responde:
“¡Ya me quedan menos!”
 
Muchos otros personajes merecerían una mención, pero el protagonista más importante de mi calle es el propio pueblo, ese que trabaja y batalla y siempre sonriente, afronta la vida con paciencia benedictina.
 
Esta es Media Luna, la calle desde la cual veo y siento el diario pasar de Cronos.



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Bienvenue à Cuba
Michel Rouger
Pays-prison pour les uns, pays de l'utopie en marche pour les autres : quand on parle de Cuba, la caricature n'est jamais loin. Et si l'on chassait les fantasmes ? Gardons les clichés qui ne sont pas faux - la musique, le rhum, le cigare, les plages... - et pour le reste déposons les idées reçues. S'arrêter, regarder, s'interroger. Cuba, au tournant de son histoire, contrainte de s'ouvrir pour survivre, a beaucoup à dire à un monde désaxé, en recherche d'un horizon plus humain. Surtout ses habitants. Et Juan, le poète et le philosophe, peut-être un peu plus que d'autres. Une amitié s'est nouée avec Histoires Ordinaires. Désormais, deux fois par mois, Il nous raconte ses histoires, des histoires vraies. Merci Juan de nous accueillir dans ta maison, Cuba.

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Chez Juan Lazaro, le poète philosophe
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