Les vacances vacantes
Violette Goarant
Qu'est ce que tu fais pour les vacances? Moi, je n'ai pas changé d'adresse. Les vacances, symbole d'espoirs, d'illusions, de moments clichés et uniques, là où l'être humain devient touriste. La respiration, le quotidien, la douce routine n'ont qu'à s'accélérer, c''est la suprématie de la détente obligée. Les vacances, une grande récré organisée comme la permission de se sentir cool sans remettre en cause la vie, la vraie... Manquerait plus qu'ça.
Devant l’accumulation des devoirs gribouillés sur son agenda, un copain de lycée protestait souvent en disant « hé mais hé, dans le mot vacances, il y a vacances ». Les vacances, voilà un concept tout à fait inégalitaire. Alors qu’une famille sur deux ne part pas en vacances, on continue de faire croire, dans les journaux télévisés, que tout le monde se tient les côtes en les rejoignant, toutes d’Azur, d’Or ou d’Armor qu’elles soient.
Le mot « vacances » trempe dans un bain consumériste et trompe des familles fatiguées qui veulent se re-po-ser tout en cherchant l’optimisation totale du temps dit libre, pour visiter, se presser dans les files d’attente, gouter une crêpe à la banane et au prix flambés. Les vacances servent à détester le quotidien, à vivre en apnée jusqu’au week-end, aux vacances, à capitaliser docilement pour pouvoir partir, s’enfuir. Et puis, avant 18 ans, heure de libération légale, l’enfant à occuper est le centre des préoccupations : centre aéré, encadré mais pas forcément entouré, chantiers de jeunes pour retaper le patrimoine des régions gratuitement et libérer les éducateurs de foyer pour jeunes délinquants, mais aussi colos de jours heureux, visites chez papy-mamy où tout est permis, les parents oscillant entre bon débarras et embarras. Un enfant sur son lit regarde le plafond gris. On a parlé d’égalité des chances à la télé, d’enfants pauvres comme partis derniers, de la course ou la vie. Ferme les yeux, c’est le quotidien qu’on doit enchanter. Les nuits et les jours, tout compris.

Illustration sonore :
Laga Savea, Take me away.