Au harceleur libéré
Violette Goarant
Dans l'excellent article "les femmes montrent leurs bobines, les hommes leurs films", Virginie Despentes, Coline Serreau et Fanny Cottençon illuminent les fiers des frères Lumières qui se félicitent entre eux au Festival de Cannes. Ici, coup de projecteur sur le festival de vannes, celles qui humilient et qui dérapent. Coup de théâtre, une loi brandie courageusement par les victimes est abrogée brutalement. And the winner is ?
Mon petit, vous nous apporterez trois cafés, vous êtes mignonne. Mais vous croyez quoi, vous savez, on vous recrute au physique hein. Hey les gars, j’ai une blague, c’est quoi la différence entre une femme et un chapeau pointu ? Mais enfin, c’est de l’humouuur… Géraldine, j’ai fait tomber ça, vous pouvez le ramasser, s’vouplait. Voilà, penchez vous, voilà, penchez vous un peu. Entrez, oh non, vous ne nous dérangez pas, c’est toujours agréable d’être dérangé par une jolie femme. Alors les filles, ça jacasse ?
Dis moi, Sophie, tu fais quoi comme taille de soutien gorge parce que waaw. Alors c’est simple, le logiciel est très simple, on prend la souris ensemble, me colle à vous, vous fixe droit dans les yeux et puis vous détaille de haut en bas. Elle se raidit sur son siège, genre la fille coincée ! Justememnt, depuis le 4 mai 2012, la fille est vraiment coincée. Les Sages ont été saisis d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) qu’a déposé Gérard Ducray. Cet ancien élu du Rhône contestait sa condamnation pour harcèlement sexuel. Désormais, plus moyen de porter plainte. Effet immédiat sans filet. Il est vrai que l’effet (aussi) pervers de ce délit de harcèlement sexuel était parfois de condamner des agresseurs sexuels en tant qu’harceleur. La loi était trop vague pour condamner des gens trop directs. Depuis, à la Cour, les affaires en cours tournent court. La super chance de certaines victimes est d’avoir subi une agression sexuelle, elles peuvent donc continuer la procédure en invoquant celle-ci. L’association « Osez le Féminisme » parle de 722 femmes par jour victimes de harcèlement sexuel. Le Ministère de la Justice a précisé que le délit donnait lieu à environ 80 condamnations par an. Le jour de l’abrogation, une victime exprime son dégoût : « Mon harceleur se pavane depuis ce matin ». Une justice masculine, c’est à dire un justice.
