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14/03/2013

Carl, féministe au masculin


L’égalité homme-femme reste un combat permanent, entre maintien des acquis et inégalités persistantes. Si être féministe peut être naturel pour les femmes, le suédois Carl Emmanuelsson se bat en tant que féministe pour les femmes et aussi pour vous, les hommes. Il est même le porte-parole du parti politique « Initiative Féministe » (en suédois : Feministiskt Initiativ).


Carl est porte-parole féministe
Carl est porte-parole féministe
Homme féministe pas féminin, Carl porte sa barbe, son alliance et son pull vert avec calme et bonhomie. Enfant, son intuition l’alerte sans la nommer sur une inégalité criante mais silencieuse : « J’ai toujours senti que quelque chose n’allait pas avec les bagarres et la violence dont les petits garçons usaient ». Étudiant en Histoire, il rentre en contact avec le mouvement féministe et les analyses théoriques du Genre, pour s'y voir révéler l’explication de son malaise.

En 2006, quand le parti féministe suédois « Initiative Féministe » débute, il épouse leur politique pour s’engager. Une sorte de "mariage pour tous" : « Je voulais vraiment prendre parti car je sens que, dans le futur, quand je parlerai à mes enfants, je ne voudrais pas qu’ils aient un salaire diminué, selon qu’ils soient fille ou garçon. (…) Éviter de se dire : " Oh, non, je n’ai rien fait ", car il y a encore des femmes qui sont moins payées que les hommes ! s’exclame-t-il comme s'il venait de l'apprendre. C’est quelque chose que j’avais besoin de faire, pour… changer le monde, sourit-il un peu gêné, enfin, pour en faire un meilleur endroit. »

Dans la société suédoise, réputée pour être davantage égalitaire, il faut rester vigilant car l’inégalité persiste sans se résigner. Quitte à enregister un recul. Selon un rapport paru lors du Forum Economique Mondial de 2012 à Genève, la Suède est classée 4e au rang mondial alors qu’elle était classée 1ère en 2006. À sous-titre de comparaison, la France est à la 57ème place en 2012.


Indignation d'enfant

Dans ce café éthique de la gare de Stockholm où Carl m’a donné rendez-vous, l’expresso est immonde mais bon pour la planète. Le suédois formule ses réponses dans un anglais clair, parfois hésitant pour être bien précis. Bien entendu. Son regard est direct, ses gestes lents et posés. Carl a fait de son féminisme une valeur ajoutée pour ses cours de sciences sociales qu’il enseigne dans un collège suédois. En Suède, la réflexion sur les inégalités hommes-femmes figure dans les curriculums de cours. Il s’en est fait un devoir de conscience en réponse à son indignation d'enfant dont on voit ici un exemple. C'est un travail long et patient, fait de remises en question et de persévérance.

Carl observe une évolution dans le parti qui est rejoint par des hommes, encore bien rares. Mais il souligne l'importance de l'engagement des hommes dans la cause féministe : 

Féminisme vs égalitarisme

Pourquoi le féminisme et non l’égalitarisme, puisque l’égalité est recherchée ? Beaucoup d’hommes, par peur de briser leur intégrité masculine, préfèrent s’y réfugier. Le regard doux de Carl s'assombrit pour souligner ses arguments. Ses sourcils se froncent, il s'agite un peu, tentant de contenir son agacement. Carl « ne pense pas que ( les égalitaristes ) en sont conscients mais ils ont des analyses féministes et arrivent à des conclusions type : les hommes sont discriminés. (…) Quand vous parlez de ces problèmes, ce n’est pas ce que vous pensez ou ressentez qui comptent, c’est ce que le recul et les faits nous disent. Et les faits disent que les femmes sont davantage discriminées que les hommes. Dans beaucoup de catégories : politiques, économique et aussi dans la violence. (...) Et pour stopper la violence globalement, on a besoin de commencer par les hommes et ça, ils ont besoin de le voir mais ils ne le voient pas. Il y a un conflit ici. » Si l'homme discret s’efface derrière son combat, celui-ci lui donne paradoxalement la force de se mettre en avant.



Vers le combat d'autres discriminations
Vers le combat d'autres discriminations

Le féminisme comme une porte ouverte vers d'autres combats

Se souhaitant rassembleur, le parti s'ouvre à plusieurs mouvements à la fois, reprenant les inégalités sociétales par le biais du féminisme « parce qu’il faut bien commencer par quelque chose ». Aujourd'hui, la clef du parti Feministiskt Initiativ est là. Suite à un questionnement entre les fondatrices du parti, héritières de l’action féministe des années 70, le parti a opté pour l'intersectionnalité qui définit l'ouverture vers toutes les discriminations dues au racisme, à l'homophobie, aux différences de classes sociales. On n'est pas que femme, mais on y revient.

C’est ainsi que Carl dérouille les rouages coincés de mouvements féministes qui, selon lui, se sont parfois trouvés paralysés par un élitisme de femme de classe moyenne et décrédibilisé par une apparente haine des hommes. Les féministes enragées ne font pas peur à Carl. Devant l’agressivité de certaines féministes, Carl est compréhensif et ne se sent pas attaqué dans sa masculinité. Au contraire, il comprend cette « frustration » et répond présent ou plutôt, avenir.

Violette Goarant






1.Posté par Meunier-Vaillant le 08/03/2013 10:08
merci pour ce document !
enfin ...une belle posture ! et un regard ouvert ...

Martine

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