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06/02/2015

L’insupportable hausse du nombre d’enfants pauvres en France

Les préconisations de François Chérèque (suivi du Plan contre la pauvreté)


François Chérèque, l'ancien secrétaire général de la CFDT, aujourd’hui inspecteur général des affaires sociales, préside l’Agence du service civique et a aussi été chargé par le Gouvernement du suivi du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Il a remis le 26 janvier au Premier ministre le rapport de la mission d’évaluation de la deuxième année de mise en œuvre. A ce titre, il a accepté d’être notre « invité du mois ».


Cette interview mensuelle est réalisée en lien avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le CNLE.   Retrouvez au bas de cette page tous nos invités.

L’insupportable hausse du nombre d’enfants pauvres en France
Quelles avancées ?

Globalement, le Gouvernement tient ses objectifs. Le mouvement associatif et le CNLE ont été entendus. Tout ce qui concerne les minima sociaux sera respecté et revalorisé. Les grandes mesures phares ont été engagées : la Cnaf annonce plus de 100 000 rendez-vous des droits ; la garantie jeune s’est accélérée avec 50 000 accordées au lieu des 30 000 qui étaient prévues la seconde année ; la réforme du financement par l'insertion économique, l'accompagnement des personnes éloignées de l'emploi, les conventions avec les conseils généraux pour l'emploi commencent à se mettre en place ; nous notons des évolutions sur l’accès aux soins et la complémentaire santé. Toutes les réformes bancaires ont été faites comme prévu.  

Quels regrets ?

Il n'y a pas de retard en termes de création de places d’hébergement mais nous notons un problème d'engorgement et des retards dans la construction de logements sociaux… même s’il est vrai, on fait toujours un peu plus d'année en année. Le lien entre l'hébergement et le logement n'est pas si fluide que ce que nous pouvions espérer. Le problème de l'hébergement d'urgence est très dépendant de celui des demandeurs d’asile, déboutés de cette demande, qui restent sur le territoire national mais qui n'ont accès ni au logement social, ni à l'emploi. Nous attendons beaucoup des diagnostics 360° qui offriront une visibilité sur ce sujet dans toutes les régions. » La mission regrette aussi que le dossier simplifié, qui devait unifier la demande de plusieurs prestations, ait été abandonné : de nouvelles expérimentations sont en cours. Le calendrier des Etats généraux du travail social est trop étalé dans le temps, la situation de l’hébergement d’urgence ne s’améliore pas, la construction de logements sociaux et très sociaux n’a pas atteint ses objectifs au cours de cette deuxième année…
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L’insupportable hausse du nombre d’enfants pauvres en France
Quel signal principal ?

L'augmentation du taux de pauvreté chez les moins de 18 ans. Entre 2008 et 2012, le nombre d'enfants pauvres a augmenté en France de 440.000 à cause de l’aggravation de la pauvreté des familles dans lesquelles vivent ces enfants, souvent des familles monoparentales. La mission alerte également sur l’augmentation du nombre de personnes âges pauvres.

Quelles recommandations ?

La mission recommande la mise en place d’un plan d’aide pour les familles pauvres, avec des actions spécifiques ainsi que la tenue d’une conférence à mi-parcours en 2015 pour faire le bilan de la mise en œuvre du plan avec les représentants des différents acteurs impliqués : Etat, collectivités territoriales, associations, partenaires sociaux et usagers.

L'accès aux droits ?

6 milliards d’euros de prestations ne sont pas sollicitées L’un des enjeux important du plan est de lutter contre ce non-recours. La vigilance s'impose sur le RSA et la prime d'activité, sur les conséquences de la disparition de l’ Accompagnement retour à l'emploi (Apre) qui a été supprimé budgétairement. Par ailleurs, l'’aide alimentaire doit être organisée dans un réseau social pour développer l’accompagnement des personnes.

L’insupportable hausse du nombre d’enfants pauvres en France
L'emploi ?

Il faut être vigilant sur la mobilité des travailleurs modestes. Les partenaires sociaux doivent se saisir des préconisations du collectif Alerte, présentées lors de la Conférence sociale et restées sans suite jusqu'ici. 

Et sur le handicap ?

Pour le secteur privé, c'est  l’Agefiph ; pour le secteur public,  le FIPH FP : c’est une logique de statut qui est privilégiée ! Ne faudra-t-il pas penser faire la même politique et fusionner les deux organismes ? De même, ne faudrait-il pas rapprocher Cap emploi de Pôle emploi ? Qu'il y ait des lieux spécifiques pour les personnes en situation de handicap, oui. Mais pourquoi ne pas développer une logique de droit commun ?

Quelles suites maintenant ?

Le plan de lutte contre la pauvreté envisage d’agir de manière systémique, c'est une vrai richesse car on voit les choses par tous les bouts et pas uniquement du point de vue monétaire, financier.  Le Gouvernement doit s’appuyer sur ce rapport pour présenter en février une feuille de route actualisée sur la mise en œuvre du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. C'est désormais inscrit dans le programme de réforme jusqu'à la fin de l'année. Par ailleurs, les différentes mesures d'évolution des minima sociaux sont inscrites jusqu'à la fin du quinquennat.

Texte et photos : Tugdual Ruellan

L’AVIS DU COLLECTIF ALERTE 

Le collectif Alerte, qui rassemble les associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, a rendu public un bilan et des propositions. Il sera reçu prochainement par le Premier ministre. « Après deux ans de plan pluriannuel interministériel de lutte contre la pauvreté, il est urgent de booster le plan et de le territorialiser, estime le collectif. Si le plan de lutte contre la pauvreté est toujours sur les rails, l’impulsion interministérielle qui a marqué la première année et la dynamisation de l’ensemble par Matignon semblent avoir fléchi. Par ailleurs, la mise en œuvre du plan n’a pas pu empêcher l’aggravation de la pauvreté. C’est pourquoi le collectif Alerte, à l’origine du plan dès 2012, présente 67 propositions pour impulser une nouvelle phase. Le Plan pauvreté a sans doute permis d’amortir un peu le choc de la crise économique pour les plus fragiles. Pour autant, les pauvres sont de plus en plus pauvres et éloignés du seuil de pauvreté (987 €). »
Plus d'information sur le site d'Alerte

CONSULTER LE RAPPORT
Comme le premier, ce rapport, consultable ici,  est constitué de trois parties et présente 68 mesures :
• La première, illustrée de comparaisons avec plusieurs pays européens, concerne l’évolution du taux de pauvreté en France ;
• La deuxième porte sur l’évaluation de la montée en charge des différentes mesures du plan au travers de sept thématiques que sont l’accès aux droits, l’accès à l’emploi, l’hébergement et le logement, la santé, l’enfance et famille, l’inclusion bancaire et la gouvernance des politiques de solidarité ;
• La troisième partie s’intéresse à la mise en œuvre territoriale du plan à partir des schémas régionaux réalisés par les préfectures de région.
Le rapport de François Chérèque, élaboré avec Christine Abrossimov et Mustapha Khennouf, membres de l’Igas, a été remis au Premier ministre, en présence de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, et Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion. Rappelons que le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a été adopté en Comité interministériel de lutte contre les exclusions le 21 janvier 2013, à la suite de la tenue d’une conférence nationale les 10 et 11 décembre 2012. 

Lire aussi le communiqué du Premier ministre lors de la remise du rapport




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