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Sonia : « Une fois créée, la fraternité est indestructible !»



Sonia Guesnerie, 42 ans, travaille d’abord comme formatrice en économie et en droit dans un CFA agricole, centre de formation pour apprentis, avant d’encadrer une équipe de production en mécanique à PSA… Jusqu’à cette maladie qui surgit en 2010, la contraignant de cesser toute activité professionnelle. Reconnue « travailleur handicapé », elle devient présidente de l’association de parents d’élèves de l’école de ses enfants à Guipry-Messac. C’est là qu’elle milite aujourd’hui pour davantage de justice et d’équité à l’école.


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Liberté
 
Oui, la devise républicaine a du sens. Et elle en a d’autant plus depuis les événements que nous avons vécus en novembre 2015. Elle m’habite au quotidien, sans même y réfléchir. Je pense que c’est lié à l’éducation que m’ont donnée mes parents. La liberté, c’est d’abord la liberté de penser. C’est quelque chose que nous essayons de mettre en place à la maison. Chacun à son droit de parole dans la mesure où l’on se respecte.

Je crois que l’on vit dans un pays libre par rapport à bien d’autres. J’ai une amie libanaise et je ne peux pas dire qu’elle vive dans un pays libre. Il faut être reconnaissant et ne pas oublier que c’est aussi grâce à nos grands-parents, à tous ceux qui nous ont précédés que l’on a tout aujourd’hui dans notre pays. On l’oublie. Il faut respecter nos libertés, celles du voisin, il faut que les citoyens se respectent entre eux. Et cela s’apprend à la maison, sur la cour de récréation, dans la vie de tous les jours, à tout âge.
 

Egalité

Il faut essayer de tendre vers l’égalité. Mais l’humain reste l’humain et on n’aura jamais cette égalité… Nous sommes dans une société de consommation. On prend garde ne pas regarder le voisin de peur qu’il demande l’aide. Les enfants n’ont pas ce regard. Je me suis investie dans l’animation de l’association de parents d’élèves de notre fille pour veiller entre autres, à cette égalité pour tous.

Beaucoup de choses m’insupportent comme les TAP par exemple, ces temps d’activités périscolaires. Oui, c’est intéressant car ça permet aux enfants de découvrir des activités et ils ont à choisir un panel divers et varié que les parents n’offriraient pas forcément à leurs enfants. Cependant, un coût financier important est imposé aux parents et la commune ne peut pas contribuer. 20 € par enfant, par famille, par trimestre : pour certaines familles, c’est beaucoup. Des enfants repartent à 15h30 chez eux, chagrinés de ne pas pouvoir participer aux activités tandis que le copain d’à côté reste pour faire du théâtre, du judo… Alors, cela crée des injustices et des inégalités.

Fraternité

C’est un mot qui a du sens. Je pense qu’il y a de la fraternité dans mon entourage et je sais que je peux compter sur cet entourage. La fraternité, c’est s’entraider, sans rien attendre en retour. C’est du bon sens. La fraternité, c’est aussi du respect. On se prend comme on est, on s’accepte tel que l’on est. Une société fraternelle est une société qui s’accepte et qui s’entraide, qui sait se serrer les coudes, dans laquelle on avance ensemble dans le même sens.

Peut-être que les événements douloureux que nous avons vécu avec les attentats nous ont ouvert les yeux. Nous nous sommes dit que cela pouvait se reproduire chez nous, que notre liberté était menacée. Dommage qu’il faille une telle violence, un électrochoc pour penser à redevenir fraternel.
 
Etre fraternel, c’est plus qu’être solidaire. La fraternité s’apprend dans l’intimité familiale et se transmet aux enfants. Dans fraternité, il y a frère. Elle nous unies et avec elle, on peut aller très loin. Elle est presque indestructible une fois qu’elle a été créée. La solidarité n’implique pas forcément la fraternité. On peut être solidaire sans être frère. Je pense que dans notre association, il y a de la fraternité. Nous avons envie d’être solidaires avec ceux qui rencontrent des difficultés mais il y a quelque chose en plus : ce plaisir de nous retrouver, de partager un projet commun autour de nos enfants, de compter les uns pour les autres, de trouver des solutions pour avancer sans jamais ne rien attendre en retour…. Ça doit être cela la fraternité.

 
SONIA MILITE POUR PLUS D'EQUITE A L'ECOLE

Sonia est née dans la Sarthe, au sein d’une famille agricole. Après la fac de droit au Mans, elle devient formatrice en économie et en droit dans un CFA agricole de la Sarthe en 1997, intervenant auprès d’apprentis en CAP et en BEP : « une expérience très enrichissante, j’y suis restée six ans ». Avec son mari, elle s’installe à Rennes en 2000. Il sort d’une école d’ingénieurs et vient de trouver un emploi après avoir travaillé d’abord comme prestataire pour PSA puis dans une entreprise de visio-contrôle à Vern-sur-Seiche.

Pendant quelques années, Sonia continue d’être formatrice au Mans et fait chaque jour la navette en train. En 2003, elle intègre à son tour PSA à Rennes comme monitrice sur une ligne de production, gérant une équipe de production en mécanique. Cette même année, nait leur fille. En 2006, la famille s’installe à Guipry-Messac, année de naissance de leur garçon.

Surgit la maladie et... la situation de handicap

Mais en 2010, une maladie surgit et Sonia doit s’arrêter de travailler : « Un passage pas facile ! Il est très difficile de reconnaître que l’on devient, du jour au lendemain, en situation de handicap. C’est une grande souffrance surtout que le dossier n’est pas prévu pour des personnes à qui il reste une autonomie : il est plutôt conçu pour des personnes très dépendantes. Il faut alors faire le deuil de son ancien corps et accepter le nouveau. C’est un travail personnel qui est très long, à la fois d’un point de vue administratif et d’un point de vue personnel. J’ai dû attendre deux ans, laisser le temps à la médecine, à la maladie d’évoluer.

Le corps médical te dit alors : « il va peut-être falloir y penser ! Pendant longtemps, j’ai refusé ma carte d’autorisation de stationnement. Et une fois le courrier posté, il faut attendre quatre mois. Une fois cette démarche effectuée, c’est une bonne partie du chemin qui est faite. J’ai obtenu ma RQTH en 2013. Au total, cela fait trois ans d’attente entre l’annonce du handicap et la réception de cette reconnaissance de qualité de travailleur handicapé. Depuis, je ne peux plus travailler. C’était alors une nouvelle vie qui commençait… »
 
 

Invitée à prendre la présidence de l'association de l'école
 
A cette période, Sonia est membre actif de l’association « Parents et amis de l’école publique La Roche-des-Grées Messac » où est scolarisée leur fille. En 2012, alors que le président donne sa démission, elle se retrouve quasiment la seule parmi les parents à avoir du temps à donner pour prendre la suite : « On m’a invitée à prendre la présidence et j’ai accepté bien volontiers. C’était pour moi l’occasion d’avoir une vie sociale. Le risque d’isolement vient tellement vite. »

Chaque année, l’association organise divers événements pour les 300 élèves et leurs familles, en dynamique avec l’équipe enseignante : « J’en ai compté 12 ! Dès que l’un est fini, il faut penser au suivant et toujours anticiper. » La fête la plus importante est ce grand repas qui réunit quelque quatre cents convives avec entrée, cochon grillé, dessert, le tout fait maison, un défilé dans la commune et divers stands. Il y a aussi ce spectacle offert chaque année à tous les enfants de l’école, un cadeau de Noël offert à chacune des classes : « Nous avons réussi à collecter la somme de 10 000 € pour acquérir du matériel informatique. En élémentaire, les enfants passent le brevet informatique et tous n’ont pas un ordinateur à la maison. C’est une question d’équité et de solidarité avec les familles qui ont moins de ressources ». 

A chaque rentrée scolaire, une enveloppe financière est remise à chaque enfant pour les loisirs. Sonia milite aussi dans la commission cantine : « Je me bats pour éviter d’augmenter le coût du repas. Je sais qu’il y a des enfants qui n’ont pas forcément un repas équilibré le soir lorsqu’ils rentrent la maison ».

Un creuset de solidarité reconnu

« Dans cette association, il n’y a pas de place pour l’intérêt personnel ! C’est toujours l’intérêt des enfants qui prime. Elle est aussi une bonne école de démocratie car pas mal d’élus sont passés par l’association… C’est historiquement sur la commune un creuset de solidarité reconnu. Beaucoup d’habitants se connaissent depuis la maternelle et il y a entre eux, comme une générosité spontanée. L’association a été créée par Monique Delourmel, une amie de l’école, qui voulait redonner une âme à l’école. Elle a lancé cette fête qui a tout de suite eu beaucoup de succès. Vous imaginez ? Demander à des parents de préparer et de cuire des cochons pour nourrir 400 personnes ! Et ça dure depuis l’origine. Nous avons réussi cette année à proposer d’autres plats pour varier les modes alimentaires et remplacer le cochon ! Mais il faut du temps car c’est un vrai changement culturel. Cela ne peut se faire que dans l’écoute et le respect mutuel ». 

Propos recueillis par Raphaël Schmidt et Tugdual Ruellan.


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Pourquoi ce blog ?
Michel Rouger
Et si l’on demandait à chacun d’entre nous ce qu’évoque la devise républicaine, ces trois petits mots, parfois bafoués, souvent mis à mal quand ils ne sont pas oubliés de nos frontons publics ? Et si l’on prenait le temps de s’interroger sur le sens qu’ils prennent ou qu’ils ont pris dans nos vies ?

Alors, les citoyennes et les citoyens nous diraient leur mécontentement, parfois leur colère de n’être pas considérés, entendus, écoutés. Ils nous diraient leurs peurs et leur fragilité dans une économie mondialisée, monétisée, déshumanisée. Ils hurleraient leurs doutes, leur mépris face aux promesses qui leur sont faites et qui ne sont pas tenues.

Mais ils nous diraient aussi leur joie d’être libres, de pouvoir dire, rêver, encore et toujours penser. Ils nous diraient malgré tout leur espoir de voir poindre des jours meilleurs, leur soif et leur espérance de justice et d’égalité.

A l’initiative du député Jean-René Marsac, nous sommes allés recueillir des paroles, des histoires de vie, des réflexions glanées sur ces bouts de chemin croisés. Histoires Ordinaires propose de les mettre en partage sur ce blog.

Tugdual Ruellan

« Les valeurs de notre République et de notre démocratie sont violemment attaquées. Vers de nouvelles formes d'engagement et de dialogue avec nos concitoyens »

Par Jean-René Marsac, député



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