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02/06/2016

Un réseau de garages solidaires

Une interview de François Rouvier, directeur du programme


Renault a lancé en 2012 son programme Mobilize : des garages solidaires qui proposent aux personnes en difficulté des réparations ou acquisitions de véhicules à prix coûtant. Sur les 4 000 garages du réseau, ils seront prochainement près de 400 à proposer cette offre. Explications de François Rouvier, directeur du programme.



Cette interview mensuelle est réalisée en lien avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le CNLE . Retrouvez ci-dessous, après l'article, les thèmes sur l'exclusion analysés par nos précédents invités.

Comment est né ce programme au sein de Renault ?

Il y a plus de cinq ans, fin 2010, nous nous sommes interrogés, en tant que grande entreprise et constructeur automobile, sur la manière dont nous pouvions agir sur la question de la pauvreté et de l’accès à l’emploi. Nous savons combien la mobilité est un élément clé pour accéder à un travail et combien le maintien d’une voiture en bon état est essentiel. Cette question est rapidement facteur d’exclusion. Une personne sur deux a déjà refusé un emploi ou une formation pour des problèmes de mobilité et 59 % des employeurs ont déjà rencontré un candidat refusant le poste proposé pour des questions de mobilité. La direction de Renault a donc souhaité intervenir dans le cadre de ses engagements et de sa responsabilité sociétale, voulant rompre aussi avec les objectifs d’une entreprise tournés vers le seul profit financier…

En quoi consiste votre action ?

Plutôt qu’une action de mécénat, nous avons imaginé une action durable qui réponde au plus près, aux préoccupations des personnes. Elle a pour nom Mobilize. Il s’agit d’offrir aux personnes en difficulté qui sont en recherche d’emploi ou qui sont confrontées à une difficulté de maintien dans leur emploi, des offres d’entretien de leur véhicule ou de réparation à des prix très préférentiels, avec la même qualité de service offerte par Renault. Il ne s’agit pas de faire du moins beau ou du moins bien parce que la personne ne peut pas payer ! Début 2011, afin de tester notre idée, nous avons réuni un groupe de personnes confrontées à ces difficultés de mobilité pour identifier les freins et les obstacles. Nous avons également rencontré des garages solidaires associatifs pour mieux connaître leur action. Puis nous avons lancé un appel au sein de notre réseau, constitué de 4 000 garages en France. Nous avons testé le projet avec quelques volontaires. Le garage propose un service à prix coûtant. L’entreprise derrière s’engage à fournir les pièces nécessaires à la réparation, également, sans marge bénéficiaire.

Quels constats après cette phase de test ?

Beaucoup de nos garagistes nous ont avoué qu’ils avaient déjà cette démarche, spontanée, lorsqu’ils connaissaient un client en difficulté. Ils nous ont dit : « d’accord pour jouer le jeu, conscients de l’immense besoin, mais pas question d’être responsables de l’éligibilité des candidats ». Nous avons donc proposé l’idée aux prescripteurs sociaux, dont c’est le métier, et avons ainsi établi un partenariat avec Pôle emploi, le Fonds d’action sociale du travail temporaire, des plates-formes de mobilité, des CCAS, des Udaf, les Restos du cœur, Emmaüs…

Des aides aussi à l'achat

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Après avoir été lancée en 2012 au sein de l’entreprise, l’initiative a été déployée dans toute la France. En 2014, 200 garages étaient impliqués. Ils étaient 290 fin 2015. Ils sont actuellement 360 et ils devraient être 400 en fin d’année. En plus du service de réparation, proposé par le garage solidaire, nous avons aussi conçu une offre complémentaire pour acquérir un véhicule d’occasion, révisé et garanti, dans une fourchette de prix autour de 3 000 € selon les modèles. En effet, la moyenne d’âge des voitures que nous avons vu passer est de 10 ans avec 184 000 kilomètres et un prix moyen de 400 € de réparation. L’acquisition d’un autre véhicule, neuf ou d’occasion est préférable dans bien des cas. Avec le soutien de notre filiale Renault Crédit International et notre direction commerciale, nous proposons à la vente des véhicules neufs, sans marge. La Diac a également consenti à proposer un contrat d’entretien à prix coûtant, le tout adossé sur un micro-crédit de l’Adie ou le parcours confiance de la Caisse d’épargne. On arrive ainsi à une mensualité de 80 à 100 € pour l’acquisition d’une Kangoo ou d’une Sandero.

Comment réagissent vos collaborateurs ?

C’est une initiative qui a du sens, dont la société a besoin, qui est au cœur du métier des salariés et de notre savoir-faire. La démarche de garage solidaire est avant tout volontaire : tout repose sur le principe de subsidiarité. C’est un petit effort, de ne pas gagner d’argent, mais qui multiplié par de nombreux points de vente produit un réel service. Nous souhaitons développer la solidarité au sein de notre réseau Renault. Le blocage le plus important auquel nous avons à faire face est une certaine suspicion des bénéficiaires et l’idée qu’une grande entreprise ne peut pas engager une action solidaire sans avoir derrière une intention de profit… Il faudra du temps pour gagner cette confiance.

Quels développements ?

En 2012, au sein de Mobiliz, nous avons aussi lancé un fonds d’investissement, Mobiliz Invest, doté de cinq millions d’euros. L’idée est d’investir dans des projets entrepreneuriaux à la fois solidaires ou ayant un impact social ou dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire mais aussi, de l’économie classique, sur la thématique de la mobilité. Nous les aidons aussi à se développer et à faire grandir leur projet. Nous soutenons la chaire Entreprise et pauvreté d’HEC. Nous avons également rejoint l’Action Tank, cette structure associative créée en 2009 par Martin Hirsch et Emmanuel Faber, directeur général de Danone, pour imaginer des réponses originales, à partir des besoins des plus pauvres, pour une économie plus inclusive en France et en Europe. Nous avons tous l’intuition profonde que la grande entreprise peut faire des choses formidables si elle met ses talents et une partie de ses ressources au service d’une co-création avec le monde associatif pour développer des projets qui font sens et qui permettent de résoudre des problèmes que l’Etat ne peut plus peut résoudre seul. 

Recueilli par Tugdual Ruellan





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